I. De ceux qui ont apostasié après de nombreux supplices.

 

 

Puisque donc la quatrième Pâque de la persécution est déjà là, il suffira à ceux qui ont été emmenés devant les tribunaux et jetés en prison et ont souffert des supplices atroces et des calamités insupportables et de nombreuses autres peines, mais ont été ensuite trahis par la faiblesse de la chair; bien qu'ils n'aient pas été reçus dés le début à cause de leur grave défaillance qui a suivi, cependant à cause de leur long martyre et de leur longue résistance, - ce n'est point en effet de plein gré qu'ils en arrivèrent là, mais trahis par la faiblesse de la chair, puisqu'ils portent visibles sur leurs corps "les stigmates de Jésus» et certains d'entre eux ont déjà passé trois ans à pleurer amèrement leur défaillance, - il leur suffira d'accomplir a partir du jour de leur présentation, en guise de rappel, autres quarante jours de pénitence, jours où le Seigneur Jésus Christ notre Sauveur a jeûné après son baptême pour être malgré cela tenté ensuite par le diable; ces jours, eux-aussi les passeront dans les exercices d'une pénitence supplémentaire, et avec une vigilance plus vive ils veilleront dorénavant dans la prière, méditant la parole du Seigneur au tentateur, qui voulait L'inciter à l'adorer : "Va-t-en, Satan, car il est écrit : tu adoreras le Seigneur ton Dieu et ne rendras de culte qu'à Lui seul».

 

II. De ceux qui apostasièrent après le seul emprisonnement.

Quant à ceux qui après avoir été seulement jetés en prison et avoir souffert les peines et les odeurs fétides dans la prison comme s'ils y étaient assiégés, ont été ensuite faits captifs, sans le combat des supplices, opprimés par manque de force et une sorte d'aveuglement, il suffira une année de pénitence en plus du temps déjà accompli; car eux-aussi se sont donnés corps et âme pour souffrir pour le nom de chrétien; il est vrai qu'ils ont joui de l'abondante consolation, que les frères leur ont apportée dans leur prison et qu'ils rendront au multiple, puisqu'ils désirent être délivrés de la captivité très amère du diable, se souvenant de celui qui a dit : "L'esprit du Seigneur est avec moi; c'est pourquoi Il m'a oint, Il m'a envoyé pour annoncer la bonne nouvelle aux pauvres, publier la liberté accordée aux captifs et le recouvrement de la vue aux aveugles, pour renvoyer libres ceux qui sont opprimés, proclamer l'année agréée par le Seigneur et le jour de la rétribution».

 

III. De ceux qui n'ont même pas été jetés en prison.

A ceux qui n'ont rien souffert de semblable, ni n'ont montré aucun fruit de leur foi, mais ont déserté dans le camp du mal, trahis par la peur et la crainte, et reviennent maintenant à des sentiments de repentir, il est nécessaire et adapté à leur cas, de leur citer la parabole du figuier stérile, comme le Seigneur l'a proposée : "Un homme avait un figuier planté dans sa vigne; il alla y chercher du fruit et n'en trouva point. Alors il dit au vigneron : Voilà trois ans que je viens chercher du fruit à ce figuier et je n'en trouve pas. Coupe-le; pourquoi occupe-t-il la terre inutilement ? Le vigneron lui répondit : Seigneur laisse-le encore cette année; je creuserai tout autour et j'y mettrai du fumier. Peur-être qu'à l'avenir il portera du fruit; sinon, tu le feras couper». Tenant cette parabole devant les yeux, et montrant le fruit du repentir dans le laps de ce long temps, ils en retireront plus de profit.

