L'Apocalypse de Samuel, Supérieur de Deir-El-Qalamoun
TEXTE ARABE ÉDITÉ ET TRADUIT EN FRANÇAIS PAR M. l'ABBÉ J. ZIADEH, PRÊTRE MARONITE.
Les abbés Graffin et Nau ont eu l'amabilité de nous confier le texte arabe de l'Apocalypse de Samuel, supérieur de Deir-El-Qalamoun. Cette apocalypse est contenue dans le manuscrit arabe de Paris, numéro 150, folios 20-31, paginé en chiffres coptes, ce qui indique son origine égyptienne. Il est daté de l'année 1322 des Martyrs (1606 de notre ère). Le même manuscrit inclut également la lettre de Pisentius, éditée et traduite par M. A. Périer (Revue de l'Orient Chrétien, tome XIX, 1914, p. 69), ainsi que la dormition de la Vierge, traduite par l'abbé L. Leroy (tome XV, 1910, p. 162).
Samuel est fêté par les Coptes le 8 Kihak (1er décembre). Originaire de Tkyllo (actuellement Daklouba), dans le diocèse de Medjel en Égypte, il devint moine à Scété et fut ordonné prêtre de l’église d’Abou-Macaria au VIe siècle. Lorsque la lettre de saint Léon arriva au désert, Samuel fut l’un des plus fervents à la déchirer et à l’anathématiser. Il devint ensuite le supérieur du monastère d'El-Qalamoun (voir Patrologia Orientalis, tome III, p. 405-408). Les textes éthiopiens relatifs à Samuel ont été étudiés par M. F. M. E. Pereira dans Vida do Abba Samuel (Lisbonne, 1894).
L’Apocalypse de Samuel que nous présentons ici, ainsi que le manuscrit qui la contient, est d’origine égyptienne, comme en témoignent le sujet, les noms des lieux et des personnages, ainsi que les détails et les circonstances du récit. De plus, elle s’inspire de la doctrine eutychienne.
La langue dans laquelle elle est écrite n’est pas de l’arabe littéraire, mais un dialecte spécifique dans lequel les règles d’accord ne sont pas toujours respectées, en particulier pour les pronoms relatifs, qui ne correspondent pas toujours au genre et au nombre des antécédents comme ils le devraient.
Dans cette édition, nous avons veillé à reproduire le texte tel quel, en rétablissant cependant les points diacritiques souvent manquants ou mal placés, qui rendent la lecture du manuscrit très difficile. Lorsqu’un mot était altéré ou incorrect, nous avons proposé la forme exacte entre parenthèses.
Pour la traduction, nous nous sommes efforcés de rester aussi fidèles que possible au texte original, tout en cherchant parfois à clarifier et préciser le sens. Il nous a été impossible de réduire la longueur du texte, car l’auteur semble privilégier un style répétitif et prolixe. Ainsi, le lecteur devra accepter des passages redondants.
Lorsque nous nous sommes écartés du mot-à-mot pour des raisons de clarté, nous l’avons indiqué entre parenthèses. L’usage des conjonctions est parfois abusif et non conventionnel, ce qui nous a amenés à privilégier l’idée générale plutôt que la lettre dans certains cas.
Malgré ces réserves, nous présentons ici une traduction littérale, que nous avons essayé de rendre claire et correcte, malgré les défauts de composition et de style. Ces défauts sont tels que nous avons admiré la patience de l’auditeur et du transcripteur pour ces discours. Cependant, ce texte demeure un document d’un grand intérêt.
J. Ziadeh
TRADUCTION DU MANUSCRIT
Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, un seul Dieu; gloire à Lui. Amen.
Avec le secours de Dieu, qu'il soit béni, nous commençons à écrire un discours de notre saint père Anba Samuel, supérieur de Deir-el-Qalamoun. — Que sa prière soit avec nous ! — Amen.
Il a fait dans ce discours quelques récits sur les événements qui auront lieu sur la terre d'Égypte sous le règne de l'hégire arabe. À ce discours assistait Grégorios, évêque d'El-Qais, venu pour le visiter et obtenir la guérison d'une maladie qu'il avait, lui évêque. Quant à Apollo, le disciple du saint père Anba Samuel, il attend de ce discours un grand profit pour celui qui le lira, l'observera et accomplira ce qui y est écrit. Lorsque les émigrants arabes se furent emparés de l'Égypte, ils étaient peu nombreux, mais ils multipliaient leurs bienfaits envers le peuple chrétien. C'est alors que nos frères les moines commencèrent à s'entretenir à leur sujet avec le père Anba Samuel, lui demandant si leur domination sur la terre d'Égypte devait longtemps se prolonger ou non. Et le saint, en la présence de l'évêque, poussa un soupir du fond du cœur et dit : « Béni soit Dieu qui a établi les temps en leur fixant une limite, qui exalte une nation et en abaisse une autre, qui détrône et élève les rois. Ne croyez pas, mes enfants bien-aimés, que cette nation est agréable aux yeux de Dieu parce qu'il a livré cette terre à leurs mains ; car la sagesse de Dieu est insondable pour les humains et il n'y a personne qui puisse connaître les œuvres du Créateur ni la fin des temps si ce n'est lui seul.
« Je vous fais part, mes enfants, des maux nombreux que les hérétiques ont commis contre les Orthodoxes au temps du père Dioscore [Dioscore, patriarche d'Alexandrie, mort en 454, successeur de saint Cyrille en 444, adopta les hérésies d'Eutychès et suscita un schisme auquel le concile de Chalcédoine mit fin en le déposant. Il fut exilé à Gangres], et [qu'ils accomplissent encore de nos jours], et de ceux qu'ils ont commis contre notre père Dioscore lui-même : ils l'avaient exilé dans les îles lointaines.
