traduction d'un manuscrit copte par M. Chaine, revue de l'Orient Chrétien
Catéchèse que prononça saint Basile, le vénérable évêque de Césarée de Cappadoce, pour la commémoration de celle qui fut toujours revêtue de pureté, la mère de Dieu véritable, sainte Marie.
Cette catéchèse fut prononcée dans la grande église neuve construite par le préfet Euménius, au levant de la ville. (Le traducteur copte s’est mépris ici en face du texte grec ; il s'agit du préfet de l'Orient. Ce titre qu'il ne connaissait pas lui a fait faire un contre-sens), quand saint Basile la consacra, le 21 du mois de Paoni.
Le vénérable écrivain saint Basile nous y montre que le jour où les Apôtres construisirent et achevèrent une église, au nom de la Vierge, fut le 21 du mois de Paoni.
Il parle également, dans cette catéchèse, des débauchés, des adultères, des riches sans cœur, pour qui les tourments sont leurs demeures jusque dans l'éternité. Dans la paix de Dieu ; amen.
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Venez à nous, aujourd'hui, ô peuple ami du Christ, fils que l'Église universelle a enfantés et mis au monde ! Venez à nous, aujourd'hui, vous les amis de la doctrine, le peuple docile et obéissant à la parole de Dieu ! Venez, mes fils et mes filles, rassemblez-vous autour de moi en ce saint lieu (69 V) aujourd'hui, pour que nous célébrions ensemble, dans la joie, la fête virginale et prophétique, la fête universelle, en laquelle se réjouissent ceux qui sont dans le ciel et ceux qui sont sur la terre ! Pourrais-je parler des seuls habitants de la terre, oubliant les chœurs des Anges, des Archanges, des Chérubins, des Séraphins, des Trônes, des Dominations, des Principautés, des Puissances, oubliant les Patriarches et les Prophètes, les Juges, les Apôtres, les Confesseurs, les saints élus des Ascètes, qui se sont consumés dans le désert ? Tous ceux-là sont réunis avec nous en cette fête sainte, aujourd'hui, pour célébrer la dédicace en l'honneur de celle que Dieu a comblée de toutes les gloires, la Vierge et Mère de Dieu, sainte Marie.
Ce n'est pas une dédicace comme la dédicace de ces temps antiques, que célébraient nos pères, nos devanciers et les rois qui régnaient sur la terre. Lorsque les rois de la terre jettent les fondements d'un palais (70 v), d'un temple, ils immolent des taureaux sur les fondations, des boucs et des animaux sauvages. C'est là, en effet, ce qu'ils font. Et lorsqu'ils ont terminé la construction du palais, leurs amis royaux s'y réunissent ; ils y apportent des présents, de l'or, de l'argent, des bois, des pierres de grand prix pour l'achèvement de ce palais, et ils font un festin. Ils y amènent des joueurs de cithare, de tambours, de cymbales, de flûte, pour y exécuter des chants d'abomination, qui entraînent l'âme de ceux qui les exécutent, dans la géhenne de feu.
Mais si ces hommes agissent ainsi pour des objets sensibles, pour les demeures de l'impiété, combien plus devront-ils faire pour le temple de la Reine, pour son palais, la demeure des Anges, le lieu de réunion des fidèles, l'endroit de l'assemblée générale de tous les saints ! Je vois, en effet, une foule de rois (70 v) qui sont assemblés dans ce saint lieu, aujourd'hui, mais ils ne sont pas de la terre. Je vois une foule de puissants vêtus de l'étole, réunis avec nous, mais ils n'appartiennent pas à ce temps. Je vois des multitudes de trompettes et de hérauts incorporels groupés avec nous, tous en fête, en joie et ornés de l'étole, dans le palais de la reine de toutes les femmes, la Vierge sainte, la Mère de Dieu, sainte Marie.
Mais revenons au sujet de la catéchèse que nous avons entre nous, celui qui nous est proposé pour la gloire et l'honneur de celle que nous fêtons aujourd'hui : sainte Marie, la Vierge sans tache, afin de satisfaire tous les saints convoqués avec nous à ce saint banquet en ce jour, afin que nous vous instruisions, vous, peuple ami de Dieu. Mais comment oserons-nous ouvrir la bouche pour parler en cette grande fête extraordinaire qui s'offre à nous !
