QUESTION PREMIÈRE. — (Exod.I, 19-20.) Sur le mensonge des sages-femmes.

 

Les sages-femmes voulant épargner la vie des enfants mâles d'Israël à leur naissance, trompèrent Pharaon par un mensonge, en lui disant que les femmes des Hébreux n'accouchaient pas comme les femmes des Egyptiens; à ce propos, on demande ordinairement si de pareils mensonges ont reçu la sanction de l'autorité divine, puisqu'il est écrit que Dieu fit du bien à ces sages-femmes: mais pardonna-t-il leur mensonge, en considération de leur humanité; ou bien jugea-t-il digne de récompense ce mensonge lui-même? c'est ce qui n'est pas certain. Car autre chose était de sauver la vie aux enfants nouveau-nés, autre chose de mentir à Pharaon : en sauvant la vie à ces enfants, les sages-femmes accomplissaient une oeuvre de miséricorde,. mais en mentant à Pharaon, elles agissaient dans leur intérêt, et par crainte du châtiment, action digne peut-être de pardon, mais non d'éloge. Ceux dont il est dit: « qu'il ne s'est point trouvé de mensonge dans leur bouche (1), » n'ont pas VII, ce me semble, dans ce mensonge, un exemple à suivre. Ceux qui mènent une vie bien éloignée de celle des saints, quand ils commettent ces péchés de mensonge, s'y portent d'eux-mêmes par tempérament et à mesure qu'ils avancent en âge, surtout lorsqu'au lieu d'élever leurs espérances vers les biens célestes, ils recherchent exclusivement les biens de la terre. Mais ceux dont la vie est, suivant le témoignage de l'Apôtre, toute céleste (1), ne doivent pas régler sur l'exemple des sages-femmes leur manière de parler, quand il s'agit de dire la vérité et d'éviter le mensonge. Au reste, cette question mérite d'être traitée avec un soin particulier, en raison des. autres exemples que fournit l'Écriture.

II. (Ib.11,12.) Moise tue un Egyptien : en vertu de quel droit?

Dans l'ouvrage que nous avons écrit contre Faustus sur la vie des Patriarches, nous avons suffisamment disserté sur le meurtre de l'Egytien, commis par Moïse: faut-il louer le naturel ardent qui le fit tomber dans cette faute, comme on loue la fécondité de la terre qui produit des plantes inutiles en abondance, avant même que la bonne semence y ait germé ? Cet acte en lui-même est-il tout-à-fait excusable (2)? Il semble que non, par la raison que Moïse n'était pas encore en possession de l'autorité légitime, qu'elle lui vint de Dieu ou que la société l'en eût revêtu. Néanmoins, au témoignage de saint Etienne dans les actes des Apôtres, ses frères, pensait-il, comprendraient que Dieu les délivrerait par son ministère (3); il semble, d'après cela et malgré le silence que garde ici l'Écriture, que Moïse avait été déjà autorisé par Dieu à faire cet acte d'autorité.

III. (Ib. III, 4.) Est-ce un ange ou le Christ qui apparaît à Moïse dans le buisson ardent?

« Le Seigneur l'appela du milieu du :buisson. » Le Seigneur était-il caché dans l'ange? ou le Seigneur est-il ici celui qui s'appelle « l'ange du grand conseil (4) » et qui est le Christ? Car nous lisons plus haut: «l'Ange du Seigneur lui apparut dans une flamme de feu, du milieu du buisson. »

IV. (Ib. III, 8.) Sur la terre promise.

« Les faire passer de cette terre dans une terre bonne et spacieuse, où coulent le lait et le miel. » Cette, terre, où le lait et le miel coulent par ruisseaux, doit-elle être entendue dans le sens spirituel? car, dans le sens propre, telle n'était pas la terre qui fut donnée au peuple Israëlite. Est-ce une manière de parler pour faire l'éloge de sa fécondité et de ses agréments?

V. (Ib. III, 9.) Sur le cri des Israëlites.

« Et maintenant voici que le cri des enfants d'Israël vient jusqu'à moi. » Le mot cri n'a pas ici le même sens que quand il est parlé du cri de Sodome (1) pour désigner une iniquité criante, sans crainte et sans pudeur.

VI. (Ib. III, 22.) Sur l'ordre que Dieu donna aux Hébreux de dépouiller les Égyptiens.

Lorsque le Seigneur ordonna aux Hébreux, par l'intermédiaire de Moïse, de prendre aux Egyptiens des vases d'or et d'argent, et des vêtements, et qu'il ajoute: « Et vous les dépouillerez, » il ne faut pas juger ce commandement comme contraire à l'équité. C'est un ordre de Dieu: par conséquent nous n'avons pas à le juger mais à y obéir. Dieu sait en effet, quelle justice préside à ses commandements : quant au serviteur, il n'a qu'à se soumettre par obéissance à ses ordres.

VII. (Ib. IV, 10.) Moïse est convaincu que Dieu peut tout-à-coup, lui délier la langue

Quand Moïse dit à Dieu: « Seigneur, je vous prie de considérer que je ne parle facilement ni d'hier, ni d'avant-hier, ni depuis que vous avez commencé de parler à votre serviteur, » on voit qu'il avait la ferme confiance que Dieu pouvait,si c'était son bon plaisir, lui accorder tout-d'un-coup le don de la parole, puisqu'il ajoute: « ni depuis « que vous avez commencé de parler à votre «serviteur. » Celui, pensait-il, qui jusque là n'avait pas eu le don de la parole, pouvait tout d'un coup l’acquérir, dès lors que Dieu s'entretenait avec lui.