(F. 20 v.) Irotarius s'assit sur son siège [patriarcal] de son vivant et il commit beaucoup d'injustices contre les chrétiens, déportant les évêques, faisant massacrer les Orthodoxes et démolir les monastères. « Quant à Ouquiliânos, le faux moine » [litt. dont le capuchon est faux], je me tais à son sujet, car je ne saurais rapporter et décrire les mauvaises actions qu'il commit au sein de Jérusalem ni ses massacres d'Orthodoxes, ni décrire non plus ce que fit cet homme néfaste [litt. cette forme néfaste] que nous ne devons pas nommer, Kabeyros el-Mouqaouqiz, inique dans ses actions, lui, qui opprima les Orthodoxes, qui les chassait d'un endroit dans un autre, mettant toute son application à poursuivre le père Benjamin : il serrait les dents contre lui et disait : « Puissé-je trouver l'homme à la grande barbe pour ordonner qu'il soit lapidé ! » C'est pourquoi Dieu entendit la prière de ses élus qui criaient vers lui et leur envoya, selon leur demande, cette nation qui recherche l'or et non la profession religieuse.
Pour moi, je préfère le silence, mes chers enfants, et je ne veux pas vous décrire ce que souffriront les chrétiens de la part des émigrants arabes pendant leur règne. Plût à Dieu que vous n'eussiez pas rappelé leur nom au milieu de nous aujourd'hui, car c'est une race superbe que nous ne devons pas nommer dans les assemblées des saints. Ah ! ce nom ! celui des Arabes, et leur domination contraire à nos lois ! ces rois hautains qui régneront de leur temps ! ces peines qui affecteront les générations futures parce qu'elles auront agi comme eux !
En vérité, mes enfants, l'ange du Seigneur m'a révélé les temps durs et les peines sans nombre que fera subir aux enfants des hommes cette nation superbe. »
(F. 21 r.) « Je ne voudrais pas parler de ces Arabes ni de leur règne difficile à supporter, ni de la fin des temps, suivant ce qui est écrit : "Il ne vous est point donné de connaître les temps, ni les époques, car le Père a mis ces choses sous son seul pouvoir" [Actes, i, 7]. Mais je vous dis quelques détails dans l'intérêt de vos âmes; et ce que je vais vous dire arrivera infailliblement dans les âges futurs, lorsque les commandements de Dieu seront abandonnés. Mais tout homme au cœur vigilant se gardera d'imiter la conduite des Arabes et son âme sera sauvée :
Voyez-vous, mes enfants, cette nation si petite par le nombre ? Elle se multipliera et deviendra un très grand peuple. Beaucoup d'autres nations se joindront à eux, et ils se multiplieront comme le sable de la mer et comme les sauterelles. Leur règne se consolidera et ils étendront leur domination sur plusieurs pays, jusqu'à l'Orient et l'Occident. Ils s'empareront, à plusieurs reprises, de Jérusalem. Beaucoup d'autres peuples se mêleront à eux : les Hébreux, les Grecs, les Edesséniens, les habitants de Djordjàn, les habitants d'Amid... les Chaldéens, les Persans, les Berbères, ceux du Sind et de l'Inde. Ils porteront bien haut leur règne et demeureront peu de temps en paix avec les chrétiens. Après cela, les chrétiens jalouseront leurs actions; ils mangeront et boiront avec eux; ils joueront comme eux; à leur exemple ils se dissiperont et commettront l'adultère. Comme eux ils prendront des concubines et souilleront leurs corps au contact des femmes de l'hégire, rebelles et impures; ils se coucheront avec les mâles comme eux; ils voleront, jureront et commettront l'injustice; ils se haïront les uns les autres et se livreront mutuellement aux nations sans miséricorde; beaucoup de vains discours qui ne devraient pas être dits, sortiront de leurs bouches.
Ils représenteront (f. 21 v.) l'image de Dieu, c'est-à-dire l'homme, de plusieurs façons : ils appelleront les uns porcs, [les autres] chiens, [d'autres] des ânes. De même aussi, les femmes chrétiennes abandonneront les bonnes coutumes propres aux femmes ordonnées, pour prendre l'habitude du blasphème, devenir oiseuses, mauvaises dans leur conduite, dissolues dans leurs intentions. Elles tiendront encore des paroles blasphématoires et de leurs bouches sortiront des discours que personne ne doit proférer; car elles blasphémeront contre Dieu. Elles iront même jusqu'à dire sans crainte : "J'agirai contre le Dieu qui m'a créée"... »
(F. 21 r.) « Malheur ! deux fois malheur ! Que dirai-je au sujet de ces œuvres qui exciteront la colère de Dieu parfait ? Sans la miséricorde de Dieu et la longanimité de son esprit, il n'accorderait plus de délai au monde. Vraiment, en ces temps-là, les chrétiens seront pleins d'iniquité, dans la paresse pour les choses de Dieu, distraits par leurs préoccupations. En ce temps-là, ils aimeront à boire et à manger; ils s'adonneront aux plaisirs plus qu'à l'amour de Dieu; ils fréquenteront les lieux [de réunion] où l'on boit et l'on mange plus qu'ils ne fréquenteront l'église de Dieu. Ils s'assoiront dans les rues, préoccupés des choses mondaines, ne se préoccupant nullement de l'Église. Il ne leur viendra pas à l'esprit [au cœur] que les lectures se font sans qu'ils y assistent; ils n'entendront même pas l'Évangile. Ce n'est qu'à la fin de la messe qu'ils se présenteront à l'église. Quelques-uns d'entre eux feront ce qui n'est pas permis en s'occupant de leurs affaires au point de manquer les lectures. Ils se présenteront alors à l'église; ils prendront l'évangéliaire, s'informeront du chapitre qui a été lu et se mettront alors seuls dans un coin pour le lire : ils accompliront ainsi leur propre loi.
(F. 22 r.) Malheur ! deux fois malheur ! Que dirai-je, mes enfants, sur ces temps-là et sur la paresse qui gagnera les chrétiens ? En ce temps-là, ils s'écarteront beaucoup de la loyauté et imiteront dans leurs actions ceux de l'hégire; ils donneront les noms de ces derniers à leurs enfants, laissant de côté les noms des Anges, des Prophètes, des Apôtres et des Martyrs. Ils commettront encore une autre action, dont vos cœurs seraient contrits de douleur, si je vous la disais, à savoir, ils abandonneront la belle langue copte dans laquelle le Saint-Esprit s'est souvent exprimé par la bouche de nos pères spirituels; ils apprendront à leurs enfants, dès leur jeunesse, à parler la langue de l'hégire et ils s'en glorifieront. Même les prêtres et les moines oseront eux aussi parler l'arabe et s'en vanter, et cela à l'intérieur du temple.