Il m'arriva une fois, tandis que j'étais prêtre, moi, l'humble Basile (71 r), avant qu'on m'eût appelé, malgré mon indignité, à la charge de l'épiscopat, d'aller un jour à la sainte ville de Jérusalem. C'était le jour de la sainte résurrection. Je voulais prier sur le tombeau dans lequel on déposa le corps de mon Seigneur, et adorer dans les sanctuaires construits par le roi ami de Dieu, Constantin. J'étais à Jérusalem pendant les jours saints ; je vénérais les églises et j'y priai. Il m'arriva, un jour, d'aller à la maison de Marie, la mère de Jean, celui qu'on appelle Marc, le digne second de Barnabé. Je visitai les lieux du haut de la maison, ceux d'en bas, puis je trouvai une petite pièce en forme d'église. Je perçus, en cet endroit, une odeur de parfum telle, que je n'en avais jamais senti nulle part. Je pénétrai à l'intérieur et je trouvai une foule de livres anciens : ceux écrits par Josèphe (Josèphe) (71 v) le compilateur, ceux de Gamaliel le docteur, ceux de Luc le médecin d’Antioche.
Lettre de la fondation de l'Église parmi les gentils.
Nous vous informons, disciples de choix, qui êtes dans la Judée, Jérusalem et la Galilée tout entière, que nous vous adressons cette lettre (72 r°) par l'intermédiaire de Tite, de Pannonie, de Polycarpe et d'Achanatite, disciples de ThessaIonique. Nous vous l'adressons, pour vous instruire des grâces qui nous ont été faites par le Seigneur, notre Dieu, notre maître et notre docteur, le Christ. Au temps où il fut crucifié par les juifs athées, il ne nous cacha pas sa sainte résurrection. Il nous laissa sa mère, la Vierge, pour être notre consolation, nous fortifiant par sa doctrine de vie.
Or, il advint que Dieu, son fils, le Fils de Dieu, vint la visiter ; elle trépassa comme tout homme ; elle fut enlevée auprès de lui, pour recevoir le don de l'Esprit-Saint : celui qui l'avait consacrée pour lui-même en un trône sublime. Et le Seigneur Dieu tout-puissant voulut qu'on bâtît des églises en son nom dans les villes et les campagnes, pour qu'on y offrît le sacrifice au nom de sa mère, le jeûne et les veilles avec constance. Il ne manquera pas, notre Maître et notre Docteur, de venir nous instruire sur l'exécution de notre désir.
Et lorsque les lettres furent parvenues à Barnabé et à Paul, ceux-ci les lurent devant le peuple et la foule des Gentils. C'était le douze du mois de Paoni ; ce jour-là même était un samedi, et les apôtres imposèrent un jeûne et une pénitence de sept jours.
(73 v°) Au terme du septième jour, le samedi, à la troisième heure, comme on était dans la maison d'Aristarque pour vaquer à la prière, une foule étant assemblée en ce lieu, voici qu'une nuée amena Pierre de Rome et le déposa au milieu de la foule. Nous étions encore dans l'étonnement de ce prodige, et la nuée alla à Éphèse et amena l'apôtre Jean. Avant même qu'il se fût écoulé deux heures, la nuée assembla les apôtres des extrémités de la terre, elle les amena au lieu où nous étions. Ils se tinrent avec nous en prière, et nous étions dans une grande joie. En nous embrassant mutuellement, nous leur demandâmes : « Pour quel motif êtes-vous réunis en ce lieu aujourd'hui ? » Les apôtres nous répondirent en disant : « Nous ne connaissons pas pour quelle cause on nous a conduits ici. C'est par l'ordre de Notre Sauveur Jésus-Christ qu'on nous a amenés en cet endroit, nous ne savons pas cependant pour quelle raison ou pour quel motif (74 r°) nous sommes venus. Mais demeurons en prière, jusqu'à ce que nous voyions ce que nous ordonne notre maître, Notre-Seigneur Jésus-Christ. » Et nous restâmes ainsi en prière avec persévérance, persistant à prier le Seigneur.
Nous étions encore en oraison devant le Seigneur, quand voici que Notre-Seigneur Jésus-Christ apparut au milieu de nous, porté sur un char de chérubins. Marie sa mère était portée avec lui sur son char ; des multitudes d'anges et d'archanges se tenaient devant lui. Il y avait l'archange Michel à sa droite et Gabriel à sa gauche. Les quatre animaux récitaient le cantique du ciel : « Gloire à Dieu au plus haut des lieux, paix sur la terre et joie aux hommes ! »
Les apôtres, à la vue du Sauveur, se prosternèrent et l'adorèrent. Lorsqu'il leur eut donné la paix, il embrassa chacun d'eux. Sainte Marie aussi les embrassa ; (71 v°) ainsi le Christ nous donna sa paix. Après cela, les apôtres s'assirent en silence, étonnés, se demandant qui pourrait avoir la hardiesse de l'interroger sur notre venue en ce lieu, pour quel motif, pour quelle affaire nous étions venus ici.