VIII. (Ib. IV, 11.) Sur ces mots: « C'est Dieu qui a fait le muet, etc. »

«Qui a fait le muet et « celui qui entend, celui qui voit et celui qui est « aveugle? N'est-ce pas moi, le Seigneur Dieu? » Il en est qui font un reproche à Dieu, ou plutôt à l'Ancien-Testament, d'avoir dit que c'est Dieu qui a fait l'aveugle et le muet. Que pensent-ils donc de cette parole si nette de Notre-Seigneur Jésus-Christ dans l'Évangile : « Je suis venu pour que ceux qui ne voient point, voient, et que ceux qui voient, deviennent aveugles (1) ? » Mais quel homme, à moins d'être insensé, croira qu'il puisse exister dans son semblable un défaut corporel, contrairement à la volonté divine? Au surplus, personne ne doute que Dieu est juste dans toutes ses volontés.

IX. (Ib. IV, 12.) Le commencement même de la volonté est l’oeuvre de la grâce.

Lorsque le Seigneur dit a Moïse; « Va maintenant, et j'ouvrirai ta bouche, et je t'apprendrai ce que tu auras à dire,» on voit aisément dans ce passage qu'il appartient à la volonté et à la grâce de Dieu, non- seulement d'enseigner à parler, mais même d'ouvrir la bouche. Dieu ne dit pas, en effet: Ouvre ta bouche et je t'instruirai, mais il promet l'un et l'autre : j’ouvrirai, et j'instruirai. Il dit ailleurs, aux psaumes: «Ouvre ta bouche, et je la remplirai (1). » Ces mots marquent, dans l'homme, la volonté de recevoir le don que Dieu fait à celui qui le veut. Ouvre ta bouche, voilà qui se rapporte au commencement de la volonté ; et je la remplirai, voilà l'oeuvre de la grâce. Mais Dieu dit ici : « J'ouvrirai ta bouche, et je t'instruirai, »

X. (Ib. IV, 14-16.) Sur la colère de Dieu.

« Le Seigneur, ému de colère, lui dit. » La colère de Dieu, n'est pas chez lui, comme chez l'homme, le résultat d'un trouble déraisonnable; une fois pour toutes, il faut retenir cette réflexion, et en faire usage dans les cas où L'Écriture emploie de pareilles expressions, afin que nous ne soyons pas obligés de redire souvent les mêmes choses. Mais on demande avec raison pourquoi, dans sa colère, il dit à Moïse que son frère parlera pour lui au peuple. car il semble qu'il punit sa défiance en ne lui accordant pas le pouvoir très-étendu qu'il devait lui donner, et en voulant qu'ils soient deux pour accomplir ce qu'il aurait pu faire à lui seul, s'il avait eu confiance. Cependant toutes ces paroles, à les bien prendre, ne signifient pas que Dieu dans sa colère se vengea par les faveurs accordées à Aaron. Voici en effet ce qu'il est dit: « Aaron ton frère, fils de Lévi, n'est-il pas là? Je sais qu'il parlera de sa propre bouche. » Ces paroles font voir que Dieu le reprend plutôt de ce que, ayant un frère qui pouvait dire de sa part au peuple ce qu'il voudrait, il s'excuse d'obéir, sur son incapacité, et objecte qu'il a la voix grêle et la langue embarrassée, tandis qu'il aurait dû tout attendre de Dieu. Ce qu'il avait promis peu auparavant, le Seigneur le confirme après la colère qu'il a éprouvée. Il avait dit en effet: «J'ouvrirai ta bouche, et je t'instruirai; » il dit maintenant : « J'ouvrirai ta bouche et la sienne, et je vous instruirai de ce que vous devez « faire; » mais comme il ajoute: « Et il parlera pour toi au peuple, » il semble avoir ouvert la bouche à Moïse, parce qu'il s'était plaint que sa langue fût embarrassée. Quant à sa voix grêle, Dieu ne la change point, mais pour y suppléer, il lui donne l'aide de son frère, dont la voix pourra suffire à enseigner le peuple. Ce qu'il dit: « Tu mettras mes paroles dans sa bouche, » fait bien voir que Moïse devait charger son frère du soin de les exprimer : car si Aaron devait seulement les entendre comme le peuple, c'est à ses oreilles et non dans sa bouche qu'il fallait les faire arriver. Il dit un peu plus loin : « Il parlera pour toi au peuple, et il sera ta bouche, » sous-entendu, ici, devant le peupla. Et quand il dit : « Il parlera pour toi au peuple, » Dieu fait assez entendre que Moïse tient la première place, et qu'Aaron ne tient que la seconde. Enfin dans ces dernières paroles : « Et toi, tu le représenteras dans tout ce qui a rapport à Dieu, » se cache peut-être un mystère profond figuré par Moïse, médiateur entre Dieu et Aaron, tandis que celui-ci est médiateur entre Moïse et le peuple.

