QUESTION PREMIÈRE. — « Ta prière a été exaucée. » —

 

Zacharie priant pour le peuple entend un Ange lui dire : « Ta prière a été exaucée : voilà qu'Élisabeth ton épouse concevra, « et enfantera un fils ; et tu appelleras ce fils du nom de Jean. n Zacharie offrait le sacrifice pour les péchés, le salut et la rédemption du peuple : puisque le peuple attendait qu'il eût achevé l'oblation. Or il n'est pas vraisemblable qu'il aurait interrompu la prière publique pour demander à Dieu des enfants, lui vieillard dont l'épouse était fort âgée. On ne demande pas d'ailleurs ce qu'on n'espère aucunement obtenir, et Zacharie avait tellement perdu toute espérance d'avoir jamais des enfants, qu'il ne crut point à la promesse de l'ange lui annonçant un fils. Cette parole: « Ta prière a été exaucée, » se rapporte donc à la prière qu'il faisait pour le peuple. Comme le salut, la rédemption du peuple et l'abolition des péchés devaient s'accomplir par le Christ; on annonça à Zacharie la naissance d'un Fils dont la destinée serait d'être le Précurseur du Christ. Zacharie ne crut point à la parole de l'Ange et l'Ange ajouta : « Et voilà que tu seras muet jusqu'à ce que ces choses s'accomplissent dans leur temps. » Ceci est la figure de l'état des prophéties qui furent comme muettes jusqu'à la venue de Jean ; ne pouvant alors être comprises. Ce ne fut qu'après leur accomplissement en Notre-Seigneur que leur sens fut découvert.

II. — Jésus enseignant sur la barque. » —

 

Jésus enseigne du milieu d'une barque les multitudes : c'est une figure du temps présent, où ce même Jésus enseigne les nations par l'autorité de l'Église. « Montant dans une barque qui était à Pierre, il prie celui-ci de s'éloigner un peu de terre. » Cela peut signifier qu'il faut user de discrétion en prêchant à la foule, qu'il ne faut ni la porter aux choses de la terre, ni l'en éloigner entièrement pour la jeter dans les profondeurs des mystères, dans lesquelles son intelligence ne puisse pénétrer. Cela peut signifier aussi que la prédication du salut doit se faire entendre d'abord aux Gentils des contrées voisines, et ce qui est dit ensuite à Pierre : « Avance en pleine mer, et jette tes filets pour la pêche, » désigne les nations plus éloignées qui reçurent plus tard la bonne nouvelle, selon cet oracle d'Isaïe : « Levez l'étendard au milieu des nations, vers celles qui sont près, et vers celles qui sont éloignées. » Les filets qui se rompent à cause de l'abondance des poissons, les barques remplies et sur le point d'être submergées, représentent la multitude des hommes charnels qui entreront un jour dans l'Église, multitude immense, même après la rupture de l'unité, et l'expulsion des hérétiques et des schismatiques. C'est pourquoi l'Eglise humiliée d'une si grande perte de la foi et des bonnes mœurs, semble dire à Jésus. « Éloignez-vous de moi car je suis un homme pécheur. »

Remplie de cette foule que tyrannisent les désirs de la chair, presque submergée par le débordement des vices, elle repousse en quelque sorte, la direction des 'hommes spirituels qui sont la vive expression du Christ. Ce n'est point à la vérité par des paroles que les hommes déréglés supplient de s'éloigner d'eux les dignes ministres de Dieu; mais leur vie et leurs oeuvres font entendre une voix qui les pressé de s'éloigner, et de fuir la direction de ce peuple, tette voix est d'autant plus puissante que fon prodigue des honneurs à ceux que l'on repousse par une conduite criminelle. Pierre tombant aux pieds du Seigneur nous représente ces hommages, et quand il dit: « Retirez-vous de moi, Seigneur, car je suis un homme pécheur, » c'est la figure de cette vie de licence. Jésus ne fait point ce que Pierre demande; il ne se retire pas, mais faisant avancer les barques il amène les disciples au rivage. Cette conduite nous apprend que les hommes justes et spirituels ne doivent point se laisser aller à l'abattement à la vue des péchés des peuples, ni renoncer au ministère ecclésiastique pour mener une vie plus sûre et plus tranquille. « Les barques étant à bord, » Pierre, Jacques, et Jean, « quittant tout, le suivirent. » On peut voir ici la figure de ce qui arrivera à la fin des siècles, quand ceux qui s'attacheront à Jésus-Christ se retireront entièrement de la mer de ce monde.