 

IV. De ceux qui ne se repentent pas.

A ceux dont le cas est désespéré et qui ne se repentent point, qui ont la peau plus noire qu'un nègre et des taches de léopard, on dira ce qui fut dit à l'autre figuier : "Que jamais plus il ne naisse de toi aucun fruit, et aussitôt l'arbre sécha». Il s'accomplit donc en eux ce que dit l'Ecclésiaste : "Ce qui est courbé ne peut être orné, et ce qui manque ne peut être mesuré; car avant d'avoir redressé ce qui fut courbé on ne saurait l'orner, et avant d'avoir complété ce qui manque on ne saurait le mesurer». C'est pourquoi il leur arrivera enfin ce qui fut dit par le prophète Isaïe : "On verra, dit-il, les membres des hommes qui se sont révoltés contre moi; car leur ver ne mourra point, leur feu ne s'éteindra point, et ils seront pour toute créature un cauchemar». Car, comme il avait dit un peu auparavant : "Les méchants seront agités et ils ne pourront trouver de repos; il n'y a point de joie pour les impies, dit mon Dieu».

 

V. De ceux qui ont usé de subterfuge.

A ceux qui ont usé de subterfuge à l'exemple de David qui avait feint l'épilepsie, afin de ne pas être tué, sans être épileptique; qui n'ont pas simplement souscrit à l'apostasie, mais ont déjoué dans leur grande détresse les complots des ennemis comme des enfants prudents au milieu d'enfants insensés, soit qu'ils aient simplement passé devant les autels païens, soit qu'ils aient fait le geste de sacrifier, soit qu'ils se soient fait remplacer par des païens; bien que certains confesseurs de la foi aient pardonné à certains d'entre eux, comme je l'ai entendu dire, d'autant plus que poussés par une grande piété ils ont échappé au danger du feu et des exhalaisons des démons impurs; néanmoins, vu qu'à leur insu ils ont agi ainsi par ignorance, on leur imposera pour leur retour six mois de pénitence; ils en retireront du profit pour eux-mêmes, en méditant la parole du prophète et en disant : "Un enfant nous est né, un fils nous a été donné, l'empire a été posé sur son épaule et on l'appellera l'ange du grand conseil».

Celui-ci, vous le savez bien, au sixième mois de la conception de l'autre enfant, qui a proclamé avant son entrée dans la vie publique la pénitence pour la rémission des péchés, fut lui-aussi conçu pour prêcher la pénitence; or, nous les entendons tous les deux prêcher dés le début non seulement sur la pénitence, mais aussi sur le royaume des cieux, qui "est au-dedans de nous», comme nous l'avons appris, puisque "la parole de notre foi est toute proche de notre propre bouche et de notre propre coeur».

Rappelant à leur esprit ce royaume des cieux, ils s'habitueront à "confesser de la bouche que Jésus est le Seigneur, croyant dans leur coeur que Dieu L'a ressuscité d'entre les morts; car ils entendent la parole sacrée dire que "l'on croit de coeur pour être justifié et l'on confesse de la bouche pour obtenir le salut».

 

VI. Des esclaves qui ont été forcés par leurs maîtres à sacrifier à leur place.

Quant à ceux qui ont substitué à leur place des esclaves chrétiens :

les esclaves, captifs en quelque sorte et prisonniers de leurs maîtres et menacés par eux et par suite de la crainte placés devant l'épreuve et tombés, accompliront les oeuvres de pénitence pendant un an; ils apprendront à "accomplir en esclaves du Christ la Volonté de Dieu» et à Le craindre, entendant surtout la parole qui dit que "chacun, soit esclave soit libre, recevra du Seigneur selon le bien qu'il aura fait».

 

VII. De celles qui ont contraint leurs esclaves de sacrifier pour elles.

Tandis que les hommes libres seront soumis à la pénitence pendant trois ans, parce qu'ils ont usé de subterfuge et parce qu'ils ont forcé "leurs compagnons dans le service de Dieu» à sacrifier, désobéissant par là à l'apôtre qui veut voir les maîtres agir de la même façon envers les esclaves, s'abstenant de menaces, "sachant, dit-il que nous avons, nous et eux, le même maître dans les cieux et qu'il n'y a point d'acception de personnes devant lui».

Si donc nous avons le même maître impartial, puisque "le Christ est tout et en tous, barbares et scythes, esclaves et hommes libres», ils doivent considérer ce qu'ils ont fait, en voulant sauver leur propre âme, eux qui poussèrent vers l'idolâtrie nos propres compagnons dans le service de Dieu, alors qu'eux-aussi pouvaient y échapper, si "on leur avait accordé ce qui leur revenait et l'égalité de traitement», comme le dit encore l'apôtre.