Malheur ! deux fois malheur ! mes chers enfants. Que dirai-je ? En ces temps-là, les lecteurs dans l'église ne comprendront ni ce qu'ils liront ni ce qu'ils diront parce qu'ils auront oublié leur langue, et ils seront vraiment les malheureux dignes de larmes, parce qu'ils auront oublié leur langue et parlé la langue de l'hégire. »
Mais malheur à tout chrétien qui apprend à son fils, dès son jeune âge, la langue de l'hégire, lui faisant ainsi oublier la langue de ses ancêtres, car il sera responsable de sa faute, comme il est écrit : "Les parents seront jugés pour leurs fils." Que dirai-je au sujet du relâchement qui gagnera les chrétiens : ils mangeront et boiront à l'intérieur du temple sans crainte; ils oublieront la crainte du temple, il ne sera plus respectable à leurs yeux; ses portes seront abandonnées, et l'on n'y verra même pas la moitié d'un clerc [locution d'arabe vulgaire pour dire qu'il n'y aura personne], car (f. 22 v.) ils négligeront et n'accompliront pas les sept rites de l'Église; vous verrez les hommes de cette époque rechercher les grades du sacerdoce alors qu'ils ne méritent pas encore d'être lecteurs pour lire devant le peuple. Beaucoup de livres tomberont en désuétude, parce qu'il n'y aura parmi eux personne pour s'occuper des livres, leurs cœurs étant attirés par les livres étrangers. Ils oublieront beaucoup de martyrs parce que leurs biographies disparaîtront et il ne s'en trouvera plus. Le peu de biographies qu'on trouvera, s'il est lu, beaucoup de fidèles ne le comprendront pas parce qu'ils ignoreront la langue. En ce temps-là, de nombreuses églises tomberont en ruine; elles seront désertes aux vigiles des fêtes et la veille du dimanche aussi. Il n'y aura personne [parmi les chrétiens] capable de lire un livre sur un ambon, même les quarante [livres] saints destinés à notre salut. Vous ne trouverez personne pour faire la lecture au peuple, pour l'instruire, parce que [les chrétiens]auront oublié la langue et ne comprendront plus ce qu'ils liront et ne le soupçonneront [même] pas. Aussi les lecteurs ne comprendront-ils pas. De même encore Arsinoé, la grande ville qui appartient au Faïoum, ainsi que ses cantons, où sont les lois du Christ. Ceux qui sont célèbres par leurs livres, forts dans la connaissance de Dieu, ceux dont la langue copte égalait dans leur bouche la douceur du miel, et se répandait autour d'eux comme l'odeur des parfums, à cause de leur belle prononciation de la langue copte, tous, en ce temps-là, abandonneront cette langue pour parler la langue arabe et s'en glorifier, jusqu'au point où l'on ne pourra plus reconnaître en eux des chrétiens; mais au contraire on les prendra pour des Berbères. Ceux d'Assa'id qui connaîtront et parleront encore la langue copte seront raillés et injuriés (f. 23 r.) par les chrétiens leurs frères, qui parleront la langue arabe.
Malheur, deux fois malheur ! Combien grande la tristesse ! combien graves les actions qui seront accomplies en ces temps-là par les chrétiens ! En vous comptant ces récits, mon cœur a vraiment souffert, mes yeux ont versé des larmes et mon corps a beaucoup frémi. Pensez-vous qu'il y ait pour le cœur une douleur plus grande que celle de voir les chrétiens abandonner leur douce langue pour se glorifier de celle des Arabes ainsi que de leurs noms. En vérité, je vous dis, mes enfants, que ceux qui abandonneront les noms des Saints pour donner à leurs enfants des noms étrangers, ceux qui agiront ainsi seront exclus de la bénédiction des Saints; et quiconque osera parler à l'intérieur du temple la langue de l'hégire, celui-là s'écartera des ordonnances de nos saints Pères.
En ce temps-là, les hommes commettront de graves péchés et il n'y aura personne pour les corriger, les instruire, et les prendre en pitié, parce qu'ils pécheront tous, leurs vieillards aussi bien que leurs maîtres. Le père apprendra la faute de son fils sans le reprendre et la femme trouvera bien pour sa fille ce qui est mal. Loin de la reprendre, elle tombera avec elle dans le péché, parce que le péché ne sera plus un remords pour les chrétiens, mais au contraire, ils y trouveront de la douceur, parce qu'ils resteront sans maîtres. C'est pourquoi ils ajouteront péchés sur péchés et il n'y aura personne pour les instruire et les gronder. Mais chacun poursuivra ses intérêts. Le prêtre ne reprendra pas le pécheur. Celui qui est grand n'instruira pas le petit et le petit n'obéira pas au grand, car ils abandonneront les lois de l'Église et les règles de nos saints Pères.
Ils iront même jusqu'à supprimer les jeûnes prescrits et reconnus. Ceux d'entre eux qui jeûneront n'accompliront pas leur jeûne comme il faut à cause de leur gourmandise; ils en inciteront (f. 23 v.) d'autres à déjeuner avec eux, car chacun aura choisi pour lui-même une règle selon ses désirs. Il y en aura d'autres qui, par imitation et par respect humain, rompront le jeûne avant le temps prescrit et avant que l'ombre n'atteigne la mesure qui varie selon les mois [allusion à l'ancienne façon de distinguer les différents moments de la journée en se fondant sur la variation de l'ombre du soleil]. Vous les trouverez à l'église dans une tenue nonchalante et paresseuse, s'entretenant des choses vaines du monde, sans réfléchir, sans se rappeler que le corps de Dieu est sur la patène, que son sang est dans le calice sur l'autel. Au contraire, ce mystère redoutable sera pour eux comme un amusement. Si quelqu'un d'entre eux est pris du zèle de Dieu et va jusqu'à dire quelque parole d'instruction tirée des canons, ils le prendront aussitôt pour un ennemi et, comme des lions, ils ouvriront la bouche contre lui.