III. — Va, montre-toi au prêtre. » —

 

Le Seigneur dit au lépreux qu'il a guéri : « Va, montre-toi au prêtre, et fais ton offrande pour ta guérison, comme Moïse l'a ordonné, afin que cela leur serve de témoignage. n Ces paroles paraissent une approbation du sacrifice mosaïque, rejeté néanmoins par l'Eglise. Mais il faut comprendre que lorsque Jésus donna cet ordre, le sacrifice du saint des saints, c'est-à-dire le sacrifice de son corps n'avait pas encore commencé. Le Seigneur n'avait point encore offert son holocauste dans sa passion. Quand ce sacrifice fut établi parmi les peuples conquis à la foi, le Temple même, où les anciens sacrifices étaient offerts, fut renversé. Ce fut l'accomplissement de la prophétie de Danie. Mais ces sacrifices figuratifs ne devaient point être abolis jusqu'à ce que le sacrifice dont ils étaient la figure, fût établi et confirmé par le témoignage de la prédication des Apôtres, et la foi des peuples convertis.

IV. — Paralytique descendu par la toiture. —

 

Dans ce paralytique on peut voir la figure d'une âme paralysée, c'est-à-dire impuissante pour opérer le bien. Elle cherche le Christ, la volonté du Verbe de Dieu; mais la foule lui fait obstacle : il faut qu'elle découvre le toit, les mystères cachés des Ecritures, afin de parvenir ainsi à la connaissance du Christ: en d'autres terme s’il faut que par une foi pieuse elle descende jusqu'aux abaissements de Jésus. Ceux qui déposent le paralytique représentent les docteurs qui enseignent le bien dans l'Eglise. Lé paralytique est déposé sur son lit aux pieds du Seigneur, afin que nous entendions, que l'homme encore vivant ici-bas dans la chair doit connaître le Christ. Le paralytique après sa guérison reçoit l'ordre d'emporter son lit et d'aller dans sa maison. La rémission des péchés, voilà la guérison de l'âme qui recouvre ses forces et ranime ses espérances; cette âme ne devra plus à l'avenir se reposer comme sur un lit d'infirmité dans les joies de la chair, mais réprimer toutes ses convoitises déréglées, et tendre vers le repos mystérieux de son coeur.

V. — Comment Joseph put-il avoir deux pères. —

 

Cette question n'est point absurde. Saint Matthieu dit que Joseph fut engendré par Jacob, et saint Luc dit qu'il est fils d'Héli. On ne peut résoudre cette difficulté en disant que le même personnage portait deux noms, comme c'était l'usage quelquefois chez les Gentils et chez les Juifs. La série des autres générations est une réfutation péremptoire de ce genre de solution. Car comment expliquer pourquoi les noms de l'aïeul, du bisaïeul, du trisaïeul, et des autres ancêtres sont différents dans les deux Evangélistes ? Comment expliquer la différence dans le nombre des générations? Saint Luc en compte quarante-trois, remontant de Notre-Seigneur à David. Saint Matthieu, descendant de David à Notre-Seigneur, en compte vingt-sept ou vingt-huit; et, pour une raison mystérieuse, le nom qui termine la série des générations qui viennent aboutir à la captivité de Babylone, se trouve répété comme le premier de celles qui commencent au retour de la captivité. La question de savoir en quel sens Joseph put avoir deux pères, n'est donc pas résolue. Je vois trois hypothèses parmi lesquelles il peut s'en trouver une qui se rapporte à la pensée de l'Evangéliste. Ou bien Joseph eut un père adoptif outre son père selon la nature;-ou bien en vertu de la coutume d'après laquelle chez les Juifs lorsqu'un homme était mort sans enfants, son plue proche parent épousait sa veuve et faisait remonter au défunt tous les droits de la paternité à l'égard du fils issu de ce mariage; Joseph appartenait à un autre qu'à celui dont il avait reçu la vie, et reconnaissait ainsi véritablement une double paternité ; ou bien l'un des Évangélistes a désigné le père qui donna le jour, et l'autre a désigné un aïeul maternel, ou quelqu'un des ancêtres dont Joseph, à cause des liens de parenté, pouvait être appelé le Fils, sans aucune invraisemblance. Dans cette hypothèse la généalogie de saint Luc jusqu'à David serait différente de la généalogie de saint Matthieu. — La seconde de ces explications parait moins solide, car lorsqu'un homme chez les Juifs avait eu un enfant de la veuve de son frère ou d'un proche parent, le nom de l'époux défunt était donné à cet enfant. La difficulté sera donc résolue par l'hypothèse de l'adoption, ou bien en admettant que l'une des généalogies suppute les ancêtres collatéraux, ou d'une toute autre manière qui échappe à notre pensée. Mais quelle folie et quelle extrémité d'accuser un Evangéliste de mensonge, au lieu de chercher une explication à cette différence dans le nom des ancêtres dit Christ? Ce serait une témérité déjà, de prétendre qu'il n'y ait que deux solutions possibles. Une seule pourtant suffit pour faire évanouir toute difficulté,.