 

VIII. De ceux qui ont été livrés et ont failli, puis se sont présentés et ont repris le combat.

Quant à ceux qui ont été livrés et ont failli, puis d'eux-mêmes se sont présentés au combat en confessant qu'ils sont chrétiens, et ont été jetés en prison et soumis aux tortures, il est normal que le coeur tressaillant de joie nous les encouragions et les fassions participer à nos prières et à la communion du corps et du sang et à la consolation de nos visites, afin qu'avec encore plus d'élan ils combattent et se rendent eux-aussi dignes "de la couronne promise là-haut», Car "sept fois, dit l'Écriture, le juste tombera et se relèvera», Si tous ceux qui ont failli avaient agi de la sorte, ils auraient montré par là le repentir le plus parfait, provenant du fond de leur coeur.

IX. De ceux qui d'eux-mêmes se sont jetés dans le combat.

Avec ceux-là aussi, qui comme des somnambules se sont jetés sans réflexion dans le combat qui s'enflait et allait les entraîner en haute mer, et par là se sont attiré pour eux-mêmes l'épreuve de la tempête et de la grande houle, bien plus "ont allumé contre leurs frères les charbons du pécheur», il faut communier, puisque c'est au Nom du Christ qu'ils y sont entrés; bien qu'ils n'aient pas écouté ses paroles, lorsqu'il nous enseigne "de prier afin de ne pas entrer en tentation», et il dit encore dans la prière au Père : "ne nous laissez pas entrer en tentation mais délivrez-nous du malin».

Ils ignorent peut-être aussi les retraites si fréquentes du maître de maison et notre propre Maître devant ceux qui voulaient lui dresser des embûches, et parfois même "Il ne se présentait pas en public à cause d'eux»; et qu'à l'approche du temps de la passion Il ne S'est pas livré, Lui-même, mais Il attendit qu'on vînt à Lui avec des épées et des bâtons : "Il leur dit donc : comme si J'étais un brigand, vous êtes sortis avec des épées et des bâtons pour M'arrêter " et eux "Le livrèrent à Pilate». C'est à son exemple que se conformèrent ceux qui marchent selon ses intentions, se souvenant de ses divines paroles, par lesquelles Il nous exhorte dans nos persécutions et dit : "Tenez-vous sur vos gardes, car ils vous livreront aux tribunaux et vous battront de verges dans leur synagogues». Or, Il dit "ils vous livreront» et non pas : vous vous livrerez vous-mêmes; "vous serez traînés, dit-Il devant les gouverneurs et devant les rois pour mon Nom ", et non point, vous vous traînerez vous-mêmes.

Puisqu'Il veut même que nous fuyions d'un lieu à l'autre, lorsque nous sommes persécutés pour son Nom, comme nous l'entendons dire :

"Et lorsqu'on vous persécutera dans cette ville-ci, fuyez dans l'autre»; Il ne veut pas, en effet, que nous nous rendions volontairement dans le camp du diable et de ses satellites, afin de ne pas les rendre responsables d'un plus grand nombre de morts, en les forçant pour ainsi dire à s'endurcir encore plus dans le mal et opérer les oeuvres de mort : mais les laisser venir et se tenir sur ses gardes, veiller et prier afin de pas entrer en tentation. C'est ainsi qu'Etienne, marchant le premier sur ses traces, subit le martyre, saisi à Jérusalem par les gens iniques et emmené devant le sanhédrin, lapidé au Nom de Jésus, il fut glorifié pendant qu'il priait et disait : "Seigneur, ne leur imputez pas ce péché». C'est ainsi que Jacques, second après lui, arrêté par Hérode, eut la tête tranchée par l'épée. C'est ainsi que Pierre le chef des apôtres, arrêté et emprisonné et indignement traité, fut enfin crucifié à Rome. De la même manière aussi le fameux Paul, livré plus d'une fois et exposé au danger de mort, qui soutint de nombreuses luttes et se vanta de ses nombreuses persécutions et afflictions, eut la tête tranchée dans la même ville, lui-aussi; or celui-ci, énumérant ses raisons de se glorifier dit en propres termes, qu'à Damas on le descendit pendant la nuit dans une corbeille le long de la muraille et qu'il échappa ainsi des mains de celui qui voulait s'emparer de lui.