L'apôtre Pierre s'en prit à Jean et lui dit : « Mon frère Jean, tu es celui à qui il est possible d'aborder le Sauveur de bonté, demande-lui : Pour quelle raison, pour quelle cause nous as-tu amenés ici ? » Jean répondit à Pierre : « Seigneur, mon père, c'est toi qui es plus digne de l'interroger que moi, car tu es notre père à tous. » Pierre reprit en disant : « Jean, il ne m'est pas possible d'aborder le Seigneur pour l'interroger sur quelque mystère, toi étant ici, parce que tu es celui que le Seigneur a ceint durant sa sainte vie et de qui il a écarté toutes les sources de mauvaise mort de la part de l'ennemi. Maintenant donc, fais-toi violence, interroge-le sur ce (75 r°) mystère, sur la cause pour laquelle on nous a amenés ici. »
En entendant ces paroles, Jean se leva, délia la ceinture qui le ceignait et la donna à Pierre. Il alla ainsi vers notre Sauveur, se prosterna, l'adora et lui dit : « Mon Seigneur et mon Dieu, aie pitié de ma faiblesse et aussi de mes compagnons, les apôtres, qui sont avec moi. Apprends-nous pour quel motif tu nous as conduits en ce lieu. » Notre Sauveur répondit à Jean et lui dit : « Jean, mon élu, je ne vous cacherai rien des desseins qu'a formés mon Père avec moi et avec l'Esprit-Saint. Le dessein en effet projeté par Barnabé et Paul, mon Père l'a conçu avec moi dans les cieux : bâtir des églises dans le monde entier, en mon nom et au nom de Marie, ma mère, pour qu'on y offre le sacrifice, jour et nuit. Maintenant donc, vous, je vous ai transportés en ce lieu pour que vous y bâtissiez une église. Ce jour est celui voulu (75 v°) par mon Père, pour que vous en jetiez les fondements. »
Et alors, le Sauveur conduisit les apôtres vers l'orient de la ville de Philippes ; il leur indiqua un lieu spacieux. Il dit à Pierre : « Toi, prends un côté de cette pierre et que Paul prenne l'autre côté ; faites ensuite le contour des fondements : moi-même, je vous verserai l'eau. » Et le Sauveur signifia de la sorte sa volonté en cet endroit. Pierre prit alors la pierre, en soutint un côté, Paul soutint l'autre côté, et ils la firent suivre les contours du tracé que le Sauveur marquait sur le sol. La pierre était molle comme de la cire, avançant avec eux sans effort et sa hauteur s'élevait de douze coudées comme une colonne. Puis le Sauveur commanda à des colonnes qui se trouvaient en cet endroit, et elles vinrent se placer au milieu. Personne ne voyait le Sauveur, sauf les apôtres seuls et les disciples moindres, et la foule des Gentils (76 r°), voyant tout ce qui se passait, était dans l'étonnement en face de tout ce dont elle était témoin.
Selon l'ordre de Dieu, l'église fut établie sur trois pierres et elle se dressa comme après trois ans qui se seraient écoulés pour l'achever. Après cela, le Sauveur commanda à une table d'or que supportaient cinq colonnes de pierres précieuses et elle vint se fixer au milieu du sanctuaire. Des vases d'or vinrent aussi, avec des plats d'argent, des patènes, des étoffes de lin pour l'aménagement de tout l'autel. Les préparatifs de l'autel furent tous faits ainsi que l'édification de l'église le 20 du mois de Paoni, sans parler de l'arrangement du haut de l'église et de la construction des parties intérieures du cimetière.
Quand vint le moment où le soleil allait se coucher, le Sauveur bénit ses disciples et les frères qui se trouvaient avec eux. Il leur donna la paix et leur dit : « Prêchez à tout le peuple de Philippes (76 v°) et de Corinthe que personne ne fasse un travail manuel au matin du 21, avant que vous ayez accompli la liturgie de la fête. » Le Sauveur s'éleva ensuite dans les cieux avec Marie sa mère, monté sur les chars des chérubins, des myriades d'anges chantant devant lui.
Après cela, les apôtres prêchèrent à tout le peuple suivant l'ordre du Sauveur, et tous les peuples qui sont parmi les nations exécutèrent cet ordre, commandant que personne ne fit œuvre manuelle le 21 du mois de Paoni. Les apôtres s'assemblèrent ensuite à l'église le 21 du mois de Paoni. Ils demeurèrent chantant des cantiques et bénissant Dieu, toute la nuit jusqu'à ce que l'aube se levât. Comme le soleil allait se lever, tout le peuple des Gentils se réunit à l'église le 21 du mois de Paoni. Tout le peuple étant assemblé, Pierre se leva, (77 r°) ainsi que Paul et Barnabé. Ils instruisirent tout le peuple de la doctrine du Seigneur et des commandements de Notre-Seigneur Jésus-Christ.