VI. — Des soixante-dix-sept générations. —

 

On peut demander quelle est la signification de ce nombre de soixante-dix-sept générations marqué dans la généalogie de saint Luc. Notre-Seigneur mentionne le même nombre quand il est interrogé par Pierre touchant la remise des offenses que l'on a reçues du prochain. Il répond qu'il faut pardonner, non pas seulement sept fois, mais soixante-dix sept fois. » On croit avec raison que par l'expression de ce nombre il ordonne la remise de toutes les offenses; d'autant plus que c'est dans la soixante-dix-septième génération, au témoignage de l'Evangéliste, que lui-même, par qui tous les péchés ont été remis, a daigné venir aux hommes sous la forme humaine. Comme on connaît par saint Matthieu l'autre ligne généalogique, c'est avec beaucoup de convenance et d'à propos que saint Luc, remontant du baptême du Seigneur à l'origine des choses, compte soixante-dix-sept ancêtres. Ce dénombrement mystérieux, cette énumération ascendante exprime notre retour, mire ascension vers Dieu avec qui nous sommes réconciliés, après l'abolition du péché. Figurée parle nombre soixante-dix-sept, la rémission universelle des péchés s'accomplit dans le baptême.

Dans le baptême du Seigneur, sans doute, le Seigneur ne reçoit pas lui-même la rémission des péchés ; mais son baptême et le nombre de soixante-dix-sept générations expriment comme une marque sacrée, un sceau inviolable, le pardon de toutes les iniquités accordé aux hommes eux-mêmes par la miséricorde et la puissance divines.

Ce n'est point vainement et sans raison que le Seigneur est venu pour anéantir tous les péchés à la soixante-dix-septième génération: ce nombre renferme quelque signification mystérieuse exprimant l'universalité des péchés. Cette signification résulte du rapport du nombre onze et du nombre sept. Ces deux nombres multipliés l'un par l'autre produisent le nombre mystérieux soixante-dix-sept : onze fois sept ou sept fois onze font soixante-dix-sept.Le nombre onze est la transgression de la dizaine. La dizaine marque la perfection de la béatitude, c'est pour cela que les ouvriers de la vigne reçoivent tous pour récompense un denier; ce qui a lieu lorsque la créature dont le nombre est sept se trouve réunie au Créateur qui est Trinité. La transgression de la dizaine signifie donc manifestement le péché par lequel on perd l'intégrité et la perfection en convoitant par orgueil quelque chose au-delà. Ce nombre onze est répété sept fois, afin d'exprimer que la transgression est le fruit du mouvement de l'action humaine . Voici comment : le nombre trois désigne la partie immatérielle de l'homme ; il nous est ordonné d'aimer Dieu de tout notre cœur, de toute notre âme et de tout notre esprit : le nombre quatre désigne le corps ; ce nombre est écrit de mille manières dans la nature corporelle . L'homme étant composé d'un corps et d'une âme unis ensemble, il n'est donc point absurde de le désigner parle nombre sept. Quant au mouvement, à l'action, les nombres ne l'expriment pas quand on calcule en disant : un, deux, trois, quatre, etc, mais quand on, dit: une fois, deux. fois, trois fois, quatre fois, etc. C'est pourquoi ce n'est point l'addition des nombres sept et onze, mais la multiplication de onze par sept qui marque la transgression accomplie par l'action de l'homme pécheur. Le péché consiste à sortir des bornes de la perfection parle désir d'acquérir quelque chose de plus. Aussi le prophète aurait pu dire à l'âme pécheresse: Tu espérais en te séparant de moi obtenir davantage ? Ce vice de la superbe enfante tous les péchés en foule. Mais la rémission en est garantie quand nous sommes avertis qu'il faut pardonner soixante-dix-sept fois. » Jésus veut nous faire comprendre qu'il n'est aucun péché dont l'Eglise représentée ici par Pierre, n'accorde le pardon au coupable qui se repent et implore sa grâce.

