HOMÉLIE SUR LA NÉCESSITÉ DE RÉGLER SA VIE SELON DIEU. SUR LE TEXTE : LA PORTE EST ÉTROITE. Explication de l'Oraison Dominicale.


1. La lecture de l'Écriture sainte est toujours pour ceux qui la font avec attention une leçon de vertu; mais les Evangiles surtout renferment, dans leur texte vénéré, la doctrine la plus sublime ; les paroles qu'ils contiennent sont les oracles mêmes du grand Roi. Aussi menace-t-il d'un châtiment terrible ceux qui ne mettent pas tous leurs soin à garder ses commandements. Si, pour enfreindre les ordres d'un prince de la terre, on encourt une punition inévitable, combien plus des tourments intolérables accableront-ils celui qui aura violé les ordres du Maître des cieux ! Puis donc que la négligence nous expose à de tels dangers, appliquons-nous avec plus de soin que jamais à comprendre les paroles qui viennent d'être lues, paroles tirées de l'Évangile. Or, quelles sont-elles? Combien est étroite la porte et resserrée la voie qui conduit à la vie, et qu'il en est peu qui la trouvent! et encore Large est la porte et spacieuse la voie qui mène à la perdition, et nombreux sont ceux qui la suivent. (Matth. VII, 14.)

Pour moi qui entends fréquemment ces paroles et qui vois combien les hommes s'empressent à des soins inutiles, la vérité de ces sentences me jette dans la stupéfaction. Tous marchent dans la voie spacieuse, tous courent après les choses présentes sans s'occuper le moins du monde des choses futures; ils se plongent sans cesse dans les jouis. sauces de la chair et pour leurs âmes ils les laissent s'abîmer dans la fange; ils reçoivent chaque jour mille blessures et n'ont même pas le sentiment des maux qui les dévorent : leur corps est-il blessé, ils font en toute hâte chercher le médecin, l'appellent chez eux, lui donnent un salaire aussi grand qu'ils le peuvent, supportent tout avec patience, se soumettent à un difficile (26) meure dans son intégrité. Ne nous lassons donc pas de puiser à cette source intarissable de richesses spirituelles; venons encore aujourd'hui y remplir nos âmes; contemplons la charité du Maître et la patience de l'esclave. Affligé depuis trente-huit ans d'une maladie incurable, tourmenté continuellement, il ne se plaignit pas, il ne fit pas entendre une parole répréhensible, il n'accusa pas Celui qui l'avait ainsi traité, mais il supporta ce malheur avec courage et patience.

Et comment le savez-vous? me dira-t-on; la sainte Ecriture ne nous a rien appris de sa vie antérieure ; elle nous a dit seulement que sa maladie durait depuis trente-huit ans; mais qu'il n'y ait eu chez lui ni plainte, ni emportement, ni colère, elle ne l'a pas ajouté.

C'est cependant ce qu'elle vous montrera avec évidence, si vous voulez lire avec une attention sérieuse et non superficielle et momentanée. En le voyant en présence du Christ qui vient le trouver, qui ne lui est pas connu, qu'il ne croit encore être qu'un homme, en le voyant, dis-je, si réservé dans son langage, n'en pouvez-vous pas conclure quelle a été sa conduite antérieure? Car, à cette question : Voulez-vous être guéri ? il ne répond pas comme on aurait pu s'y attendre Vous me voyez gisant ici paralytique depuis tant d'années; et vous Me demandez si je veux être guéri? Vous êtes donc venu insulter à mes souffrances, vous en moquer et mire de mon malheur? Il ne dit rien de semblable; mais avec une parfaite tranquillité d'âme : Oui, Seigneur, répond-il. Mais si après trente-huit ans il était si calme, si paisible, alors- que toute force d'âme devait être brisée chez lui, figurez-vous quelle devait être sa patience au commencement de sa maladie. Car, tout le monde sait que les malades ne sont pas aussi moroses au début de leurs maladies que lorsqu'il y a déjà longtemps qu'ils souffrent : ils deviennent très-difficiles, lorsque leur maladie traîne en longueur; ils deviennent parfois insupportables. Celui-ci donc qui après tant d'années se montre si calme et répond avec tant de patience, a dû évidemment supporter antérieurement avec reconnaissance ce mal qui lui était envoyé de Dieu.

Stimulés par cet exemple, imitons la patience de notre frère; sa paralysie sera pour nos âmes un principe de force; quel homme sera si indolent, si lâche, qu'à la vue de ce malheur, il ne se sente disposé à supporter avec courage même les choses les plus intolérables? Ce n'est pas son état de santé, c'est sa maladie qui nous est d'une grande utilité; car sa guérison a fait, il est vrai, louer le Seigneur par ceux qui l'ont entendu raconter; mais sa maladie et son infirmité nous sont une leçon de patience, nous provoquent à l'imiter et nous fournissent une nouvelle preuve de la charité de Dieu pour nous. Lui avoir envoyé une maladie et si grave et si longue, c'est déjà une preuve d'amour. L'orfèvre jette l'or dans le creuset et l'y laisse éprouver par le feu, jusqu'à ce qu'il soit devenu plus pur : de même pour les âmes des hommes, Dieu les laisse éprouver par le malheur, jusqu'à ce qu'elles soient devenues pures et brillantes, jusqu'à ce qu'elles aient retiré de cet état de grands avantages : ainsi cette infirmité était un premier bienfait de Dieu.