XI. (Ib. VI, 24-25.) Sur la rencontre de Moïse avec l'Ange qui vient le mettre à mort.

« Et il arriva que l'Ange se présenta à lui dans le chemin, au moment du repas, et cherchait à le mettre à mort; et Séphora, ayant pris une pierre, circoncit la chair de son fils; et elle se jeta à ses pieds et dit : Le sang de la circoncision de mon fils s'est arrêté. Et l'Ange se retira de lui; c'est pourquoi Séphora dit: Le sang de la circoncision a cessé. » Sur ce texte on fait d'abord cette question : était-ce Moïse que l'ange voulait mettre à mort, puisqu'il est dit « L'ange vint au devant de lui et cherchait à le faire mourir? » Car à qui pensera-t-on que l'ange se présenta, si ce n'est à celui qui était en tète de tous les siens et leur servait de guide ? Ou bien l'ange voulait-il la mort de l'enfant, que sa mère sauva par l'opération de la circoncision? Dans ce cas, l'Ange aurait voulu la mort de l'enfant parce qu'il n'était pas circoncis, et ce châtiment sévère eût été la sanction du précepte de la circoncision. S'il en est ainsi, on ne voit pas à qui s'appliquent ces paroles qui précèdent : « Il cherchait à le mettre à mort; » il faut rester dans l'ignorance à ce sujet, à moins que la suite ne le découvre. Assurément l'Ecriture, se sert d'une locution fort extraordinaire, quand elle dit : « Il se présenta à lui et cherchait à le tuer, » à propos de quelqu'un dont elle n'avait pas parlé auparavant. Mais la même manière de parler se trouve dans le Psalmiste : « Ses fondements sont établis sur les montagnes saintes; le Seigneur aime les portes de Sion (1). » Tel est en effet le début du Psaume, et rien n'avait été dit auparavant de celui ou de celle à qui il est fait allusion dans ces paroles : « Ses fondements sont établis sur les montagnes saintes. » Mais, comme il est dit. ensuite : « Le Seigneur aime les portes de Sion, » il est question nécessairement dans ce passage des fondements du Seigneur ou dé Sion, et mieux, dans un sens plus naturel, des fondements de cette cité. Toutefois comme le pronom ejus est d'un genre indéterminé (car il est de tout genre, masculin, féminin et neutre,) tandis qu'en grec on dit autes au féminin, et autou pour le masculin et le neutre, et que le texte grec porte du autou, il s'agit évidemment ici, non point des fondements de Sion, mais des fondements du Seigneur, c'est-à-dire, de ceux qu'il a établis conformément à ces paroles : « C'est le Seigneur qui bâtit Jérusalem (1). » Et cependant avant de dire: « Ses fondements sont établis sur les montagnes saintes, » le Psalmiste n'avait parlé ni de Sion ni du Seigneur; de même, ici, sans qu'il eût été fait mention de l'enfant, il est dit : « Il se présenta à lui, et cherchait à le mettre à mort; » et c'est parla suite du récit que nous découvrons de qui il est question. Néanmoins si quelqu'un préfère appliquer ce passage à Moïse, il ne faut pas beaucoup disputer avec lui sur ce point. Mieux vaut, s'il est possible, avoir l'intelligence de ce qui suit : Pourquoi l'Ange se garda-t-il de mettre à mort l'un ou l'autre, quand la femme eut dit : « Le sang de la circoncision de l'enfant s'est arrêté? » Car l'Écriture ne dit pas l'Ange laissa l'enfant, parce que sa mère le circoncit, mais, parce que le sang de la circoncision s'arrêta; non parce qu'il sortit à flots, mais parce qu'il cessa de couler. Si je ne me trompe, il y a ici un grand mystère.

XII. (Ib. IV, 20.) Contradiction apparente.

Il est dit que Moïse mit sa femme et ses enfants sur des chars, pour se rendre avec eux en Egypte, et plus loin, que Jéthro, son beau-père, vient au-devant de lui avec les mêmes personnes, après que Moïse a tiré son peuple de l'Egypte (2) ; on peut demander comment la vérité s'accorde avec ces deux passages. Mais il faut croire que Séphora reprit avec ses enfants le chemin de son pays, lorsque l'Ange menaça dé mort Moïse ou l'enfant. Car, au sentiment de plusieurs interprètes, l'Ange mit l'épouvante dans son âme, afin que la compagnie d'une femme ne fût point un obstacle à la mission que Moïse avait reçue de Dieu.

XII. (Ib. V, 1-3.) Dieu n'ordonne que ce qu'il veut qu'on fasse.

Pourquoi dit-on au peuple que Dieu a donné l'ordre de le transporter de l'Egypte dans la terre de Chanaan : tandis qu'on dit à Pharaon que les Hébreux veulent aller trois journées de chemin dans le désert, pour offrir au Seigneur le sacrifice qu'il leur a commandé? Quoique Dieu sût ce qu'il ferait, car-il avait la prescience que Pharaon ne consentirait pas au départ de son peuple, il faut se persuader que ses premiers ordres se seraient accomplis, si le peuple eût été libre de partir. Et si les évènements se passèrent comme l'Écriture en fait plus loin la description, c'est à l'obstination de Pharaon et des siens qu'en revient la responsabilité. Car Dieu ne prescrit point d'une manière menteuse dés ordres qu'il sait devoir être transgressés, pour exercer ensuite envers le coupable la justice de ses jugements.

XIV. (Ib. V, 22, 23.) Prière de Moïse.

Lorsque Moïse dit au Seigneur : « Pourquoi avez-vous affligé votre peuple ? Et pourquoi m'avez-vous envoyé ? Car depuis que je me suis présenté à Pharaon pour lui parler en votre nom, en faveur de votre peuple, vous n'avez pas opéré sa délivrance; » ce ne sont pas là des paroles inspirées par la désobéissance ou l'indignation; c'est une question et une prière : on le voit par la réponse que lui adressa le Seigneur. Il ne lui fait point un reproche de son manque de foi, mais il lui fait part de ses desseins pour l'avenir.

XV. (Ib. VI, 44-28.) Généalogie de Moïse.

II n'est point douteux que l'Écriture voile ici quelque mystère. Car voulant établir la généalogie de Moïse, ainsi que l'exigeait le sujet lui-même, elle commence par l'aîné de Jacob, c'est-à-dire par Ruben, puis de là vient à Siméon, et enfin à Lévi ; elle ne va pas plus loin, parce que Moïse était descendant de ce dernier. Si elle nomme les autres, c'est qu'ils avaient été déjà été mentionnés parmi les soixante quinze personnes qui firent leur entrée en Egypte avec Israël: car ce n'était ni la première tribu, ni la seconde, mais ta troisième, celle de Lévi, que Dieu destinait au ministère sacerdotal.