VII. — Main droite desséché. —

 

Sur cette parole de Notre-Seigneur aux Juifs, à propos d'un homme dont la main droite était desséché : « Je vous ferai cette question : Est-il permis le jour du sabbat de faire bien ou mal, de sauver une âme où de la perdre ? » on demande pourquoi lorsqu'il s'agit d'une guérison corporelle, parler de « sauver une âme ou de la perdre ? » On répond : ou bien Jésus opérait les miracles dont il est question pour inspirer la foi qui est. la source du salut pour l'âme, ou bien la guérison même de la main droite symbolisait la guérison spirituelle: la main droite desséchée est une image expressive d'une âne qui a cessé d'opérer les bonnes oeuvres ; ou bien l'âme désigne ici l'homme tout entier, comme quand on dit : il y avait là tant d'âmes.

VIII. — Mesure bonne, pressée, entassée et comble. —

 

Donnez et on vous donnera : on versera dans votre sein une mesure bonne, pressée, « entassée, et qui se répandra pardessus. » Cette parole du Seigneur peut être entendue dans le même sens que cette autre qu'il a dite ailleurs Afin qu'ils vous reçoivent dans les tabernacles éternels. « Ces mots : « Donnez et on vous donnera » paraissent exprimer un commandement qui s'adresse au peuple. C'est dans le même sens que l'Apôtre dit : « Que celui qui est catéchisé par la parole, fasse part de tous ses biens à celui qui le catéchise. » Jésus disant : « Ils verseront dans votre sein, » ne veut pas exprimer autre chose en effet, sinon que ses disciples mériteront de recevoir la céleste récompense par les mérites des pauvres auxquels ils auront donné en son nom, ne fût-ce qu'un verre d'eau froide.

IX. — Jésus dit: « Un aveugle peut-il conduire un aveugle? » —

 

Quand Notre-Seigneur dit Un aveugle peut-il conduire un aveugle ? Ne tombent-ils pas tous deux dans la fosse ? » peut-être ajoute-t-il ces mots afin que le peuple ne compte point recevoir des Lévites auxquels il paie les dîmes, cette mesure dont il a été dit Ils verseront dans votre sein » etc. Comme ces Lévites n'acceptaient point l'Evangile, il les appelle des aveugles, insinuant ainsi que c'était de ses disciples que le peuple devait désormais attendre ,cette récompense. Pour montrer que ceux-ci seront ses imitateurs, il ajoute: « Le disciple n'est pas au-dessus du Maître. »

X. — Bâtir sur la pierre. —

 

Le Seigneur dit : « Quiconque vient à moi, et écoute mes discours, et les exécute, je vous montrerai à qui il est semblable. Il est semblable à un homme bâtissant une maison,lequel a creusé profondément, et posé le fondement sur la pierre. » Creuser, c'est ôter de son coeur par l'humilité chrétienne tout amour des choses terrestres, ne se proposer comme prix du service de Dieu aucun avantage temporel. Creuser profondément jusqu'au roc, c'est s'attacher au Christ sans intérêt, le servir gratuitement, c'est ne chercher la récompense du culte rendu à Dieu ni dans les superfluités de la vie présente, ni même dans les choses indispensables qu'un homme juste peut avoir et conserver légitimement ; car elles sont terrestres, temporelles.

XI. — Enfants assis sur la place publique et criant les uns aux autres. —

 