Les femmes également se livreront dans l'église aux bavardages, à la négligence, sans être reprises de personne, alors que l'Apôtre saint Paul dit : "Les femmes doivent se tenir en silence à l'église, et avoir la tête couverte." Les prêtres eux-mêmes connaîtront la négligence et la distraction; ils n'obéiront plus à la saine doctrine. Si quelqu'un d'entre eux s'avise de prononcer quelques paroles d'instruction, il le fera avec négligence et sans prendre pitié du peuple; et en cela, ils exciteront contre eux la colère de Dieu, car ils se seront écartés des canons de l'Église et de l'enseignement de nos pères spirituels. Et [Dieu] les livrera alors à la domination et à la haine des émigrés arabes, qui leur feront subir de grandes pertes, les accableront d'impôts très lourds qu'ils ne pourront supporter. Ils seront ainsi réduits à la pauvreté. Les Arabes gâteront aussi toutes les œuvres sur la terre à cause de la dureté de leur joug. Ils causeront aux veuves et aux orphelins (f. 24 r.) de grands dommages; ils insulteront les vieillards, poursuivront les vierges, s'attaqueront à elles dans leurs maisons à cause des impôts. Ils railleront la religion chrétienne et n'auront point d'estime pour les prêtres ni pour les moines; ils mangeront, boiront et joueront à l'intérieur des églises; sans crainte ils coucheront avec les femmes devant l'autel. Ils feront des églises de Dieu comme des écuries de chevaux, y attachant leurs chevaux et leurs bêtes de somme. Les esprits puissants qui veillent sur l'église s'en iront et monteront au ciel quand ils verront les mauvaises actions que commettra cette nation dans les églises. Ils [les Arabes] détruiront beaucoup d'églises en les rasant jusqu'à terre; ils transporteront leurs bois, leurs briques, leurs pierres et s'en construiront des palais et de superbes habitations. Ils détacheront les croix des églises, les transformeront en un grand nombre de mosquées à leur usage, à cause de leur orgueil et de leur haine contre les chrétiens. Mais les saints martyrs qui verront ces choses s'accomplir aux lieux de leur martyre, porteront à Dieu leurs plaintes contre cette nation en disant : "Seigneur, qui êtes le juge équitable, jugez entre nous et cette nation qui accomplit de pareils actes contre nos églises. Oui, Dieu de bonté, entrez en jugement avec eux et rendez-leur selon leurs actions." C'est alors que le Christ Jésus, le Verbe du Père et son Fils unique satisfera leurs cœurs et les consolera en disant : "Prenez patience, mes chers et vénérés, jusqu'à ce que leur temps soit accompli. Leurs actions, dont vous êtes témoins, ont pour cause les péchés commis par mon peuple, car il a rejeté mes commandements et mes ordonnances pour ressembler à cette nation. C'est pourquoi elle les dominera jusqu'à ce que son temps soit résolu." Les saints martyrs cesseront alors leurs supplications et prendront patience jusqu'à la fin de l'hégire.
Sachez donc, mes enfants, (f. 24 v.) que cette nation commettra un grand nombre d'iniquités et d'injustices sur la terre d'Égypte; sa domination se consolidera beaucoup, son joug pèsera comme le fer et son peuple se multipliera comme les sauterelles; elle s'emparera de plusieurs pays qui subiront sa domination, et son injustice augmentera beaucoup en Égypte au point que la terre en sera ruinée; ils mangeront, boiront, s'amuseront; ils s'habilleront comme des époux; ils se vanteront beaucoup en disant : "Aucune nation ne nous dominera jamais." Ils soumettront la terre au cadastre et en toucheront les impôts; il en résultera une grande cherté de vie sur la terre; un grand nombre périront de faim et resteront par terre sans que personne leur donne la dernière sépulture.
Il arrivera aussi que ceux qui coucheront la nuit dans leurs propres maisons, trouveront chacun, en se réveillant le matin, trois huissiers à leur porte, chacun d'eux réclamant un genre d'impôts. C'est alors qu'un grand nombre de villes importantes, de régions, de hameaux et de ports seront détruits, et cette terre d'Égypte, riche en arbres et en jardins, deviendra une terre salsugineuse, boisée et stérile, à cause de la multiplicité des impôts prélevés sur le pays par les Arabes; car ils forment une nation orgueilleuse, peu miséricordieuse. "Leur joug pèsera comme le fer." Ils molesteront leurs sujets en leur réclamant de l'or : ils feront le recensement des citoyens grands et petits, inscriront leurs noms sur les registres et leur réclameront l'impôt de capitation. Les habitants vendront alors leurs vêtements et leurs effets pour acquitter les taxes, [et leurs maîtres] mettront la main sur toutes leurs possessions pour des raisons qu'ils établiront, et par lesquelles ils les presseront. La population se transportera d'une ville et d'un pays à l'autre, cherchant de la tranquillité sans en trouver. Alors qu'ils seront en butte à toutes ces difficultés, ils demeureront dans l'aveuglement de leur cœur, sans comprendre la correction du Seigneur, sans se convertir et sans rechercher les enseignements (f. 25 r.) de l'Église. Mais au contraire, ils ajouteront au nombre de leurs péchés, car l'orgueil des chrétiens augmentera beaucoup en ces temps-là. Ils s'élèveront les uns au-dessus des autres, ils se plaindront les uns des autres; ils se moqueront des paroles des Livres Saints, qui sont de l'esprit de Dieu. Même les prêtres, les moines et les ministres du saint autel feront de pareilles œuvres; ils s'en vanteront en disant : "Nous avons plus de mérite que nos pères." Ils oublieront ce qui est écrit que l'orgueil dans l'homme est une abomination devant le Seigneur. Quand ils accompliront ces actions, alors même ils seront dominés par cette nation, qui les fera beaucoup souffrir, suivant ce qui est écrit : "S'ils méprisent mes droits et n'observent pas mes commandements, je corrigerai avec le bâton leur faute et, avec la verge, leur paresse." Priez donc, mes enfants, afin que ce qui est ainsi écrit dans les Psaumes ne s'accomplisse pas contre nous; supplions le Seigneur qu'il n'abandonne pas jusqu'à la fin son peuple, mais bien qu'il convertisse sa colère en miséricorde et son indignation en bénignité, qu'il tourne en ce temps-là ses regards vers son peuple chrétien, qu'il se souvienne de son épouse l'Église, qu'il leur envoie son aide céleste, qu'il n'agisse pas avec eux selon leurs péchés et qu'il ne les traite pas selon leurs iniquités. Et maintenant je vous recommande, mes chers enfants, et je vous supplie humblement de recommander à ceux qui viendront après vous jusqu'à la fin des âges, de veiller parfaitement sur leurs âmes et de ne pas laisser un chrétien parler la langue arabe dans ces lieux, car c'est là matière à un grand jugement : beaucoup en effet oseront parler à l'autel la langue de l'hégire. Malheur, deux fois malheur à ceux-là ! comme je l'ai entendu moi-même d'un vieillard voué au service de Dieu, revêtu de l'Esprit, accompli dans la sainteté. Il m'a répondu quand je l'ai interrogé au sujet des rois de l'hégire : "Regarde, mon fils Samuel, et saisis ce que je te dis : Au temps où (f. 25 v.) les chrétiens oseront parler auprès de l'autel la langue de l'hégire, par laquelle ils blasphémeront contre le Saint-Esprit et contre la Sainte Trinité, en ce temps-là malheur aux chrétiens, malheur et sept fois malheur !