XVI. (Ib. VI, 30.) Moïse s'excuse sur la faiblesse de sa voix.

Quand Moïse dit : « Je suis d'une voix grêle, et comment Pharaon m'écoutera-t-il ? » il semblerait qu'il allègue la faiblesse de sa voix pour s'excuser de ne pouvoir se faire entendre, non-seulement de la multitude mais même d'un seul homme. Or, il serait étonnant que sa voix eût été faible à ce point qu'il ne pût se faire entendre (415) d'un seul homme! Peut-être cependant l'étiquette de la cour empêchait-elle d'approcher de la personne du roi pour lui parler ? Mais il est dit à Moïse : « Voici que je t'ai établi le dieu de Pharaon, et Aaron, ton frère, sera ton prophète (1). »

XVII. (Ib. IV, 16 ; VII, 1.) Moïse appelé le Dieu de Pharaon, et Aaron, le prophète de Moïse.

Chose digne de remarque! Dieu ne dit pas à Moïse, lorsqu'il l'envoie vers son peuple : Voici que je t'ai établi le dieu de ton peuple, et ton frère sera ton prophète, mais : « ton frère parlera pour toi au peuple. » Il lui dit encore : « Il sera ta bouche, et tu le représenteras dans tout ce qui a rapport à Dieu; » il ne dit pas : Tu seras son Dieu. Mais Moïse est établi le dieu de Pharaon, et par analogie, Aaron, le prophète de Moïse, toutefois à l'égard de Pharaon. Il nous semble résulter de là que les prophètes de Dieu rapportent les paroles qu'ils tiennent de lui, et qu'un prophète n'est autre chose que l'organe par lequel Dieu adresse ses paroles aux hommes incapables ou indignes de l'entendre.

XVIII. (Ib. VII, 3.) Endurcissement du cœur de Pharaon.

Dieu dit à plusieurs reprises: « J'endurcirai le cœur de Pharaon, » et il donne pour ainsi dire la raison de sa manière d'agir: « J'endurcirai, dit-il, le coeur de Pharaon, et j'accomplirai mes merveilles et mes prodiges en Egypte; » On dirait que l'endurcissement du cœur de Pharaon est comme la condition indispensable à la multiplication ou à l'accomplissement des prodiges de Dieu en Egypte. Dieu sait donc se servir des coeurs mauvais, pour l'instruction ou l'utilité des bons. Et quoique le degré de malice dans chaque coeur, ou autrement, le penchant de chacun au mal, soit le résultat d'un vice personnel, issu du libre choix de la volonté ; cependant, pour que le cœur soit porté au mal dans un sens quelconque, il y a des causes qui agissent sur l'esprit : l'existence de ces causes ne dépend, pas de l'homme; mais elles proviennent de cette providence cachée, assurément trés-juste et très-sage, par laquelle Dieu règle et dispose tout ce qu'il a créé. Ainsi, que Pharaon eût un coeur capable de trouver dans la patience de Dieu un excitant, non au bien mais au mal, ce fut en lui un vice personnel; mais quant aux événements qui déterminèrent ce coeur si dépravé à s'opposer aux ordres de Dieu, car c'est là, à proprement parler, l'endurcissement, puisqu'au lieu de céder humblement, Pharaon résistait avec obstination, ils furent une permission de la divine sagesse, qui préparait à ce coeur un châtiment, non-seulement mérité, mais évidemment plein de justice, et on les hommes craignant Dieu trouveraient une leçon. Etant proposée, par exemple, une récompense pour la perpétration d'un homicide, l'avare et celui qui, méprise la fortune seront mus dans un sens différent; l'un sera porté à commettre le crime; l'autre à s'en défendre: la proposition du bénéfice à retirer n'était cependant au pouvoir d'aucun des deux. C'est ainsi qu'il se présenté, pour les méchants, des causes d'agir qui ne sont point en leur pouvoir, mais qui les trouvant déjà engagés dans leurs propres vices et par suite d'un choix antérieur de la volonté, les portent à suivre leurs penchants. Toutefois il faut bien voir si ces paroles: «J'endurcirai, » ne peuvent aussi signifier: je montrerai combien son cœur est dur.

XIX. (Ib, VII, 9.) Sur le rôle d'Aaron.

« Si Pharaon vous dit : Donnez-nous un miracle ou un prodige, tu diras à Aaron, ton frère: Prends une verge, et jette-la devant Pharaon et « ses serviteurs; et ce sera un dragon. » Assurément, dans ce cas, il n'était pas nécessaire de recourir au ministère de la parole, créé en faveur d'Aaron par une sorte de nécessité, pour venir en aide à l'infirmité de Moïse : il s'agissait uniquement de jeter la verge qui devait se changer en serpent. Pourquoi donc Moïse n’a-t-il pas accompli lui-même cette action, sinon parce que cette médiation d'Aaron entre Moïse et Pharaon renferme la figure d'un évènement considérable ?

XX. (Ib. VII, 10.) Sur la verge de Moïse et d'Aaron.

Autre remarque. Il est écrit, à propos du miracle opéré sous les yeux de Pharaon : «Et Aaron « jeta sa verge. » Si l'Ecriture avait dit : Il jeta la verge, il n'y aurait pas matière à discuter; mais comme elle met le mot sa, bien que Moïse la lui eût donnée, ce n'est peut-être pas sans raison que le texte est ainsi conçu. Cette verge leur aurait-elle été commune à tous les deux, de sorte qu'on pourrait la regarder comme appartenant à l'un aussi bien qu'à l'autre ?