Par la comparaison des enfants assis sur la place publique et qui crient les uns aux autres, Jésus répond en sens inverse aux questions qui lui ont été faites. Ces paroles : « Nous avons chanté des airs lugubres et vous n'avez pas pleuré, » sont une allusion à Jean-Baptiste, dont l'abstinence relativement au boire et au manger figurait le deuil de la pénitence. Celles-ci au contraire : « Nous avons joué de la flûte et vous n'avez pas dansé, » se rapportent à Jésus lui-même, qui mangeant et buvant comme le reste des hommes, représentait ainsi la joie du royaume. Les Pharisiens ne voulurent ni s'humilier avec Jean, ni se réjouir avec le Christ ; disant le premier possédé du démon, le second homme de bonne chère, adonné au vin, ami des publicains et des pécheurs. Jésus ajoute : « Et la sagesse fut justifiée par tous ses fils. » Cela veut dire : Les enfants de la sagesse comprennent que la justice ne consiste ni dans l'abstinence, ni dans le manger, mais dans l'égalité d'âme qui supporte la disette et qui sait dans l'abondance user de modération et ne point se laisser corrompre, pratiquant quant à propos tantôt l'abstinence, tantôt l'usage des aliments, l'usage n'étant point répréhensible, mais seulement le désir déréglé. La nature des aliments que l'on emploie pour subvenir aux besoins de l'existence est en effet chose de nulle importance ; il suffit à cet égard de se conformer aux habitudes des personnes avec lesquelles on est appelé à vivre. La quantité de nourriture est également assez indifférente. Il y a des personnes dont la faim est promptement apaisée, et qui, pour le peu de nourriture qui leur est nécessaire, soupirent avec une ardeur, une impatience tout à fait ignominieuse. D'autres au contraire, à qui une plus grande quantité d'aliments est indispensable, supportent mieux la privation, et lors même que le repas est servi, savent attendre si les bienséances ou la nécessité l'exigent, regardant d'un oeil tranquille, et s'abstenant. Non ce n'est point la qualité ni la quantité des mets dont on use qui a quelque chose d'important ; ces choses dépendent de la condition des personnes, de leur dispositions, des besoins du tempérament. Ce qui est important, c'est de supporter les privations, lorsque la nécessité, ou des circonstances non moins impérieuses le commandent, avec facilité et le coeur joyeux, et d'accomplir avec une générosité chrétienne ce que dit l'Apôtre : « Je sais avoir besoin, et je sais être dans l'abondance, car j'ai été instruit à faire profit de tout. « Je sais être rassasié, satisfait, et souffrir la faim, avoir le superflu et endurer l'indigence ; je puis tout en Celui qui me fortifie ; » et ailleurs:. « Si nous avons la nourriture, nous ne commettrons point d'excès; si elle nous fait défaut, nous n'en serons point en peine ; » et encore : « Car le royaume de Dieu n'est point le manger et le boire, mais la justice et la paix et la joie ; non la joie des festins grossiers dans lesquels les hommes ont coutume de mettre leur plaisir, mais la joie dans le Saint-Esprit. » C'est ainsi que la sagesse est justifiée par tous ses enfants. Tous comprennent que la diversité des circonstances détermine l'usage ou l'abstention des choses terrestres, mais que la disposition à supporter leur privation, et à désirer les jouissances de l'éternité, est indépendante des temps et doit subsister invariable et permanente.

XII. — Lampe sous le boisseau. —

 

Le Seigneur dit: « Or il n'est personne qui, allumant une lampe , la couvre d'un vase, ou la mette sous le lit; mais on la met sur le chandelier afin que ceux qui entrent voient la lumière. » Celui qui par la crainte des inconvénients temporels cache la parole de Dieu, préfère par la même les soins de la chair à la manifestation de la vérité; il cache la parole sous le voile de la chair, en craignant de l'annoncer. C'est la chair que désigne, dans l'intention du Sauveur, ce vase ou ce lit sous lequel on cache la lumière, quand on dissimule lâchement la vérité.

XIII. — De celui que possédait une légion de démons. —

 

