Ceux qui s'avancent "de puissance en puissance" selon la bénédiction du prophète et disposent en leur cœur "ces glorieuses ascensions",
lorsqu'ils saisissent une pensée bonne, sont conduits par elle à une pensée plus élevée grâce à laquelle se fait l'ascension de l'âme vers les hauteurs. Et ainsi toujours "tendu en avant", il n'arrêtera jamais la bonne ascension, celui qui est toujours guidé par de sublimes pensées vers la compréhension des puissances d'en haut.
Je vous ai dit cela, frères, en réfléchissant sur le sixième psaume, et en observant l'ordre logique et nécessaire d'après lequel après "celle qui hérite" a été ajoutée la Parole concernant l'octave. Or vous n'ignorez absolument pas le mystère de l'octave. Il ne convient pas, en effet, que la pensée de quelques-uns soit entraînée vers les opinions des juifs, qui ramènent la grandeur du mystère de l'octave à ce qui concerne les parties honteuses de notre corps et disent que par le nombre de l'octave sont indiquées la loi de la circoncision et la purification après l'accouchement (Lev 12).
Mais nous, qui avons appris du grand Paul, que "la Loi est spirituelle", même si ce nombre est contenu dans les lois indiquées, instituant pour l'homme la circoncision et pour la femme le sacrifice pour la purification, ni nous ne rejetons ni n'admettons humblement la Loi, puisque nous savons qu'en vérité le huitième jour a lieu la véritable circoncision, pratiquée avec un couteau de pierre. Tu comprends, sans doute possible, que par la pierre qui tranche l'impureté, est désignée "la pierre même qu'est le Christ" parole de vérité, et que cesse le flux sordide des embarras de la vie, une fois l'existence humaine transformée dans le sens du plus divin. Pour rendre manifeste à tous le sens de tels propos, je vais tenter, autant que je le pourrai, de donner plus de clarté à mon discours.
Le temps de cette vie, dans la première réalisation de la création, a été accompli en une seule semaine : la création des réalités commença avec le premier jour et la fin de la création s'acheva avec le septième. En effet, "il y eut" dit le prophète, "un jour" où furent créées les premières réalités ; puis, de la même façon, un second, les deuxièmes, et ainsi de suite jusqu'au sixième jour où tout fut créé. Le septième, qui est la fin de la création, a clos en lui le temps coextensif à la création du monde. Comme donc, ni aucun autre ciel n'a été fait depuis ce moment, ni aucune des parties du monde n'a été ajoutée à celles qui existent depuis le commencement mais que la création a été constituée en elle-même, demeurant dans ses dimensions sans augmentation ni diminution, ainsi aucun autre temps n'a existé en dehors de celui qui a été déterminé avec la création, mais la réalité du temps a été circonscrite dans la semaine de jours. C'est pourquoi, lorsque nous mesurons le temps avec les jours, partant d'un jour et fermant le nombre avec le septième, nous revenons à un jour, mesurant toute l'étendue du temps par le cycle des semaines jusqu’à ce que, une fois les réalités mobiles passées et le flux du devenir du monde arrêté, viennent, comme dit l'Apôtre, les choses qui ne sont plus agitées, que n'atteignent plus ni altération, ni changement, puisque cette création-là demeure toujours semblable à elle-même dans les siècles successifs.
On y verra la vraie circoncision de la nature humaine dans le dépouillement de la vie corporelle et la vraie purification de la vraie souillure. Or la souillure de l'homme, c'est le péché engendré avec la nature humaine (car "ma mère m'a conçu dans le péché") dont Celui qui a opéré la purification de nos péchés nous purifie alors entièrement, faisant disparaître de la nature des êtres tout ce qui est sanglant, sordide et incirconcis. C'est en ce sens que nous prenons la loi de l'octave qui purifie et circoncit : à la fin de ce temps septénaire, le huitième jour apparaîtra après le septième, appelé huitième parce qu'il vient après le septième, mais n'ayant plus après lui de successeur. Il demeure en effet à jamais unique sans être jamais interrompu par l'obscurité nocturne ; c'est un autre soleil qui le fait, celui qui rayonne de la véritable lumière, qui, une fois qu'il nous est apparu, comme l'Apôtre n'est plus caché par les couchants, mais embrassant tout dans sa vertu illuminatrice, éclaire de la lumière perpétuelle et sans alternance ceux qui en sont dignes, faisant même de ceux qui participent à cette lumière d'autres soleils, selon la parole de l'Évangile : "Alors les justes brilleront comme le soleil".
Puisque donc, dans le psaume précédent, le prophète parle "pour celle qui reçoit l'héritage" et que l'héritage est préparé aux justes dans l'octave et, là aussi, le juste jugement de Dieu qui distribue selon le mérite de chacun, le prophète a eu raison d’associer au rappel de l'octave sa parole sur le repentir. Qui, en effet, en se rappelant le redoutable jugement du Christ, n'est pas aussitôt déchiré dans sa conscience et saisi par la crainte et l'angoisse ? Et même s'il se trouve conscient d'avoir passé sa vie à se rendre meilleur, cependant, ayant les yeux fixés sur la rigueur du jugement où même la moindre des fautes est examinée, il est saisi d'un effroi extrême dans la crainte de maux redoutables, puisqu'il ne sait quels seront pour lui l'issue et le terme du jugement.