XXI. (Ib. VII, 12.) Changement des verges en serpent.

«Et la verge d'Aaron dévora leurs verges. » Si le texte eût porté . Le serpent d'Aaron dévora leurs verges, on eût compris que le serpent d'Aaron dévora, non des serpents imaginaires, mais des verges. Car il a pu dévorer des verges (416) réelles, non des apparences sans réalité. Mais nous lisons : « La verge d'Aaron dévora leurs verges; » or, si le serpenta pu dévorer les verges des magiciens, la verge ne le pouvait pas. Au lieu d'appeler la chose du nom de l'objet auquel elle a été changée, l'Écriture lui donne donc le nom qu'elle avait avant son changement, par la raison qu'elle est revenue ensuite à son premier état; il convenait d'ailleurs de lui donner le nom qui exprimait sa nature principale. Mais que faut-il penser des verges des mages? Furent-elles changées aussi en serpents véritables, et sont-elles appelées verges au même titre que la verge d'Aaron ? ou plutôt, par un prestige de l'art magique, ne semblaient-elles pas être ce qu'en réalité elles n'étaient point? Pourquoi donc les unes et les autres sont-elles appelées verges et serpents, sans aucune distinction, quand il est parlé de c es prestiges? Si l'on admet que les verges des magiciens ont été changées en serpents véritables, une nouvelle et sérieuse difficulté se présente, car il faut démontrer que la création de ces serpents ne fut l'œuvre ni des magiciens, ni des mauvais anges par qui ils opéraient leurs enchantements. Or, parmi tous les éléments corporels de ce monde sont cachées des raisons séminales, qui, à l'aide du temps et d'une cause favorables, deviennent des espèces déterminées parleurs qualités et les fins qui leur sont propres.C'est pourquoi on ne dit pas des anges, par qui ces êtres arrivent à la vie, qu'ils créent de animaux, pas plus qu'on ne dit des laboureurs qu'ils créent les moissons, les arbres ou toute autre production de la terre, parce qu'ils savent utiliser les causes visibles et les circonstances favorables au développement. Ce que ceux-ci font d'une manière visible, les anges l'opèrent d'une manière invisible; mais Dieu seul, est vraiment créateur, lui qui a déposé dans la nature les causes et les raisons séminales. Je dis tout cela en peu de mots; mais pour le faire mieux comprendre et l'appuyer d'exemples et d'une discussion sérieuse, il faudrait un long traité; la précipitation qui préside à ce travail me servira d'excuse.

XXII. (Ib. VII, 22.) Motif de l'endurcissement de Pharaon.

Ce qui suit est différent et fournit matière à une autre question, qui est la cause principale pour laquelle nous avons cru devoir différer l'explication de ce passage ; ayant voulu auparavant voir la forme donnée au tabernacle et la description du parvis qui l'environnait. Voici donc ce qui suit : « Une coudée d'un côté et une coudée de l'autre, provenant du surplus de la longueur des tapis, seront étendues sur les côtés du tabernacle et les couvriront de part et d'autre (1). » Autre chose est le surplus qui existe au côté qui est orné de six tapis, comparativement au côté qui n'en a que cinq, différence numérique dont nous avons déjà parlé ; autre chose est le surplus qui existe sur la longueur du tapis, et dont il est question maintenant. Ainsi il ne s'agit pas de comparer un côté à l'autre, et de trouver leur différence en longueur ; l'un, celui qui est orné de six tapis, en ayant plus que celui qui en compte cinq ; inégalité qui disparaissait, grâce au pli fait à un tapis sur le devant du tabernacle, et au développement d'une moitié de tapis à la partie postérieure. Mais il s'agit de la comparaison entre les tapis de poils et les dix rideaux, tissés de quatre couleurs, que Dieu avait ordonné de faire pour l'intérieur du tabernacle : il se trouve que les tapis dépassent les rideaux de deux coudées. Ceux-ci en effet n'avaient que vingt-huit coudées et ceux-là trente; aussi l'Ecriture ne dit-elle pas : Le surplus des tapis, mais : « le surplus de la longueur des tapis. » Quel sens faut-il donc donner à ces paroles : « Une coudée d'un côté et une coudée de l'autre seront étendues sur les côtés du tabernacle ? » N'est-ce pas que ces deux coudées, dont les tapis dépassent en longueur les rideaux, ne doivent pas être entièrement ramassées sur un côté, en d'autres termes, que tout le surplus ne doit pas être reporté sur le derrière du tabernacle, mais que la distribution doit s'en faire avec égalité, qu'il y en ait autant à l'avant du tabernacle qu'à l'arrière ? autrement, puisque chaque tapis a deux coudées de plus que chacun dés rideaux, qu'une coudée aille d'un côté, et une coudée de l'autre : ainsi chaque côté aura les dix coudées qui lui appartiennent ; car les dix tapis étant chacun plus longs de deux coudées l'emportent d'une longueur totale de vingt coudées, sur la série correspondante des rideaux.