L'homme possédé par une légion de démons, qui l'eut délivré par Jésus dans le pays des Géraséniens, figurait les Gentils, esclaves d'une multitude de démons. Il était sans vêtement, c'est-à-dire qu'il n'avait point la foi et les autres vertus. Il ne demeurait point dans sa maison : sa conscience n'était point en repos. Il habitait dans les tombeaux; les tombeaux figurent les oeuvres de mort, c'est-à-dire les péchés dans lesquels il se plaisait. Les entraves et les chaînes de fer dont il était garrotté, sont les lois rigoureuses et pesantes des gentils, les lois répressives du mal dans les républiques idolâtres. Il brisait ses liens, et le démon le poussait dans le désert ; c'est-à-dire, au sens figuré, qu'il violait même ces lois de la cité terrestre, précipité par la passion dans des crimes d'une rare énormité. Les pourceaux paissant sur les montagnes, et dans lesquels il fut permis aux démons d'entrer, sont l'image des hommes impurs et orgueilleux que les démons tiennent sous leur domination par le règne de l'idolâtrie. Ces animaux se précipitent dans un étang; cela signifie que l'Eglise étant purifiée aujourd'hui et le peuple gentil délivré de la servitude du démon, c'est dans les lieux secrets et retirés que les malheureux esclaves d'une superstition aveugle et ténébreuse accomplissent leurs rites sacrilèges, après avoir refusé de croire en Jésus-Christ. Les gardiens des pourceaux prenant la fuite et publiant ce qui vient d'arriver, sont la figure de certains princes des nations idolâtres, qui, frappés d'admiration et d'étonnement, publient la puissance et les merveilles de la loi chrétienne, en fuyant le joug qu'elle impose. Les Géraséniens sortent pour voir l'événement; ils trouvent aux pieds de Jésus l'énergumène qui avait repris ses vêtements et qui était sain d'esprit; à la vue de ce miracle ils sont saisis d'une grande crainte, et prient Jésus de s'éloigner d'eux. Ceci désigne la multitude livrée aux goûts dépravés du vieil homme : elle honore la loi de Jésus-Christ, refusant d'en supporter les rigueurs, quelle déclare au dessus de ses forces, remplie d'admiration toutefois pour le peuple fidèle guéri des habitudes mauvaises de sa vie perdue d'autrefois. Le possédé après sa délivrance désire demeurer avec Jésus-Christ, mais le Sauveur lui dit : « Retourne dans ta maison, et publie les choses étonnantes que le Seigneur a faites pour toi. » On peut voir très-justement le sens du mystère caché ici, dans ces paroles de l'Apôtre. « Etre dissous, et aller à Jésus-Christ, voilà ce qui est le meilleur de beaucoup; mais il faut à cause de vous demeurer dans la chair : » après la rémission des péchés il faut rentrer en soi-même dans la paix d'une bonne conscience et se dévouer au service de l'Évangile pour le salut de ses frères, afin de reposer plus tard avec Jésus-Christ, et il ne faut pas négliger, en désirant d'être réuni prématurément au Seigneur, le ministère de la prédication établi pour le salut du prochain.

XIV. — Des soixante-douze disciples. —

 

Comme l'univers est entièrement parcouru et éclairé par le soleil en vingt-quatre heures, ainsi le mystère de l'illumination du monde par l'Évangile de la Trinité est figuré dans les soixante-douze disciples. Vingt-quatre répété trois fois forme le nombre soixante-douze. Jésus envoie les disciples deux à deux, c'est le mystère de la charité, soit parce que le précepte de la charité est double, soit parce que la charité suppose rigoureusement, comme tout amour, deux personnes au moins qu'elle unit.

XV. — Lumière et ténèbres. —

 

Si la lumière qui est en vous est ténèbres, combien grandes seront les ténèbres elles-mêmes. » Par la lumière Jésus désigne la pureté d'intention de notre âme dans ce que nous faisons ; par les ténèbres il désigne nos actions elles-mêmes, soit parce que l'intention qui les inspire n'est point aperçue du dehors, soit parce que leurs conséquences nous sont inconnues à nous-mêmes. Nous agissons en vue du bien à l'égard de nos frères; nous ignorons quel sera le résultat. Trop souvent les hommes abusent de nos bienfaits et trouvent un poison dans les choses mêmes qu'un amour compatissant et sympathique nous avait suggérées en leur faveur.

XVI. — Reproches aux Pharisiens. —

 

« Maintenant vous, ô Pharisiens, vous nettoyez le dehors de la coupe et du bassin » Ces reproches et ceux que le Sauveur adressera encore aux pharisiens et aux docteurs de la Loi, donnent l'explication de cette parole dite plus haut : « Il avait affermi sa face pour aller à Jérusalem, » pour leur reprocher ouvertement leurs vices et leurs crimes, et mettre à nu l'effroyable vérité.

XVII. — Pourquoi le Saint-Esprit est-il appelé le doigt de Dieu ? —

 

L'Esprit-Saint est appelé le doigt de Dieu, parce qu'il est le distributeur des grâces, donnant à chacun soit des hommes ou des Anges une mesure déterminée. Les doigts de la main dans l'homme sont le symbole le plus expressif de la distribution des faveurs.