Les apôtres prêchèrent aussi la doctrine à la foule des Gentils, disant : « Voici que Notre-Seigneur Jésus-Christ est descendu des cieux ; il est venu au milieu des Apôtres monté sur des chars de chérubins. Sa mère la Vierge était parée, ornée de franges travaillées en or, couleur de jacinthe. Elle avait un diadème d'or sur la tête, avec une couronne de perles au-dessous du diadème. Des myriades d'anges l'environnaient. Prosternés, ils adoraient le Christ avec sa mère, la Vierge. »
Le Sauveur dit aux apôtres : « Préparez le temple et la table et l'offrande, car celui-ci est le jour que mon Père avec le Saint-Esprit ont déterminé pour qu'on construise un sanctuaire et un lieu de réunion, au nom de Marie ma mère, la Vierge. » Et alors les apôtres préparèrent le temple et (77 v°) tout ce qu'il renferme en même temps. Pareillement, Notre Sauveur prit Pierre comme prince des apôtres. Il plaça ses mains sur sa tête et le fit père de toutes les nations et de la foule de tous les apôtres. Or à l'instant, où le Sauveur plaça ses mains sur la tête de Pierre, voici que des voix crièrent par trois fois dans le ciel : « Digne, digne, digne est l'archevêque selon l'ordre de Melchisédech. »
Il assembla aussi des évêques à leur tour, des prêtres, des diacres, des sous-diacres, des lecteurs, des chantres et le mobilier de la maison de Dieu pour l'achèvement de la disposition de l'église.
Telle est la manière suivant laquelle fut établie la première église construite parmi les églises, au nom de la Sainte Marie, la mère de Notre Sauveur Jésus-Christ.
Voilà ce que nous avons trouvé dans Jérusalem, au milieu d'histoires anciennes écrites par les Apôtres (78 r°) à ceux qui demeuraient dans la Judée et Jérusalem.
Maintenant, ô mes fils, célébrons avec joie la fête de l'Immaculée, la vénérable Sainte Marie : celle qui a enfanté pour nous le créateur de l'univers. Que personne ne pénètre en ce saint lieu aujourd'hui, avec des dehors d'ostentation ou de passion, que ce soit l'impureté, l'adultère, la mollesse, la sodomie, la magie, la sorcellerie, la divination, la prédiction. Qu'aucun riche sans cœur ne pénètre en ce saint lieu aujourd'hui, car c'est la maison de la mère du grand roi, le riche de tous les mondes, Notre-Seigneur Jésus-Christ.
Voilà ce que j'ai trouvé dans Jérusalem ainsi rédigé : Malheur à tout riche sans pitié qui est sur la terre, car sa demeure est le puits de l'abîme pour l'éternité.
(78 v°) Désormais, soyons miséricordieux, au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ et de sa mère, la Vierge, afin qu'il nous fasse miséricorde à son tribunal terrifiant, car celui-ci est le lieu où nous trouverons pour nous miséricorde. Malheur, malheur, malheur, trois fois, à l'homme sans affection et sans pitié, soit pauvre, soit riche ; au jour du jugement, sa demeure est le feu qui ne s'éteindra pas jusque dans l'éternité avec le ver qui ne meurt point, les ténèbres extérieures, les grincements de dents !
Vous n'êtes pas sans connaître le riche sans pitié, celui tout adonné à ses affaires, celui que nous fîmes venir à propos d'un bloc de jacinthe, sur lequel nous voulions tracer les traits de Sainte Marie, et ce qu'il nous répondit à propos de ce bloc.
« Qu'est-ce donc que l'Église ? Qu'est-ce que Marie, à qui on bâtit ce temple ? Basile ne le sait-il pas, que mange-t-il le soir ? Mes enfants ont besoin de ce bloc de jacinthe. Si je meurs, ils le vendront pour une somme d'or afin de (79 r°) se nourrir. Maintenant, en aurais-je un millier de cette espèce en ma possession, je ne vous en donnerai pas un ni rien de mes biens et de ma charité. Qu'est-ce que la charité ? » Le mot n'était pas encore achevé dans la bouche de cet impie, quand il tomba et rendit l'esprit. Ses fils et ses filles furent témoins de ce qui était arrivé à leur père, pour avoir peu auparavant prononcé des paroles extrêmement insolentes. Lorsqu'il eut expiré, une grande crainte s'empara de ses fils et de ses filles. À l'instant, ils prirent la tablette de jacinthe avec 20 mesures d'or, une quantité de pierres précieuses et des perles, et me les apportèrent à moi, l'humble Basile, l'évêque. Ils pleuraient avec abondance et, avec force prières, ils disaient : « Accorde-nous le pardon de notre père, car notre père a péché par son langage sans pitié. Voici qu'il a rendu le dernier soupir ; il est mort suivant l'ordre de Dieu parce qu'il a blasphémé contre Dieu et (79 v°) sa mère, la Vierge. Voici la tablette de jacinthe et 20 mesures d'or, des pierres précieuses et quantité de perles, pour que tu fasses graver l'image de Sainte Marie. » En entendant ces paroles, moi, l'humble Basile, je fus grandement étonné. Je glorifiai Notre-Seigneur Jésus-Christ et sa mère, la Vierge, et nous travaillâmes au sanctuaire du temple.