16. Suite.

Il faut examiner ensuite quel espace doivent enceindre les vingt coudées de tapis qui sont en excédant. Car si les tapis de poils couvrent tout le tabernacle intérieur, que pourra-t-on couvrir avec tout ce qui est de trop ? Il faut alors qu'ils soient cachés, et par là même qu'ils disparaissent : ce que l'Ecriture ne dit pas. Or, les dix rideaux, longs chacun de vingt-huit coudées, qui sont tendus autour du tabernacle intérieur, embrassent un espace de deux-cent quatre-vingt coudées ; les deux côtés le plus prolongés, le nord et le midi, où se trouvent vingt colonnes, prennent chacun cent de ces coudées ; restent quatre-vingts, que se partagent, à part égale, les deux côtés les moins longs, le côté oriental, qui n'a pas de colonnes, et le côté occidental, où l'on en compte huit. En retranchant trente coudées sur les tapis de poils, il en restait trois cents: par conséquent si les deux cent quatre-vingt coudées de rideaux sont couvertes par les trois cents coudées des tapis de poils, il restera vingt coudées qui seront sans emploi. Les deux coudées que les tapis de poils ont chacun en sur. plus, et qui ensemble donnent vingt coudées, doivent donc être distribuées, de cette manière: « une coudée d'une part et une coudée de l'autre, » c'est-à-dire, de telle sorte qu'elles ne soient pas toutes amassées sur un seul point, mais qu'elles servent à couvrir les côtés du tabernacle, toutefois vers le parvis extérieur : en d'autres termes, ces trois cent coudées des tapis de poils doivent toutes environner le tabernacle à l'extérieur. En effet si l'on tient compte des cent coudées que mesurent les côtés du parvis extérieur au nord et au midi, il restera pour l'Orient et l'Occident cinquante coudées ; ce qui forme les trois cents coudées, que suffisent à couvrir les trois cents coudées des tapis de poils. C'est ce que signifient ces mots : « Une coudée d'une part et une coudée de l'autre; » cette distribution des deus coudées que chaque tapis de poils mesure en plus, est marquée dans ces autres mots du texte: « Le surplus provenant de la longueur des tapis, couvrira les côtés du tabernacle ; » il s'agit ici des côtés extérieurs, qui tiennent au parvis et « qui doivent être couverts de part et d'autre; » et non des côtés du parvis lui-même, qui ont vingt colonnes et une tenture de cent coudées; car ces côtés ne sont pas plus longs que les côtés du tabernacle intérieur, où se trouvent également dix colonnes, auxquelles sont suspendus les dix rideaux. Les côtés du parvis extérieur comme ceux du tabernacle intérieur s'étendent également à l'aquilon et au midi, sur un espace de cent coudées. La longueur excédante des tapis de poils sur les rideaux n'est donc pas employée à couvrir les vingt colonnes du parvis extérieur, qui demanderaient autant d'étoffe que les côtés da tabernacle intérieur, c'est-à-dire, cent coudées chacun, deux cents coudées en tout : au contraire, quarante coudées suffiraient pour le côté oriental et le côté occidental si les tapis de poils ne couvraient que le tabernacle intérieur, mai si l'on prolonge ces côtés jusqu'au parvis, ce n est pas assez de quarante coudées, il en faut cinquante ; l'excédant de longueur des tapis de poils relativement aux rideaux, a pu servir à (467) couvrir ces côtés: de cette manière les deux coudées qui forment un excédant de longueur, ne seraient pas tendues d'un seul côté, mais «, une coudée d'un côté et un coudée de l'autre; » le côté oriental aurait ainsi dix coudées prises sur cet excédant, et le côté occidental les dix autres. Car deux fois dix font vingt ; dans ce calcul ne sont pas comprises les trente coudées du onzième voile, à raison du pli et du développement particulier qu'il reçoit.

17. Suite.

Les latins ont traduit : « Une coudée d'un côté, et une coudée de l'autre, provenant du surplus de la longueur des tapis du tabernacle, couvriront les côtés (latera) du tabernacle. » Mais comme le grec porte plagia, que plusieurs traducteurs rendent en latin par obliqua, et non par latera, une question intéressante s'élève à ce propos. Car, quoique l'on ne voie ici rien d'oblique, puisque les quatre côtés sont tous à angles droits ; si l'on ne peut pas dire du côté oriental, qui fait face, ni du côté occidental, qui est par derrière, qu'ils sont obliques, cependant on peut l'affirmer du côté du nord et du côté du midi. Puisque les côtés, qui ont cinquante coudées de long, ne sont pas obliques, ce sont ces mêmes côtés qui pouvaient être couverts comme nous l'avons dit par le surplus de la longueur des tapis de poils, comment donc la vérité se trouve-t-elle dans ces paroles : « Une coudée de l'autre, provenant du surplus de la longueur des tapis du tabernacle, couvriront les côtés du tabernacle ? » Mais il est évident que l'Ecriture parle ici des côtés qu'elle nomme encore derrière, et qui, outre les trois colonnes mesurant quinze coudées d'étendue, comprennent la porte du parvis qui a vingt coudées et quatre colonnes, ce qui fait un ensemble de cinquante coudées et de dix colonnes. A l'une des extrémités de ces côtés, se trouve la porte du parvis, et à l'autre l'entrée du tabernacle : entre la porte du parvis et l'entrée du tabernacle existe un espace limité, à la porte, par une étendue de vingt coudées; à droite et à gauche, par une étendue de quinze coudées. Dans cet espace, est dressé l’autel des holocaustes, entre la porte du parvis et en avant de l'entrée du tabernacle : et entre l'autel et l'entrée du tabernacle, est le bassin d'airain, où les prêtres se lavaient les mains et les pieds. En prenant les mesures avec soin, peut-être, trouvera-t-on quelque obliquité dans ces côtés où se trouvent trois colonnes, et que les Grecs désignent par le terme plagia; alors ce ne serait pas sans raison que plusieurs de nos interprètes auraient traduit par obliques le plagia des Grecs. Car les tapis de poils ne peuvent avec quinze de leurs coudées couvrir quinze coudées de rideaux sur ces côtés, à moins qu'avant d'y aboutir, ils ne soient pas étendus à la partie postérieure du tabernacle sur une longueur de plus de dix coudées., Ainsi, pour la ligne droite qui part du derrière du tabernacle, c'est-à-dire de l'Occident: cette ligne après avoir eu huit colonnes, qui faisaient partie de l'intérieur du tabernacle, en eut dix, en y joignant les côtés du parvis extérieur ; et après avoir mesuré quarante coudées provenant de ses huit colonnes, elle en compta cinquante avec dix colonnes : quand on aura, sur cette ligne, couvert avec le tapis dé poils les dix coudées aboutissant de chacun des angles, il restera donc trente coudées intermédiaires, qui ne seront pas couvertes par les tapis dé poils, mais seulement par les rideaux, qui mesurent trente coudées et au milieu desquels était l'entrée du tabernacle. Par conséquent, si ces côtés, formés de trois colonnes et mesurant quinze coudées,à partir des limites extrêmes où ils touchaient à la porte du parvis, se trouvaient distants entre-eux de vingt coudées, parce que telle était la largeur de la porte qui séparait ces côtés; si à l'autre extrémité, où ils se reliaient à la ligne postérieure du tabernacle, dont nous avons parlé., ils avaient entr'eux l'intervalle de trente coudées ; il est hors de doute qu'ils étaient obliques: car leur distance respective était plus grande à l'endroit où se trouvaient trente coudées intermédiaires qu'à l'endroit où il n'y en avait que vingt. Ainsi les dix coudées de tapis de poils, c'est-à-dire la moitié de l'excédant en longueur, ,cinq d'un côté et cinq de l’autre, complétaient à la partie postérieure du tabernacle, tournée vers l'Occident, comme les dix autres, à la partie antérieure, tournée vers l'orient, la couverture des côtés que les Grecs qualifient de plagia. A leur défaut, il y aurait eu sur ces côtés dix coudées couvertes, et cinq privées de couvertures. Aussi, autant que je puis en juge le but de ces mots : « Une coudée d'un côté, et une coudée de l'autre, provenant du surplus de la longueur des tapis du tabernacle, » est moins de nous apprendre qu'il y avait dix coudées de part et d'autre, en effet il y en avait cinq, que de nous montrer cette longueur de deux coudées comme des tapis de poils par rapport aux rideaux : une coudée de chaque tapis allait du côté (468) de l'Orient ; restait l'autre pour le côté de l'Occident, et de cette manière une coudée couvrait la partie oblique du tabernacle. De là ces mots « afin de couvrir de part et d'autre, » car au défaut de ces cinq coudées, le tout n'a pas été couvert.