En effet ce qu'ils se proposaient en tout premier lieu c'était de porter la bonne nouvelle et d'enseigner la parole de Dieu, et exhortant les frères à "persévérer dans la foi» ils leur disaient entre autres que "c'est par beaucoup d'afflictions qu'il nous faut entrer dans le royaume de Dieu»; et ce faisant ils cherchaient "non leur propre avantage, mais celui du grand nombre, afin que beaucoup d'hommes soient sauvés». Certes, on pourrait leur en dire encore beaucoup pour les amener à agir selon la raison, "si le temps ne nous manquait pas d'en parler», comme dit l'apôtre.

X. Des clercs.

C'est pourquoi il n'est pas raisonnable que ceux du clergé, qui se sont livrés volontairement, ont faillir puis repris le combat, restent désormais en fonction, vu qu'ils ont abandonné le troupeau du Seigneur et se sont fait blâmer, ce qu'aucun apôtre n'avait fait; car celui qui a vidé le calice de nombreuses persécutions et remporta de nombreuses couronnes dans les combats, le bienheureux apôtre Paul, bien qu'il sût "qu'il est de beaucoup préférable de s'en aller pour être avec le Christ ", conclut en disant : "Mais il est plus nécessaire, à cause de vous, que je demeure dans ce corps»; "considérant en effet non son propre avantage, mais celui du grand nombre, afin qu'ils soient sauvés», il a estimé plus nécessaire que son repos de rester avec les frères et de prendre soin d'eux; or il veut précisément "que celui qui enseigne soit dans sa fonction d'enseignement un modèle pour les fidèles».

Par conséquent ceux qui dans la prison prétendent à l'exercice de leur fonction de clerc, parce qu'après leur chute ils ont repris le combat, n'ont point de sens : comment réclament-ils ce qu'ils ont abandonné, alors qu'ils auraient pu être utiles aux frères en un temps pareil ? Tant qu'ils n'avaient pas failli, ils avaient une excuse pour leur action déraisonnable; mais une fois tombés, donnant l'impression qu'ils avaient agi par vanité, et s'étant fait blâmer, ils ne sauraient exercer désormais leurs fonctions.

Qu'ils recherchent donc plutôt à se conduire en toute humilité, renonçant à toute pensée de vanité; en effet la communion faite avec attention et pureté de conscience leur procurera le double effet : ne pas sembler s'en affliger, puisqu'ils cherchent de toute force à quitter les choses d'ici-bas, et ne pas fournir à d'autres, qui ont failli, le prétexte d'être abattus à cause de la pénitence imposée. Car ils se sont, plus que tout autre, couverts de honte et de raillerie, étant semblables à celui qui a mis les fondations et n'a pu achever la bâtisse : "car tous les passants, dit-il, se mettront à le railler, en disant : cet homme a mis les fondations de sa bâtisse, mais ne l'a pu achever».

 

XI. De ceux qui se sont livrés eux-mêmes et n'ont apostasié qu'à la suite de nombreuses tortures.

Car, ceux qui les premiers se sont lancés dans le bouillonnement de la persécution, alors que présents au tribunal ils contemplaient les saints martyrs se hâter "vers la récompense de l'appel d'en haut ", poussés eux aussi par une émulation de bon aloi, ils se livrèrent eux-mêmes à ce martyre, témoignant par là d'un grand courage; surtout parce que, voyant défaillir ceux qui étaient traînés au supplice, eux, enflammés intérieurement et exhortés par une voix intérieure à combattre l'ennemi qui s'en enorgueillissait, ils se hâtèrent d'agir ainsi, "afin qu'il ne se croie pas sage» pour avoir vaincu par ruse, alors qu'il oubliait d'avoir été vaincu par ceux qui supportaient les tortures des peignes de fer et des fouets et la pointe de l'épée et les brûlures du feu et les immersions dans l'eau.