Que si je me mettais, mes enfants, à vous raconter les récits de ce saint vieillard, mon discours se prolongerait trop; mais j'y renonce, car ce que nous avons dit est suffisant. Comprenne qui a un cœur capable de comprendre ! Celui qui se garde des œuvres des Arabes et ne les imite pas pourra sauver son âme.
Quand le saint vieillard eut expliqué ces discours, il se tourna vers Anbâ Apollo et tous les frères en nous disant : "Vous venez d'entendre de vos oreilles quelque chose de l'épreuve qui s'abattra sur les générations futures [qui oseront modifier les saints canons et la saine doctrine de nos pères] : je vous ai fait connaître l'épreuve qu'elles subiront. Vous aussi, mes chers enfants, prenez garde et soyez vigilants, car le bonheur et les bénédictions sont à celui qui prend garde et qui veille. Maintenant, mes chers enfants, prenez garde et veillez, car le bonheur et les bénédictions sont à ceux qui agissent selon les prescriptions apostoliques. À tout instant appliquons-nous, mes chers enfants, à fuir les suggestions du démon et à ne pas suivre les inclinations de nos cœurs et de notre corps, car le démon égare le cœur et y jette ses idées et ses inclinations. Fuyons donc nos inclinations et le Christ nous comblera des biens de son royaume éternel.
— Avis : Prenez garde, mes chers enfants, à la négligence, car elle est la racine de toutes les douleurs et elle favorise toute mauvaise herbe. Prenez garde, mes enfants, et fuyez la concupiscence, car elle obscurcit l'intelligence, empêche l'homme de comprendre les commandements de Dieu, le rend étranger à l'Esprit-Saint et l'empêche de s'éveiller à la connaissance de Dieu."
(f. 26 r.) « Prenez garde, mes chers enfants, à la trop grande préoccupation, car elle rend l'homme étranger aux biens du Paradis; prenez garde à l'impureté, car elle irrite Dieu et ses anges; prenez garde à l'orgueil, car il est la source de tous les maux et c'est lui qui éloigne l'homme de Dieu; prenez garde à la vanité et à la recherche de l'autorité, car ces deux défauts gâtent toute la peine de l'homme et la lui font perdre aux yeux de Dieu. Prenez garde, mes chers enfants, et ne soyez pas pusillanimes dans la pratique de la vertu, car celui qui est pusillanime, qui a le cœur faible [qui n'a pas de courage], qui y donne place à la paresse, le remplit de tous péchés et de tout. Que si vous êtes pusillanimes, si vous peinez avec peu de courage, vous négligerez votre règle et vous deviendrez paresseux quand il s'agira de prières et de travaux.