18. Récapitulation.

C'est avoir assez discuté, pour comprendre tout ce qui paraissait obscur dans l'établissement du tabernacle ; essayons maintenant, s'il est possible, de faire voir en peu de mots le résultat de cette discussion. On entrait donc du côté de l'Occident, et la première porte d'entrée était celle du parvis, large de vingt coudées et ornée de quatre colonnes; à ces colonnes était suspendu un voile de vingt coudées de large et de cinq coudées de haut, teint des quatre couleurs souvent mentionnées et brodé à l'aiguille. En entrant par cette porte, on pénétrait dans le parvis, dont les côtés, à droite et à gauche, se prolongeaient à l'intérieur sur une longueur de quinze coudées, où se dressaient trois colonnes: on avait devant soi l'entrée du tabernacle placée vis-à-vis de la porte du parvis, qui occupait le milieu du. côté par où l'on entrait. Ce parvis mesurait donc plus de largeur que de longueur. Car il n'avait guère que quinze coudées depuis la porte jusqu'à l'entrée du tabernacle intérieur-; quant à sa largeur, elle était de vingt coudées à la porte, et de trente coudées à l'entrée. On comprend dès lors que les deux côtés, à droite et à gauche, formés de trois colonnes et mesurant quinze coudées, étaient obliques. Dans ce parvis se trouvait l'autel des sacrifices, de forme carrée, ayant cinq coudées de long, et autant de large. Entre la porte et l'autel était un espace libre, pour ceux qui portaient les sacrifices sur l'autel; plus loin, entre l'autel et l'entrée du tabernacle, était un endroit creusé pour recevoir les cendres, et ensuite le bassin d'airain, où les prêtres se lavaient les mains et les pieds, soit avant de servir à l'autel dans le parvis, soit avant d'entrer dans l'intérieur du tabernacle. Or, les rideaux de ce parvis, sur les côtés formés de trois colonnes, étaient de fin lin, et mesuraient quinze coudées en largeur et cinq en hauteur.

19. Suite.

Du parvis, on entrait donc dans le tabernacle, en laissant derrière soi l'autel et le bassin d'airain. Pour entrer, on soulevait des rideaux: ceux-ci, au nombre de dix, cinq d'un côté et .cinq de l'autre se faisant face, ornaient tout le tabernacle intérieur. Après avoir franchi cette entrée, on se trouvait en face du voile, qui était suspendu à cinq colonnes, et teint lui aussi de quatre couleurs; en commandant de le faire, Dieu le désigna par un mot particulier, adductorium; c'est, je crois, parce qu'il était mobile, et fermait ou ouvrait l'entrée, selon qu'il était ramené ou poussé en avant. Au-delà de ce voile, on se trouvait dans le milieu du tabernacle, entre le voile qui vient d'être cité et un autre voile plus intérieur, teint également de quatre couleurs, qui était suspendu à quatre colonnes et formait la séparation entre le Saint et le Saint des saints. Dans cet espace intermédiaire limité par les deux voiles, était au nord la table d'or, qui portait les pains de proposition; et en face, du côté du midi; le chandelier d'or à sept branches. Les prêtres du second ordre pouvaient pénétrer jusque-là,

20. Suite.

L'intérieur, c'est-à-dire le Saint des Saints, au-delà du voile que supportaient quatre colonnes, renfermait l'arche du Témoignage couverte d'or. L'arche elle-même contenait les tables de pierre de la Loi, la verge d'Araon et un vase d'or rempli de manne. Au dessus de l'arche étaient le propitiatoire d'or que couvraient de leurs ailes, deux chérubins tournées l'un. vers l'autre en même temps vers le propitiatoire. Devant l'arche, c'est-à-dire, entre l'arche et le voile étain dressé l'autel de l'encens: tantôt l'Ecriture dit qu'il était d'or, tantôt qu'il était revêtu d'or; il est probable qu'en le disant fait d'une matière aussi précieuse, elle voulait simplement dire qu'il était doré. Il n'était permis qu'au grand-Prêtre d'entrer tous les jours dans ce Saint des Saints pour y porter l'encens; d'y entrer une fois l'année, avec du sang, pour purifier, l'autel ; et parfois encore, quand les péchés du prêtre ou de toute la synagogue, exigeaient une expiation, suivant ce qui est écrit au Lévitique (1). C'est ainsi qu'on entrait dans le tabernacle du côté de l'Occident, c'est-à-dire, par la porte du parvis, et qu'on parvenait du côté de l'Orient à cette partie intérieure de l'édifice qui renfermait l'arche du témoignage.