Et aux fidèles, qui nous demandent d'adresser à Dieu des prières et des supplications, il est juste de le leur accorder, tant pour ceux qui, dans la prison, ont été durement châtiés et ont défailli devant la faim et la soif, que pour ceux qui hors de la prison ont subi jusqu'au bout la torture des peignes de fer et des fouets, puis ont été vaincus par la faiblesse de la chair. En effet, il ne nuit aucunement à personne de compatir et de nous affliger avec ceux qui pleurent et gémissent sur la défaite au combat de leurs parents, leurs frères ou leurs enfants, sous la violente attaque du diable aux ruses malignes; car, nous savons que la foi d'autrui a procuré à certains les effets de la Bonté divine pour la rémission de leurs péchés, la santé du corps et la résurrection d'entre les morts.

Nous souvenant donc des nombreuses peines qu'ils avaient supportées auparavant au Nom du Christ et de leurs tribulations, vu que d'autre part ils regrettent et déplorent ce qu'ils ont commis en trahissant, par suite du manque de vigueur de leur corps réduit à l'état de cadavre; et de plus, parce qu'ils témoignent d'une vie irréprochable, nous nous unissons par la prière à leur parenté et nous demandons avec elle, que Dieu leur soit propice, par l'intercession de celui qui devint notre avocat auprès du Père, s'offrant en propitiation pour nos péchés : "Et si quelqu'un, dit-il, commit un péché, nous avons un avocat auprès du Père, Jésus Christ le Juste, et Il est, Lui, la propitiation pour nos péchés».

 

XII. De ceux qui ont donné de l'argent.

Quant à ceux qui ont donné de l'argent pour éviter les ennuis de toute sorte de mal, on ne peut leur en faire un grief; ils souffrirent en effet un dommage et une perte d'argent, pour ne pas endommager ou perdre leur âme; ce que d'autres n'ont pas fait, par mauvais attachement aux richesses, alors que le Seigneur dit : "A quoi sert à l'homme, de gagner le monde entier, s'il vient à endommager ou à perdre son âme ?" Et : "Vous ne pouvez servir Dieu et mammon».

Ils ont montré, en effet, plus que les autres, qu'ils servent Dieu, qu'ils ont haï et méprisé l'argent et accomplirent en cela aussi la parole de l'Écriture : "La rançon pour l'âme d'un homme, c'est sa propre richesse». Car nous lisons aussi dans les actes des apôtres que les hommes traînés à Thessalonique devant les magistrats à la place de Paul et de Silas, furent laissés libres après d'abondants cadeaux; car après les avoir bien accablés à cause du Nom de Jésus, et troublé le peuple et les magistrats, "ceux-ci, dit-il, se sont fait donner une forte caution par Jason et les autres et les relâchèrent; et aussitôt tes frères firent partir de nuit Paul et Silas pour Bérrée».

 

XIII. De ceux qui ont fui.

Pour cette raison on ne saurait faire de reproches à ceux qui ont tôt abandonné pour sauver leur âme et s'enfuirent, si d'autres ont été arrêtés à cause d'eux; car à Ephèse aussi, au lieu de Paul on traîna au théâtre Gaîus et Aristarque, les compagnons de voyage de Paul; comme celui-ci voulait se présenter, au peuple, puisqu'à cause de lui précisément la sédition avait eu lieu, "parce qu'il avait persuadé et entraîné une foule de personnes à la vraie foi, les disciples, dit l'Écriture, ne le lui permirent pas; et même des magistrats de la province d'Asie, de ses amis, le firent prier de ne pas se rendre au théâtre».

Et si certains persistent à s'indigner contre ceux qui avec toute la sincérité de leur âme obéissent à l'Écriture, qui dit "Enfuis-toi pour sauver ta vie, ne regarde pas derrière toi», qu'on leurs rappelle le récit concernant Pierre le chef des apôtres, mis déjà en prison et confié à la garde de quatre escouades de quatre soldats; qui s'enfuit pendant la nuit et fut délivré des mains d'Hérode le tueur et de toute l'attente du peuple juif, sur l'ordre de l'ange du Seigneur : "Quand il fit jour, dit l'Écriture, il y eut une grande agitation parmi les soldats, ne sachant ce que Pierre était devenu; Hérode le fit rechercher et n'ayant pu le trouver, procéda à l'interrogatoire des gardes et ordonna de les mener au supplice»; or aucune accusation n'est portée contre Pierre à cause d'eux, car il leur était loisible, à eux-aussi, de s'enfuir à la vue de l'évènement.