Mais, soyez des lions [litt. soyez des cœurs de lions], rejetez toute pensée qui vous contrarie et fuyez toute oisiveté du corps, car l'oisiveté y développe l'ivraie. Abstenez-vous de l'adultère, car il a fait des victimes et les a précipitées bien bas, et celles qu'il a jetées en enfer ne reviendront plus. Prenez garde, mes chers enfants, n'affectionnez pas un enfant ni un bébé et n'entrez pas là où il y a une femme, car le silex en prenant contact avec le briquet fait jaillir le feu et brûle des champs nombreux. Prenez garde, mes chers enfants, et fuyez toutes les mauvaises actions qui précipitent l'homme en enfer et le livrent à la souffrance; mais accomplissez les bonnes œuvres qui conduisent au royaume céleste; ce sont : la pureté, l'humilité, la prière, le jeûne, les œuvres ascétiques, la patience, l'endurance, la longanimité, la charité, la bénignité, la douceur, la fraternité, l'acceptation de la peine, l'humiliation, la petitesse. Rejetez (f. 26 v.) loin de vous toute paresse, toute colère et toute faiblesse, car ce n'est qu'au prix de grandes humiliations que nos pères ont accompli leur course, souffrant de la faim, de la soif, s'abstenant absolument de boire aucune sorte de vin, car les troubles de la concupiscence naissent dans les membres de l'homme de l'usage excessif du vin : le vin excite la concupiscence en la rendant inconvenante et c'est lui qui rompt la chair du corps. Et en général, l'usage excessif du vin contriste le Saint-Esprit, et nos pères savent le nombre des tristesses causées par le vin depuis l'origine. Abstenez-vous donc. Mais en petite quantité, il peut être employé dans les maladies du corps; car si le grand ascète Timothée fut autorisé de prendre un peu de vin à cause de son estomac et de ses nombreuses infirmités, que ferai-je alors pour ceux-là qui sont dans l'effervescence de la jeunesse et qui sont souvent sujets à de grandes souffrances. En vérité, mes enfants, il est bon d'être réservé en toutes choses et c'est un grand gain que l'humiliation: car celui qui humilie son âme la sauve, la fait parvenir au port du salut et sera rassasié des biens de la Jérusalem céleste. Et maintenant, je vous exhorte avec beaucoup de soin et d'insistance à embrasser et à mettre en pratique tous les conseils que je vous ai donnés et toutes les règles qui vous ont été transmises. Recommandez à vos enfants de prescrire à ceux qui viendront après eux jusqu'à la fin des siècles futurs, qu'ils veillent, et qu'ils observent jalousement les œuvres propres à la vocation monastique, afin qu'ils puissent mériter l'héritage du royaume céleste. Car il y aura un temps où beaucoup de moines se dissiperont et s'amuseront, et à cause d'eux le monde blasphémera contre l'état monastique; ils rejetteront loin d'eux les canons et les prescriptions par ceux qui sont revêtus de l'Esprit-Saint, au nom du grand Antoine, (f. 27 r.) au nom d'Abou-Macaire, d'Anba Pacôme et d'Abou-Chalouda, eux dont les prières font prospérer la terre de l'Égypte, eux qui ont établi les canons et les ont rendus obligatoires dans l'état monastique. Pour nous, nous avons continué leurs bonnes œuvres, et nous avons entendu et conservé leurs saints enseignements. Quant à vous, mes chers enfants, observez tout ce que je viens de vous dire ainsi que la règle monastique fondamentale que vos pères spirituels ont établie pour vous. Recommandez à ceux qui viendront après vous jusqu'au siècle des siècles futurs d'observer tout ce que je vous ai dit aujourd'hui, suivant la parole de l'Apôtre saint Paul : "Conformez-vous à moi comme je me suis conformé au Christ." Ainsi vous, mes chers enfants, conformez-vous à moi et suivez mes traces, comme j'ai suivi les traces de mes saints pères. Si vous observez ce que je viens de vous dire, alors la Mère de Dieu intercédera pour vous auprès de son Fils (parce que vous habitez une terre qui lui appartient), comme je l'ai constaté souvent moi-même. Je l'ai vue de mes yeux dans cette église, je l'ai entendue de mes oreilles, qui disait : "C'est ici ma demeure, et parce que je l'ai aimée, j'y demeure avec mon serviteur Samuel et tous ses enfants qui viendront après lui et s'attacheront à ses conseils."
(f. 27 v.) « Vous devez donc, mes chers enfants, accomplir parfaitement toutes les ordonnances, ainsi que toute la constitution monastique. Si vous le faites, vous mériterez de voir la Vierge Mère de Dieu, Notre-Dame Marie, comme je l'ai vue moi-même, et entendue promettre plusieurs privilèges à ceux qui habiteront ce désert, qui le visiteront et y viendront chercher la bénédiction et le pardon des péchés.
Bienheureux êtes-vous, mes enfants, puisque vous avez mérité d'habiter la terre de la Vierge très pure Notre-Dame Marie, de chanter et de bénir Dieu dans cette église que la Mère de Dieu s’est choisie pour lui [servir de demeure]. Bienheureux celui qui fait quelques pas pour venir à cette église avec foi : je vous dis, mes chers enfants, que la Mère de Dieu Notre-Dame Marie demandera à son Fils d’agréer son repentir et de lui remettre tous ses péchés. Bienheureux ceux qui offrent un sacrifice dans cette église sainte ; car je vous dis que la Mère de Dieu intercédera pour lui auprès de Dieu, afin qu’il reçoive son sacrifice dans la Jérusalem céleste. Celui qui se lie par un vœu envers ce sanctuaire, s’il se hâte de l’acquitter, je vous dis que la Vierge Notre-Dame Marie acceptera son vœu et exaucera vite sa demande. Celui aussi qui écrit ce saint discours, qui le place dans l’église, celui qui le lit pour le profit des âmes de ceux qui l’écoutent, le conservent et conforment leur conduite à ce qui y est écrit, s’écartant de la voie erronée, et sauvant ainsi leurs âmes, je vous dis que la Vierge Notre-Dame Marie demandera à son bien-aimé Fils de déchirer le livre de ses péchés et d’inscrire son nom dans le livre de vie.
Maintenant donc, mes chers enfants, si vous observez bien ce que je vous ai recommandé, la Vierge Marie intercédera pour vous auprès de son Fils bien-aimé et il mettra vos ennemis sous vos pieds et vous foulerez la tête du monstre (Satan) et vous briserez toute la force de l'ennemi. Si vous observez bien ce que je vous ai conseillé, les rois et les gouverneurs vous offriront des présents, les archontes vous rendront les honneurs et les Berbères vous seront soumis. Appliquez-vous de toutes vos forces, mes chers enfants, à faire avec courage et à leurs heures, les prières qui vous sont prescrites pour le jour, et à être fidèles à la réunion pour la prière nocturne. Gardez-vous de modifier la constitution que j’ai établie pour vous, afin de ne pas vous exposer à un jugement terrible. Observez et observez encore, mes chers enfants, tout ce que je vous ai prescrit afin d’être des enfants du royaume des cieux. »
Gardez-vous de causer pendant la messe, car c'est là une grande faute. Malgré les chants exécutés dans l'église, et la lecture (f. 28 r.) faite pour le salut des âmes, quelques-uns s'entretiennent ensemble, mais sachez que celui qui cause dans l'église sera rejeté de Dieu et de ses Anges; la mère de Dieu sera irritée contre lui; sa prière sera inconvenante, et il sera tenu de répondre de sa désobéissance.