Je pris la tablette de jacinthe avec les 20 mesures d'or, les pierres précieuses et les perles, j'allai chez un peintre, excellent ouvrier, connaissant parfaitement le dessin. Je lui dis : « Je voudrais que tu me dessines l'image de Sainte Marie sur cette tablette de jacinthe avec de l'or pur, et des perles. » Le peintre prit la tablette, la céruse, l'or, les pierres précieuses et les perles (80 r°) et les plaça dans sa maison. Comme le soleil allait se coucher, je pris mon repas selon la coutume, dans ma chambre, puis je me couchai sur ma natte.
Tandis que j'étais couché, j'eus une vision. Il m'apparut une femme brillante comme le soleil. Ses vêtements étaient éclatants de lumière, deux jeunes vierges l'accompagnaient, extrêmement belles. Elle me dit dans la vision : « Seigneur Basile, tu ne sais pas qui je suis ? » Je lui répondis : « Puis-je savoir d'où tu viens, ô ma souveraine, avec cette grande gloire qui t'environne ? » Elle me dit : « Je suis Marie, la Vierge, celle à qui tu as construit ce grand sanctuaire et pour qui tu t'es donné cette grande fatigue. Ces deux jeunes vierges qui m'accompagnent sont Irène et Sophie, celles qui se sont faites les émules de ma virginité depuis leur enfance et qui ont versé leur sang pour le nom de mon fils bien-aimé Jésus-Christ. (Il s'agit de sainte Sophie et de sainte Irène dont le synaxaire copte Alexandrin rappelle la mémoire au 2 de Paoni et au 21 de Messori.)
(80 v°) Maintenant, pour la tablette de jacinthe que tu as reçue de l'homme riche, garde-toi d'y faire tracer mon image, car c'est une injure pour celui qui l'a reçue. Pour moi, mon esprit ne l'accepte point, ainsi que la volonté de mon fils. Si tu y as déjà fait dessiner mon image, il n'est pas possible que l'huile d'un pécheur coule sur ma tête. Lève-toi, au matin, va à l'orient de la ville, à l'endroit où se trouvent de vieilles meules. Tu creuseras en terre, à une profondeur de deux coudées, et ainsi tu trouveras une tablette couleur d'escarboucle. Mon image s'y trouve dessinée, non point de main d'homme, et ces deux vierges sont représentées à mes côtés : l'une à droite, l'autre à gauche. Tu la placeras devant le sanctuaire de l'autel, et par elle, je ferai des prodiges au jour de ma dédicace, quand on la placera dans mon sanctuaire. »
Moi, l'humble Basile (81 r°), je lui dis dans mon songe : « Ma souveraine et la mère de mon Seigneur, tu sais qu'il nous faut deux colonnes pour le culte, pour les placer dans le temple. » Cette toujours vierge me répondit en songe en disant : « Va chercher la tablette couleur d'escarboucle, apporte-la dans mon église. Je t'enseignerai l'endroit des deux colonnes pour que tu les transportes dans le sanctuaire. » Après m'avoir dit cela, la femme devint invisible.
Quand je me levai, le matin, j'allai chez le peintre, je rapportai la tablette de jacinthe, l'or, les pierres précieuses ainsi que les perles. Je pris avec moi Nérée l'archiprêtre, Calinique avec Pastamon, les diacres de Damas. Je les conduisis en secret au lieu que sainte Marie m'avait désigné en songe. Lorsque nous eûmes creusé un peu, à la profondeur de deux coudées, je trouvai la tablette couleur d'escarboucle ; (81 v°) un voile de soie la recouvrait. En la voyant, je fus rempli d'admiration et m'écriai : « Voici un jour de paix, celui dans lequel le signe du Seigneur s'est manifesté. » Je retirai le voile de soie, je vis la figure dessinée de sainte Marie, avec les traits de son visage. Je me prosternai, je vénérai l'image bénie. Elle était extrêmement grande, nous étions en peine pour savoir comment nous transporterions une telle image. Nous délibérions entre nous sur le moyen de la transporter. Or la tablette se remua d'elle-même dans la fosse et s'éleva, se dressa de la cavité avec le voile de soie.