Voilà pourquoi, comme il a pour ainsi dire sous les yeux ces châtiments redoutables - la Géhenne, le feu ténébreux et le ver de la conscience qui ne meurt pas , qui suce interminablement l'âme par la honte et, en lui rappelant ses actes mauvais, ravive ses souffrances - il supplie désormais Dieu, priant pour n'être pas livré dans sa fureur à la rigueur du jugement, pour n'être pas soumis par sa colère à la correction de ses fautes. Car pour ceux qui ont été condamnés à la cruelle correction de ce châtiment redoutable, le jugement est selon la tradition oeuvre de fureur et de colère. Et c'est pourquoi, comme s'il se trouvait déjà dans la douleur, il reprend les paroles de ceux qui souffrent, pour qui ce qui est exercé pour le châtiment des impies est fureur et colère. Il dit alors : je n'attends pas que vienne sur moi avec les châtiments redoutables dus à cette fureur le jugement qui me convaincra de mes fautes cachées mais je devance en les confessant la nécessité de cette colère. Car ce que produit la douleur chez ceux qui sont châtiés, en rendant manifeste malgré eux les secrets de leur iniquité, c'est ce qu'obtient par elle-même la libre décision de se punir et de se châtier par repentir, de rendre publique le péché dissimulé dans le secret du cœur.
Donc, en disant : "Ne me châtie pas dans ta fureur, ne me corrige pas dans ta colère", il cherche logiquement recours en la miséricorde, en rapportant la raison du mal non pas tant à une libre décision qu'à la faiblesse de notre nature : Moi qui suis né dans le mal, soigne-moi par ta miséricorde de faible que j'étais, je suis devenu la proie des passions. Mais quelle faiblesse ? Mes os se sont disloqués, ont perdu leurs articulations. Or, les os, c’est la sage raison qui affermit l’âme : "Guéris-moi, Seigneur, car mes os sont bouleversés". Et il interprète le sens figuré de l'expression en ajoutant : "Mon âme est toute bouleversée". Pourquoi donc, dit-il, remets-tu à plus tard la guérison, "Toi, Seigneur ? Jusqu’à quand" vas-tu refuser d'accorder ta miséricorde ? Ne vois-tu pas la brièveté de la vie humaine ? Préviens, en convertissant mon âme, cette nécessité de notre vie, de peur que, quand la mort viendra, toute intention de me soigner soit inutile. Car il ne sera plus dans la mort, celui qui peut par le souvenir de Dieu soigner la maladie que provoque en lui le mal, puisque l’aveu a de la force sur terre mais que ce n'est pas le cas dans l'Hadès.
Ensuite, comme si quelqu'un demandait : comment implores-tu la miséricorde pour la guérison des fautes ? De quelle manière fléchir la divinité ? Il répond : "Je me suis épuisé en gémissements", et je baignerai du flot de mes larmes "mon lit" où s'entasse le péché. Pourquoi ? Parce que, dit-il, "dans ma fureur mon oeil a été bouleversé", et pour cela je suis devenu quelqu'un de vieux et de moisi, parce que la fureur que mettent en moi mes adversaires a gangrené mon âme. Or, si la fureur, à elle seule, met tant de crainte en celui qui a commis une faute à cause d'elle, combien, à plus forte raison, désespéreront du salut ceux qui sont conscients en leur vie particulière non seulement des passions qui viennent de la fureur, mais aussi de tout ce que provoquent désir, cupidité, orgueil, amour de la gloire, envie et tout l'essaim restant des vices humains. C'est pourquoi s'adressant à tous ses adversaires, il dit "Écartez-vous de moi, vous tous, artisans d'iniquité" (Ps 6, 9).
Mais il indique, dans le verset suivant, le bon espoir d'un heureux résultat qui nous vient du repentir. Aussitôt, en effet, en même temps qu'il a présenté à Dieu ses paroles de repentir, venant à sentir la bienveillance de Dieu à son égard, il révèle la grâce et se réjouit du don qui lui est fait, en disant : "Le Seigneur a entendu ma supplication : le Seigneur a accueilli ma prière". Afin donc que le bien qui lui est venu de son repentir puisse subsister à jamais pour lui et que, dans sa vie il n'ait pas besoin d'un second repentir, il demande que ses adversaires se détournent sous le fouet de la honte. Car celui qui a honte d'avoir commis le mal, en se laissant guider par la honte pour ne plus se porter aux mêmes actes, s'écartera à l'avenir d'expériences semblables. Telle est donc la logique d'une bonne ascension : le quatrième psaume a distingué le bien immatériel de la réalité corporelle et charnelle ; le cinquième a appelé par ses prières l'héritage d'un tel bien ; le sixième, par la mention de l'octave, a indiqué le moment de l'héritage ; l’octave a manifesté la peur du jugement : le jugement a averti les pécheurs que nous sommes de prévenir par le repentir le châtiment redoutable.
Puis le repentir offert à Dieu avec raison a annoncé le gain qu'il nous procure en inspirant ces mots : "Le Seigneur a entendu la voix de celui qui se tournait en larmes vers lui". Après quoi pour que le bien puisse subsister sans changement pour nous à l'avenir, le Prophète appelle la disparition, sous l'effet de la honte, des pensées adverses. Car une pensée adverse et injuste ne peut s'éteindre que si la honte la fait disparaître : c'est un profond abîme que la honte éprouvée pour le mal qu'on a commis, puisqu'elle sépare, comme par un mur, le péché de l'homme. Disons donc : "Qu'ils soient honteux" et changent entièrement, tous mes adversaires. Les adversaires, ce sont visiblement "les gens de la maison" qui sortent de notre cœur et souillent l’homme. Quand ils se seront rapidement détournés sous l’effet de la honte, nous attend l’espérance de la gloire qui n'aboutit pas à la honte par grâce du Seigneur, à qui appartient la gloire pour l'éternité. Amen.