— Que personne n'exerce dans l'église si ce n'est [ceux qui sont consacrés pour elle]. Prescrivez à vos enfants de recommander à ceux qui viendront après eux jusqu'à la fin des âges futurs, que personne ne parle à l'intérieur du chœur [litt. de l'autel] la langue de l'hégire; car celui qui agit ainsi méritera la malédiction. — Voilà, mes chers enfants, que je vous ai parlé; celui qui écoute et observe sera sauvé.
Quand il eut dit ces choses, nous voulons dire notre saint père Anba Samuel, les assistants l'écoutant, voici que notre père évêque, Anba Grégorius, fondit en larmes amères, au point de mouiller de ses pleurs ses vêtements, à cause des événements qui devaient avoir lieu. Alors le Père Anba Samuel de lui répondre : "Ceci n'est qu'un petit châtiment par lequel Dieu châtiera la génération de ces temps-là. Mais si la vengeance des péchés qu'ils auront commis venait sur eux, qui pourrait subsister devant [Dieu] ? Selon ce qui est écrit : 'Si vous prenez garde à l'iniquité, Seigneur, Seigneur, qui pourra subsister devant vous ?' Comme aussi il est écrit : 'Il est bon pour moi que vous m'ayez humilié, afin que je puisse observer vos commandements' : et encore : 'Le Seigneur m'a puni très sévèrement, mais il ne m'a point livré à la mort.'
Celui donc qui accepte la correction du Seigneur avec remerciement et confusion, alors qu'il avoue ses péchés et n'y revient pas une seconde fois, celui-là sera sauvé; celui qui accepte la correction du Seigneur avec remerciement et patience, quand elle lui arrive, à cause du Christ, sera sauvé selon la parole du saint Évangile : 'Celui qui persévère jusqu'à la fin sera sauvé.' Quant à celui qui s'impatiente et doute, malheur à lui à jamais. En effet, beaucoup de chrétiens en ce temps-là renieront le Christ à cause du court temps [d'épreuve] qui passera. Les uns le renieront à cause des difficultés qu'ils auront et parce qu'(f. 28 v.) ils ne trouveront personne pour les instruire ni pour les consoler dans leurs peines : ils seront privés du secours de l'instruction. Beaucoup d'autres tomberont à cause de la prépondérance des choses mondaines auxquelles leurs esprits s'attacheront, sans que personne les contrarie; ceux-là tomberont. D'autres, seulement à cause du plaisir de manger et de boire, tomberont; d'autres, à cause de l'oisiveté du corps et de l'erreur du péché.
Puis, leurs frères et leurs parents ne les pleureront pas et ne s'attristeront pas sur leur sort, mais au contraire, ils trouveront en eux un objet pour leur vanité : ils mangeront et boiront avec eux; et après cela, ils leur porteront envie, les imiteront, et comme eux, ils renieront le Christ. Malheur à ceux qui sont ainsi, car leur demeure dans l'enfer sera un abîme de profondeur pour jamais."
Là-dessus : "Mon saint père, lui dit Anba Grégorius, croyez-vous que l'événement va tarder et jusqu'à quand durera cette épreuve et la domination de cette race sur la terre d'Égypte ?"
Le saint Anba Samuel lui répondit : "Mon père Anba Grégorius, personne ne connaît la disposition des temps ni leurs vicissitudes, si ce n'est le Créateur seul : mais si les chrétiens se convertissent et renoncent à leurs mauvaises actions, accomplissant les canons de l'église et s'y maintenant avec vigilance et droiture devant Dieu, Dieu alors leur épargnera ces peines; mais s'ils ne se convertissent pas, elles dureront sur la terre jusqu'à la fin de la domination de l'hégire, jusqu'au dernier des rois de l'hégire. Le dernier des rois de l'hégire portera le nom de Lasmarini [ou Lasmarisu]; son nom en chiffres donne six cent soixante-six; comprenne celui qui est capable de comprendre [litt. celui qui a un cœur]. Il sera issu de deux nations. Pendant son règne la terre sera troublée : son vêtement aura la couleur de l'or; il aura l'âme courageuse et livrera pour un dinar un homme à la mort; de son temps il n'y aura pas de repos : sur son visage il n'y aura pas trace de pudeur; il fera oublier la crainte de Dieu, dont il n'aura même pas (f. 30 r.) un souvenir. Il ne suivra pas les ordonnances de son père, car il sera ismaélite; ni la profession de sa mère, car elle sera franque; il aimera l'ivrognerie, il sera sanguinaire : sous son règne les hommes subiront beaucoup de peines; il en fera massacrer un grand nombre par surprise; les hommes éprouveront une grande difficulté en ces temps-là, et seront dans l'attente de la miséricorde divine au milieu des nombreuses tribulations qui leur seront fréquemment infligées par les Fils d'Ismaël. Après cette épreuve, Dieu se souviendra de son peuple si grandement humilié et enverra contre eux [les Arabes] le roi des Grecs, en grande fureur, du côté de la mer, car l'archange Michel lui apparaîtra dans une vision et lui dira : 'Lève-toi et pille à ton tour, car le Seigneur t'a donné toute la terre'. Et ainsi il régnera sur toute la terre. Il arrivera aussi que le roi de l'Abyssinie accomplira de grands ravages dans le domaine de leurs ancêtres du côté de l'Orient. Ceux de l'hégire s'enfuiront aux déserts où ils étaient auparavant; ils fuiront de l'Est devant le roi des Abyssins et le roi des Grecs fondra sur les Fils d'Ismaël et les cernera dans la vallée d'Al-Héfar, demeure de leurs ancêtres; il les fera périr de l'Ouest et les fera noyer. La terreur et une grande frayeur s'empareront des Fils d'Ismaël et de tous leurs adhérents. Dieu les livrera au roi des Grecs, qui les fera passer au fil de l'épée et les dépouillera, car ils ont opprimé la terre. C'est pourquoi, par un juste décret, Dieu les livrera au roi des Grecs qui leur fera subir des épreuves, en vérité cent fois plus grandes que celles qu'ils ont causées. Ils seront dans la pauvreté, dans la misère, dans la peine, dans la gêne, [ils seront soumis] à l'épée. Le roi des Grecs entrera dans la terre d'Égypte, fera mettre le feu à la ville des Égyptiens, nommée Bablonn, parce que c'est là que les Fils d'Ismaël ont accompli leurs abominations; il détruira la terre d'Al-Djonf et soumettra les Fils d'Ismaël à la peine de l'esclavage et à toutes sortes de souffrances."