En raison de sa largeur et de sa longueur, nous étions saisis de crainte de ne pouvoir la monter. Voici qu'une voix survint de la tablette (82 r°) sur laquelle étaient tracés les traits de sainte Marie : « Pourquoi tardez-vous à me porter ? Me voici légère, je ne suis point lourde ; me voici prête à marcher avec vous. » En entendant ces paroles, je me réjouis grandement. Moi et les clercs qui m'accompagnaient, nous soulevâmes la tablette avec facilité, nous la portâmes à l'église et nous la déposâmes devant le sanctuaire. Lorsque la foule vit la tablette déposée, elle fut remplie d'admiration pour sa masse, sa qualité de choix. Le dessin de l'image était caché par le voile de soie, et la foule ne savait pas qu'une image y était tracée.
Une fois déposée, la tablette laissa couler une huile qui remplit la place. À ce moment, tous les gens accoururent, les uns sur les autres, pour voir le prodige. Or, voici qu'il vint une femme qui avait péché (82 v°) en sa chair. Lorsqu'elle vit la tablette qui répandait de l'huile, elle prit de cette huile et s'en fit une onction. À ce moment, elle fut couverte entièrement de lèpre, sur le corps et sur le visage. Les gens qui virent ce qui lui était arrivé se saisirent d'elle et la conduisirent chez Nérée, l'archiprêtre. Lorsque celui-ci la vit, il la prit et l'amena chez moi, l'humble Basile. Cette femme était remplie de terreur.
Pour ma part, en la voyant, je demeurai stupéfait de ce qui était arrivé à cette femme. Je l'interrogeai : « En quel péché es-tu tombée, ou bien que t'est-il arrivé, pour que cette lèpre soit survenue sur tout ton corps et sur ton visage ? » Elle confessa en disant : « Mon seigneur et père, pardonne-moi, car j'ai péché devant Dieu et en ta présence. » Je lui dis : « Ma fille, découvre ton péché devant tout le peuple. » Elle me répondit : « Malheur à moi, mon (83 r°) père ! mon péché dépasse tous les péchés ! J'avais une sœur : elle était mariée. Je n'étais point mariée et je désirais son mari. Je me levai, j'allai chez un magicien. Il empoisonna pour moi une coupe, je la donnai à ma sœur, et par le venin du poison qu'elle contenait, ses entrailles et ses jambes furent endolories. Après de longs jours de maladie, elle rendit le sang et ainsi elle expira et mourut. Je violentai ensuite le mari de ma sœur ; je le pris pour mari. Voici déjà treize ans depuis que ces événements se sont passés. Je demeure avec lui comme sa femme et je lui ai enfanté trois fils et trois filles. C'est là tout ce qui m'est arrivé, je t'ai tout appris, ô père saint. »
En apprenant ces faits, moi, l'humble Basile, je fus dans une grande crainte et une grande terreur. (83 v°) Je lui dis : « Malheur à toi, ô perverse ! tu as commis trois péchés impardonnables à jamais, à toi revient le sort du misérable Caïn, du criminel Hérode et du déicide Judas ! Implore maintenant sans cesse le Seigneur et sa mère, la Vierge ; peut-être leur miséricorde et leur bonté te placeront ensemble avec nous, et tu seras purifiée de ta lèpre et de ton grand péché. »
Vous voyez, ô mes bien-aimés, que tout fornicateur est impur devant Dieu et devant sa mère, la Vierge, et que le bien ne se reposera jamais sur toute chair qui est impure, comme le dit Pierre, le chef : « Les fornicateurs et les adultères, Dieu les jugera (1). » Pour ce qui est de vous, ô mes enfants, gardez votre corps comme le temple de Dieu (2) et de sa mère, la Vierge, par un mariage saint et une virginité parfaite. Malheur à nous, ô mes enfants, lorsque Dieu nous interrogera sur nos (84 r°) péchés et ceux que nous avons commis entre nous !
Malheur à tout homme qui aura convoité la femme de son voisin ; le lieu de son repos sera le puits de l'abîme et le ver qui ne meurt point.
Maintenant donc, ô mes bien-aimés, conservons-nous en toute pureté pendant les jours fêtés partout ou le jour de réunion, surtout les grands jours marquants, le saint jour de sainte Marie et le saint jour du Dimanche, conservons-nous dans toute la pureté du corps, afin que nous soyons le temple de Notre-Seigneur Jésus-Christ, notre véritable Dieu.
Revenons au récit de l'histoire, voyons comment on établit l'image de sainte Marie, la Vierge sans tache.