XVIII.— Du jeûne des fils de l'Époux. —

 

On jeûne ou dans la tribulation ou dans la joie dans la tribulation pour obtenir de Dieu le pardon de ses péchés ; dans la joie, quand on goûte d'autant moins les satisfactions de la chair, qu'on est plus abondamment nourri des douceurs de la grâce. Aussi, quand on demande au Sauveur pourquoi ses disciples ne jeûnent point, il comprend dans sa réponse l'une et l'autre espèce de jeûne. Au jeûne qui a lieu dans la tribulation se rapporte ce qu'il dit : que les fils de l'Époux jeûneront lorsque l'Époux leur aura été enlevé, car alors ils seront dans la désolation, la tristesse et les larmes, jusqu'à ce que les joies consolatrices leur soient données par l'Esprit,Saint. Qu'ils reçoivent ce don; qu'ils se sentent renouvelés dans la vie spirituelle, alors sera venu pour eux le moment de célébrer le jeûne qui s'accomplit dans la joie. Tant qu'ils n'ont point reçu cette faveur, le Seigneur les compare à des vêtements usés, auxquels il ne convient pas de coudre un lambeau d'étoffe neuve ; ce lambeau figure toute portion mutilée de la doctrine, qui embrasse la tempérance dans la vie nouvelle. Que cette adjonction se fasse et nous voyons la doctrine elle-même en quelque sorte inutilée. Pourquoi cette partie spéciale de la doctrine concernant le jeûne des aliments ? N'est-ce pas l'appliquer mal à propos, quand la doctrine elle-même prescrit le jeûne général, c'est-à-dire non-seulement la mortification dans la nourriture, mais encore la répression de tout attrait pour les joies terrestres ? Le précepte de l'abstinence des aliments est donc comme un lambeau doctrinal, Jésus ne veut point que l'on en fasse part à des hommes livrés encore aux vieilles coutumes : il y aurait là comme une mutilation, un défaut d'harmonie d'ailleurs avec des visages atteints de caducité.

Il compare encore ses disciples à des outres veilles qui se rompront au lieu de contenir le vin nouveau, c'est-à-dire les préceptes spirituels. Ils étaient devenus des outres neuves quand après l'Ascension du Seigneur ils étaient renouvelés dans la prière et l'espérance par le désir de la consolation d'en haut. Alors ils reçurent l'Esprit-Saint dont ils furent remplis, et comme ils parlaient les langues des diverses nations qui étaient présentes, on dit qu'ils étaient enivrés.

XIX. — Le bon samaritain. —

 

« Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho. » On voit ici Adam lui-même avec le genre humain. Jérusalem est cette cité céleste de la paix, de la béatitude, de laquelle l'homme est déchu; Jéricho qui signifie Lune, représente notre mortalité, laquelle naît, croît, vieillit et disparaît. Les voleurs sont le diable et ses anges qui « dépouillèrent » l'homme de l'immortalité « et qui l'ayant couvert de plaies » en l'induisant au péché, le laissèrent demi-mort. » L'homme en effet par le côté de lui-même qui peut saisir et connaître Dieu, est vivant; mais en tant que le péché lui ôte sa force et l'accable, il est mort; c'est pourquoi on le dit laissé demi-mort. Le prêtre et le lévite qui l'ayant vu passent outre, désignent le sacerdoce et le ministère du vieux Testament qui ne pouvaient servir au salut. C'est Notre-Seigneur lui-même qui est figuré par le Samaritain; le Samaritain veut dire: le gardien. Le bandage des plaies marque la répression des péchés; l'huile, la consolation de l'espérance bienheureuse, fruit de l'indulgence accordée pour la réconciliation de la paix; le vin l'exhortation à la pratique fervente des oeuvres de l'esprit. Le cheval du samaritain est l'emblème de la chair dans laquelle le Seigneur a daigné venir à nous. Etre mis sur ce cheval, c'est croire à l'incarnation du Christ. L'hôtellerie est l'Eglise où trouvent la réparation de leurs forces les voyageurs retournant de la terre étrangère à l'éternelle patrie. Le jour suivant marque le temps qui suit la résurrection du Seigneur.

Les deux deniers sont ou bien les deux préceptes de la charité qui fut comme enseignée aux Apôtres par l'Esprit-Saint afin qu'ils annonçassent aux autres l'Evangile, ou bien la promesse de la vie présente et celle de la vie future. C'est en effet conformément à cette double promesse qu'il est dit: « Il recevra dans ce siècle sept fois autant, et dans le siècle futur il obtiendra la vie éternelle. » Le Maître d'hôtel c'est donc l'Apôtre. Ce qu'il donne par surcroît désigne soit le conseil de la virginité proclamé par lui : « Touchant les vierges je n'ai point de précepte du Seigneur, mais je donne un conseil; soit le travail des mains auquel il se livrait pour ne rendre. onéreuse la promulgation de l'Evangile à aucun des infirmes de l'Eglise lorsqu'il pouvait vivre de l'Evangile.