De la même manière aussi auraient pu être sauvés tous les enfants de Bethléem et de ses environs, qui ont été tués par Hérode l'impie meurtrier à cause de l'unique enfant qu'il cherchait à faire périr; or, sur l'ordre du Seigneur encore celui-ci s'échappe, commençant dès lors à hâter le pillage et à être prompt au butin selon le nom que lui attribua le prophète, comme il est écrit : "Donne-lui pour nom : hâte-le-pillage, sois-prompt au butin; car avant que l'enfant sache crier : père, ou mère, il recevra la puissance de Damas et les dépouilles de Samarie à la face du roi d'Assyrie». C'est pourquoi les mages, en hommes déjà pillés et dépouillés, offrent à l'enfant leur adoration pleine de soumission et de vénération, en ouvrant leurs trésors et lui présentant de l'or, de l'encens et de la myrrhe, dons très opportuns et très convenables pour celui qui est roi et Dieu et homme; de là, la divine Providence aidant, ils ne voulurent plus retourner auprès du "roi d'Assyrie "; car "ayant été avertis, dit l'Écriture, par un songe, de ne pas retourner auprès d'Hérode, ils regagnèrent leur pays par un autre chemin». Alors le sanguinaire Hérode, "voyant qu'il avait été joué par les mages, fut fort en colère; et il envoya tuer tous les enfants de Bethléem et de ses environs, depuis l'âge de deux ans et au-dessous, d'après la date exacte que les mages lui avaient fait connaître». Avec eux il chercha à faire aussi périr l'autre enfant, né avant l'enfant en question, et ne l'ayant pas trouvé, il fit tuer Zacharie son père "entre le sanctuaire et l'autel», car l'enfant s'était échappé avec sa mère Elisabeth, ce dont ils n'encoururent aucun reproche.

 

XIV. De ceux qui furent forcés de sacrifier.

S'il y en a qui ont souffert grande violence et contrainte, qui ont reçu un mors dans la bouche et des chaînes et cependant persévérèrent fermement dans les dispositions de la foi et eurent les mains brûlées, alors qu'on les approchait malgré eux du sacrifice impie, comme me l'apprirent par écrit les bienheureux martyrs et d'autres frères dans le sacerdoce à propos des martyrs de Libye, ceux-là, surtout si les autres frères aussi en portent le témoignage, peuvent rester en fonction, prenant place parmi les confesseurs; il en sera de même de ceux qui réduits à l'état de cadavre par suite des nombreuses tortures furent incapables de parler ou de faire entendre un son ou de remuer, pour montrer leur résistance à ceux qui cherchaient vainement à leur faire violence, car ils ne consentirent point à leur abomination, comme je l'ai entendu précisément dire encore à des frères dans le sacerdoce.

Parmi les confesseurs prendra aussi place n'importe qui se conduit à l'exemple de Timothée, obéissant lui aussi à celui qui dit : "Recherche la justice, la piété, la foi, l'amour, la patience, la douceur; combats le bon combat de la foi; saisis la vie éternelle à laquelle tu as été appelé et en vue de laquelle tu as fait cette belle confession de foi en présence de plusieurs témoins».

DU MEME EXTRAIT DU SERMON SUR LA PAQUE

XV. Du jeûne du mercredi et du vendredi.

On ne saurait nous reprocher d'observer les mercredi et vendredi, jours auxquels la tradition nous prescrit avec raison de jeûner : le mercredi a cause du conseil, tenu par des Juifs en vue de la trahison du Seigneur, le vendredi, à cause de sa passion pour nous. Car, le dimanche nous fêtons un jour de joie à cause de celui qui ressuscita ce jour-là, pendant lequel nous ne plions pas non plus les genoux, selon la tradition recue.