Il arriva donc qu'on avait placé l'image de sainte Marie, la Vierge, en face du sanctuaire. De nouveau, tandis que j'étais couché, la Vierge se manifesta à moi comme la première fois et elle me dit : « (84 v°) Pourquoi es-tu affligé et tardes-tu de la sorte ? Tu n'as pas cherché les colonnes pour dresser mon image. » Je lui répondis : « Ma souveraine, tu sais que j'ai parcouru bien des endroits, cherchant des colonnes qui soient vraiment dignes, pour les élever devant le sanctuaire avec la sainte image. » Elle me répliqua : « Si tu veux l'érection des colonnes, voici qu'il y a un temple à l'occident de la ville. Ces colonnes sont dressées au milieu du sanctuaire du temple. Toutes deux sont érigées depuis l'époque des géants ; des représentations diaboliques les recouvrent. Il est impossible à un homme de les renverser si ce n'est avec l'ordre de mon fils bien-aimé. Lorsque tu te lèveras au matin, n'oublie pas d'employer tes soins à propos de ces deux colonnes, jusqu'à ce que tu les aies amenées et dressées en face du sanctuaire, (85 r°) et que tu aies établi mon image au-dessus d'elles, suivant l'ordre de mon fils bien-aimé. »
Après m'avoir dit cela, la femme disparut à mes yeux et je m'éveillai ainsi de mon rêve. En me levant, j'étais soucieux, disant : Comment pourrai-je porter de pareilles colonnes pour les amener en face du sanctuaire ? Je méditais ces considérations en mon cœur durant la nuit, car c'était une grosse affaire, prodigieuse, quand une voix vint jusqu'à moi, me disant :
« Basile, Basile, pourquoi te préoccupes-tu au sujet de ces colonnes ? Dieu qui souleva jadis Habacuc, portant son repas dans ses mains, et le transporta à Babylone pour le donner à Daniel dans la fosse aux lions, (85 v°) Dieu lui-même ébranlera ces colonnes de leur emplacement, par l'ordre de Dieu et de sa mère, la Vierge, comme la lumière est distribuée. »
Le soleil allait monter, je convoquai tout le peuple à une réunion en ce saint lieu même. Les ouvriers, le clergé, tout le peuple orthodoxe se rassembla et je les informai de ce que j'avais vu. Le prêtre Nérée m'interpella en disant : « Mon Père, exécutons cette affaire, je crois que Dieu nous consolera dans notre poursuite de la volonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Prenons une feuille, inscrivons sur elle le signe salutaire de la croix sainte, inscrivons-y le nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ et le nom de Sainte Marie, la Vierge (86 v°) sainte, et prenons un bâton pour y fixer le signe de la croix du salut. Allons ensuite vers l'endroit du temple, nous y déposerons le signe de la croix avec le nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ et celui de sa mère ; nous croyons vraiment que Dieu réalisera nos désirs. »
En entendant ces propos de Nérée l'archiprêtre, je reconnus que Dieu parlait en lui. Je pris alors une feuille, j'y écrivis ce qu'avait dit le prêtre. Nous prîmes des croix d'or, des encensoirs d'argent et les quatre évangiles ; nous allâmes vers cet endroit, distant de la ville de cinq milles et demi. Il était situé dans une région déserte, tout à fait terrifiante (86 v°). Des multitudes de magiciens venaient en ce lieu pour y apprendre quantité de sorcelleries diaboliques. Lorsqu'ils connurent nos projets, ils partirent avec une grande crainte et avec peine, et ils faisaient de grands signes diaboliques.
Arrivés en cet endroit, nous nous tournâmes la face vers l'Orient. L'archidiacre se mit en tête, et je récitai la prière d'action de grâces avec celle des esprits impurs. Les clercs, les zélés (1) et la foule des orthodoxes élevèrent la voix en disant : « Kyrie eleison ! » Puis, prenant le bâton, je le plaçai sur les deux colonnes. À l'instant, des fentes se produisirent aussitôt aux pieds des colonnes. Elles se soulevèrent avec leurs bases et elles se mirent à rouler jusqu'à ce qu'elles fussent arrivées à l'endroit des stades (87 r°) de cette ville. Nous trouvâmes des débauchés, des malfaiteurs, des magiciens, ceux dont nous avons déjà parlé, qui exécutaient des œuvres de sorcellerie.