21. Ce tabernacle intérieur, qui ne commençait pas à la porte du parvis, mais à l'entrée dite du tabernacle, et se terminait dans le sens de la longueur au côté oriental, où était l'arche du témoignage, était fermé par dix rideaux, qui mesuraient chacun vingt-huit coudées.

Cinq de ces rideaux occupaient un côté, et cinq occupaient l'autre; ils étaient unis entre eux par des cordons et des anneaux, et se correspondaient mutuellement. Aux côtés du nord et du midi, qui étaient les plus longs, s'élevaient vingt colonnes; du côté de l'Occident, il y en avait huit; mais à l'Orient, il n'y en avait point, il n'y avait- de ce côté que des rideaux. Ces rideaux, au nombre de dix, avaient quatre coudées de hauteur, et formaient tout autour une tenture longue de cent quatre-vingt coudées. Au nord et au midi, les côtés les plus longs, il y avait cent coudées de rideaux, suspendus à vingt colonnes; aux deux autres côtés, qui avaient moins d'étendue, il y avait quarante coudées; à l'Occident, les rideaux étaient suspendus à huit colonnes; mais à l'Orient, qui n'avait point de colonnes, les rideaux étaient seulement suspendus aux deux colonnes des angles, sans qu'il y en eût d'intermédiaires: ces dix rideaux étaient tissus de quatre couleurs. Ce tabernacle intérieur était environné d'un parvis; vingt colonnes s'élevaient au Midi, et vingt colonnes au Nord. Ces deux côtés du parvis s'étendaient sur une longueur égale aux côtés du tabernacle intérieur car ils avaient également vingt colonnes et mesuraient aussi cent coudées. Du côté de l'Orient, dix colonnes, sur une étendue de cinquante coudées, fermaient l'enceinte du parvis; ce rang de colonnes formait une ligne droite et venait rejoindre les deux colonnes placées aux angles du tabernacle intérieur, les seules qui fussent de ce côté ces deux colonnes faisaient donc partie des dix. Du côté de l'Occident, le parvis en avait également dix; mais, comme nous l'avons déjà fait voir, elles n'étaient pas en ligne droite: elles formaient une sorte de portique à trois pans; quatre colonnes se dressaient à la porte, et trois de chaque côté.

22. Tout le parvis, à l'entour du tabernacle, était fermé par des rideaux de fin lin, qui avaient cinq coudées de haut: onze tapis de poils les couvraient, cinq unis ensemble d'un côté, et six de l'autre.

Les cinq tapis réunis formaient une longueur de cent-cinquante coudées; et les six tapis, réunis d'autre part, en formaient cent quatre-vingt: car chaque tapis avait trente coudées de long. Mais, pour rendre les deux côtés égaux, on avait plié un tapis sur le devant du tabernacle, c'est-à-dire, à l'Orient; et caché, la moitié d'un tapis sur le derrière du tabernacle, c'est-à-dire, à l'Occident : de cette sorte, on avait retranché trente coudées, longueur égale à celle d'un tapis, et d'un côté comme de l'autre, il ne restait plus que cent-cinquante coudées. Les tapis de poils, qui fermaient l'enceinte du parvis, étaient donc tendus sur une longueur de trois cent coudées, tandis que les dix rideaux de l'intérieur du tabernacle n'en mesuraient que deux cent quatre-vingt. Car chaque rideau avait vingt-huit coudées de long, au lieu que les tapis de poils en avaient trente. Aussi les rideaux qui devaient faire le tour de l'intérieur du tabernacle, sur une longueur de deux cent quatre-vingt coudées, en mesuraient-ils cent aux côtés les plus étendus du nord et du midi, et quarante aux côtés plus étroits de l'Orient et de l'Occident; tandis que les tapis de poils, destinés à fermer l'enceinte du parvis extérieur, sur une longueur de trois cents coudées, en mesuraient cent, aux côtés les plus prolongés du nord et du midi, parallèles et égaux à ceux du tabernacle intérieur; et cinquante aux deux autres côtés de l'Orient et de l'Occident. Il suit de là que les deux coudées, dont un tapis de poils excédait un rideau en longueur, ne trouvaient pas leur emploi aux côtés du nord et du midi, qui étaient d'égale longueur pour le parvis extérieur et l'intérieur du tabernacle, mais aux côtés de l'Orient et de l'Occident. Car, avec le parvis qui s'étendait à l'entour extérieurement, ces côtés du tabernacle étaient devenus plus larges. Mais, à l'Orient, les cinquante coudées de tapis de poils étaient suspendues à dix colonnes, disposées en ligne droite, et l'on obtenait cette longueur, moyennant l'une. des deux coudées que chaque tapis avait dé surplus, au lieu que les cinquante coudées, destinées à l'Occident, et que complétait l'autre coudée disponible, n'étaient point suspendues à des colonnes disposées en ligne droite. Car il y avait là une sorte de portique à trois pans, qui enfermait, entre quatre colonnes dans le sens de la porte et trois seules côtés, cette partie du parvis où était l'autel des sacrifices. Ces cent-cinquante coudées ne pouvaient donc en même temps comprendre la porte dans leur enceinte, mais elles couvraient les côtés obliques, oui étaient trois colonnes sur une longueur de quinze coudées, Or, les tapis de poils avaient quatre coudées de hauteur et protégeaient les rideaux de fin lin du parvis, dont la hauteur était de cinq coudées.

23 . Les peaux teintes en rouge venaient ensuite sur les tapis de poils.

Au-dessus, je veux dire du côté du toit, des peaux d'hyacinthe couvraient le tabernacle en forme de voûte: couvraient-elles et le parvis et l'espace enfermé ? Rien ne le fait voir ; mais il est très-probable que les intervalles compris entre les colonnes intérieures et les colonnes extérieures étaient à ciel ouvert, surtout du côté de l'Occident, où était l'autel des holocausts.

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