(T. 29 V.) Ceux d'entre eux qui auront survécu, s'enfuiront aux déserts — Le roi de l'Abyssinie épousera la fille du roi des Grecs et il y aura une telle pacification, une telle tranquillité et une telle concorde sur toute la face de la terre pendant quarante ans, qu'on n'aura jamais rien vu de pareil sur la terre. Il y aura une grande joie pour les chrétiens qui ouvriront publiquement les portes de leurs églises, construiront des maisons, planteront la vigne, élèveront de hauts châteaux et se réjouiront dans le Seigneur leur Dieu. Malheur à ceux qui, en ce temps-là, porteront le nom de l'hégire !
Après les quarante ans, voici les signes qui concernent le roi néfaste : Les sources d'eau et les fleuves se transformeront en sang, et demeureront ainsi pendant une heure, leur eau sera amère. Le second signe : les bébés parleront à l'âge de trois mois après leur naissance. Le troisième signe : quand vous ferez la moisson des champs, le sang jaillira de la terre. C'est alors que les sages s'enfuiront dans les montagnes ; car après cela, apparaîtra la race contenue au delà de la mer du côté des Arabes, ce sont Hagog et Magog.
La terre tremblera devant eux et les hommes s'enfuiront dans les montagnes, dans les cavernes, dans les cimetières et ils mourront de faim et de soif. Cette race souillera la terre pendant cinq mois; et après cela le Seigneur enverra son ange qui les exterminera en une heure. Le roi des Grecs dominera sur la terre un an et six mois: il fera de Jérusalem sa résidence. Après cela, Dieu fera cesser son règne sur la terre et alors apparaîtra le hideux, qui est le faux Messie, faisant beaucoup de signes et de prodiges avec une vaine ostentation. Il ira même, s'il le peut, jusqu'à égarer les élus, selon ce qui est (f. 30 r.) écrit. Dix des rois grecs le prendront pour appui et seront avec lui dans un même conseil, ils confirmeront sa domination. Bienheureux celui qui se battra contre lui et le vaincra, car il régnera éternellement avec le Christ dans le siècle futur.
Toutes ces choses, je les ai entendues de la bouche du saint Anba Samuel, moi Apollo son disciple, et je vous les ai rapportées, mes Frères. Quant à ce qu'il a dit en secret avec l'évêque Anba Grégorius, je ne l'ai point écrit, parce que notre Père Anba Samuel m'a recommandé de ne pas l'écrire. Ce discours et les récits présents, je n'ai pas voulu les écrire pour les frères [qui] les connaissent pour les avoir entendus de la bouche de notre Père Anba Samuel : mais c'est pour les générations futures que je les écris, selon la recommandation de notre Père Anba Samuel. Celui donc qui les écoute et les met en pratique sera sauvé ; celui au contraire qui y désobéit aura la récompense qu'il mérite, il sera traité selon sa désobéissance.
Et maintenant, mes Frères, faisons ce qui convient au repentir, afin de trouver miséricorde et bon accueil au jour du jugement équitable, où tout homme trouvera une récompense en harmonie avec ses œuvres soit bonnes, soit mauvaises. Et le Seigneur très clément nous rendra dignes de trouver grâce, et rémission pour nos péchés, par les prières de notre saint Père Anba Samuel et par l'intercession de la Mère de Dieu, vierge en tout temps!
Gloire au Père, au Fils et au Saint-Esprit, maintenant et en tout temps et dans les siècles des siècles. — Amen. Amen. Fin du saint discours dans la paix du Seigneur. Amen. Amen. [Nous avons parcouru aussi les mss. 4783 (fol. 75-87) et 6497 (fol. 20-38). D'après celui-ci, le dernier roi qui régnera sur l'hégire portera le nom "le dernier prophète" et le chiffre de son nom est 666. Son nom arabe est Mohammed (Voir ROC, t. XIX, 1914, p. 112)].
NOTE DU TRADUCTEUR SUR L'APOCALYPSE DE SAMUEL
L'ouvrage comprend deux parties : un sermon (fol. 20 à 28') et une apocalypse (fol. 28 à 30).
Le sermon a pour but de condamner tous rapports avec les musulmans et surtout l'emploi de la langue arabe (fol. 21-23-25, 28'), de donner des prescriptions morales (fol. 25''-26) qui commencent souvent comme celles d'Ammonas (Pair, or., t. XI, p. 458-471) par les « prenez garde » (il n'y a pas cependant de dépendance textuelle). La dévotion à la Sainte Vierge, dans l'église du monastère où elle est apparue plusieurs fois à Samuel, est aussi recommandée longuement (fol. 27-28).
Après cela (fol. 28'), Grégoire, évêque d'El-Qaïs (ou Kaïs), interroge Samuel sur la fin des temps.
Nous avons donc là un écrit composé en copte au monastère de Qalamoun (ou Kalamoun). Tous les peuples qui ont vu leur langue supplantée par celle des conquérants, et surtout les amis du copte, ne liront pas sans émotion les phrases sur « la langue des ancêtres », « la belle langue copte dans laquelle le Saint-Esprit s'est souvent exprimé par la bouche des Pères spirituels », la disparition des biographies des saints, l'abandon des noms des saints pour donner aux enfants des noms étrangers, le tort de ceux qui abandonnaient leur langue pour l'arabe.
Ce sermon est donc ancien, car le copte a été vite supplanté. Grégoire, évêque de Kaïs, est mentionné dans l'histoire des Patriarches d'Alexandrie sous cinq patriarches successifs qui ont gouverné l'église jacobite de 661 à 730, cf. Pair, or., t. V, p. 9, 20, 22, 42, 49; l'écrit se place donc au début du VIIIe siècle.