Leur action magique fut telle, qu'ils arrêtèrent les deux colonnes au milieu de la ville. Tout le peuple criait : « Kyrie eleison ! » mais les magiciens arrêtaient les colonnes au milieu de la ville. Or il advint que le soleil se coucha ; ce fut la nuit. Par suite de l'excès de fatigue de la journée, nous donnâmes la paix au peuple jusqu'au lendemain, et il rentra chez lui attristé. Il y avait certains indociles parmi le peuple qui demeuraient incrédules dans la vertu de sainte Marie. Pour moi, je rentrai à ma maison ; je ne pris aucune nourriture ni aucune boisson, mais je demeurai en faisant à Dieu cette prière : « Seigneur, si ta volonté est telle que ces pervers l'emportent sur toi, que ta volonté se fasse donc, ô Christ, mon Dieu ! » (87 v°) J'étais encore en prière quand un sommeil extatique s'appesantit sur moi. Je vis comme une femme qui se tenait debout en ma présence. Elle me dit :
« Basile, tu es attristé à cause des colonnes ; or voici que mon fils Jésus-Christ a commandé à ces colonnes de se dresser sur leurs bases devant le sanctuaire. Quant à ceux qui ont accompli l'œuvre mauvaise de l'art de la magie, les voici totalement aveugles. La tablette sur laquelle se trouve mon image avec les deux vierges a été dressée sur les colonnes, devant le sanctuaire. Prends garde de toucher la tablette dans l'état où elle est, cet ordre appartient à mon fils bien-aimé. Je veux faire jaillir une fontaine de la colonne qui est à droite du sanctuaire. Quiconque s'y lavera, s'il est malade, recouvrera la santé par mon fils bien-aimé. Et les hommes qui accompliront (88 r°) le mal de la sorcellerie par la magie, qui sont devenus aveugles, ainsi que la femme qui a la lèpre, s'ils descendent pour s'y laver, j'y ferai s'entr'ouvrir un gouffre pour les engloutir de sorte qu'on ne les retrouve plus jamais. Pour toi, ô Basile, prends bien soin de l'église, je t'aiderai en toute chose ; tu la consacreras le 21 de Paoni. C'est le jour où mon fils me fit construire une église par les apôtres. » En disant cela, la femme devint invisible.
Avant le lever du soleil, j'allai à l'église ; je vis les deux colonnes dressées en face du sanctuaire. La tablette était placée au-dessus, de sorte qu'elle faisait corps avec elles sans aucune séparation. Je trouvai la source jaillissant à droite de la colonne placée auprès du sanctuaire, comme si elle (88 v°) eût été creusée là depuis longtemps. En voyant cela, je fus dans une grande stupeur et une grande joie. À l'apparition du jour, toute la foule se réunit à l'endroit où les colonnes avaient été laissées, elle ne les y trouva pas. Elle courut à l'église, elle vit les colonnes dressées sur leurs bases, placées auprès du sanctuaire, comme si elles eussent été érigées depuis longtemps. La tablette était posée au-dessus d'elles comme si elle en faisait partie. Et la foule criait avec de grandes clameurs : « Kyrie eleison ! Seigneur Dieu tout-puissant ! Grand est le Seigneur Dieu, Jésus-Christ, dans toutes ses œuvres et ses grands prodiges sublimes qu'il fait par Sainte Marie, la Vierge immaculée et la mère de Dieu ! » Et tous les malades se réunissaient à la fontaine, s'y lavaient et recouvraient la santé grâce au Dieu bon,
(89 r°) et à Sainte Marie la Vierge immaculée. Pour les hommes adonnés aux œuvres de magie, qui étaient devenus réellement aveugles, ils apparurent tels à la foule ainsi que la femme couverte de lèpre. Ils vinrent pour se laver aux eaux de la source. Mais à l'instant, la terre s'entr'ouvrit, ils furent engloutis. Ils étaient au nombre de seize avec la femme lépreuse. Depuis ce jour, la crainte s'empara de tout le peuple orthodoxe en présence de Dieu. Toutefois, Dieu ne nous oublia point, il exerça son œuvre en ce saint lieu, jusqu'à ce qu'il fut achevé.
Voici le 21 du mois de Paoni, nous vous avons déjà enseigné que c'est le premier jour où l'on édifia une église au nom de Sainte Marie (89 v°). Maintenant donc, rassemblons-nous avec empressement pour la consécration de cette église universelle, pour glorifier la toute glorieuse et honorable Sainte Marie, la Vierge immaculée. Heureux celui qui fera miséricorde aux pauvres en ce jour, car il participera au festin des mille ans ! Heureux celui qui transcrira cette catéchèse pour en transmettre le souvenir à ses parents, car dans leurs prières, devant Dieu et sainte Marie, son souvenir sera rappelé par les anges de Dieu, afin qu'il leur fasse miséricorde durant leur vie en ce monde, et lorsqu'ils en sortiront ; que cette catéchèse ne leur fasse jamais voir les tourments. Heureux celui qui viendra entendre cette catéchèse, car Dieu lui fera entendre aussi les louanges de la Jérusalem céleste.