XX. — Marthe et Marie. —

 

« Marthe le reçut dans sa maison. » Marthe est la figure de l'Eglise d'ici-bas recevant le Seigneur dans son coeur. « Marie sa soeur, qui était assise aux pieds du Maître écoutant sa parole, » représente cette même Eglise dans le siècle futur, où le travail et le service de tous les besoins ayant cessé, elle jouira pleinement de la seule sagesse. Marthe est donc occupée d'un nombreux service ; l'Eglise maintenant est appliquée de même à des oeuvres multipliées. Marthe se plaignant que sa sueur ne lui vient pas en aide, donne lieu à une sentence du Seigneur, qui montre l'Eglise inquiète et troublée ici-bas de beaucoup de choses, lorsqu'une seule est nécessaire, parvenir au terme et à la récompense des travaux du ministère. Jésus dit que Marie a choisi la meilleure part qui ne lui sera point ôtée. Cette part est reconnue la meilleure, et parce qu'elle est le terme des travaux et des services, et parce qu'elle ne sera point ôtée. La part du ministère quoique bonne, sera ôtée, quand les besoins auxquels elle pourvoit auront disparu.

XXI. — Les trois pains demandés au milieu de la nuit. —

 

Cet ami auquel on vient demander au milieu de la nuit trois pains à emprunter, est évidemment une figure. de ce qui arrive quand l'homme plongé au milieu des tribulations demande à Dieu, comme adoucissement aux peines de la vie présente, l'intelligence de la Trinité. Mais la comparaison est du petit au grand. En effet, si l'ami se lève de son lit, et donne, non pas mû par l'amitié, mais lassé d'une prière importune, combien plus Dieu donnera-t-il, lui qui accorde, très-libéralement et sans répugnance, ce qu'on lui demande; lui qui veut être prié uniquement pour que ceux qui réclament ses dons soient mis en état de les recevoir. Les trois pains marquent l'unité de substance dans la Trinité. Par cet ami arrivant de voyage, auquel son ami, qui demande à emprunter, n'a rien, dit-il, à présenter, il faut entendre les appétits de l'homme, lesquels doivent obéir à la raison. Ces appétits étaient esclaves de la vie temporelle que l'on nomme un voyage, parce que tout y est passager. Quand l'homme se convertit à Dieu, ils reprennent un un autre cours; mais si les consolations intérieures, si les joies, fruit de la doctrine spirituelle qui donne connaissance de la Trinité du Créateur, viennent à manquer, l'homme se trouve en de grandes angoisses: privé des joies extérieures dont il lui est ordonné de s'abstenir, privé de la manne intérieure, des joies causées par' la doctrine du salut, une tristesse mortelle l'accable. Cet état d'angoisse, voilà la nuit pendant laquelle il est contraint de solliciter avec de très-vives instances, pour obtenir trois pains. Une voix sortie de l'intérieur de la maison lui répond que la porte est fermée, et que les enfants prennent leur repos ; ceci figure le temps où la faim de la parole se fera sentir; lorsque l'intelligence en sera fermée et que les distributeurs de ce pain de la sagesse évangélique, l'ayant répandu dans tout l'univers, les enfants du Père de famille goûteront avec le Seigneur les douceurs cachées du repos. Toutefois celui qui désire l'intelligence l'obtient, par la prière, du Seigneur lui-même, bien qu'il n'y ait point d'homme pour lui enseigner la sagesse.

XXII. — Le pain, le poisson et l'oeuf. —

 

Au pain, Jésus oppose la pierre ; au poisson, leserpent; à l'œuf, le scorpion. Le pain désigne la charité: elle est le bien le plus désirable; elle est tellement nécessaire que sans elle tout le reste n'est rien, de même que sans pain une table est indigente. A la charité est opposée la dureté du coeur que Jésus compare à la pierre. Le poisson figure la foi des choses invisibles, soit par allusion aux eaux du baptême, soit parce que le poisson est pêché dans des profondeurs invisibles ; la foi d'ailleurs immobile au milieu des flots de ce monde qui l'assaillent de toute part, est très-bien représentée par le poisson. A la foi Jésus oppose le serpent, parce que le serpent infecta le premier homme de son venin perfide, en le portant au mal par ses mensonges. L'oeuf marque l'espérance; car l'oeuf n'est point un être parvenu au terme de la génération, mais donne l'espérance que la fécondation l'animera. Le scorpion est mis ici en opposition ; c'est par derrière que le scorpion blesse de son dard empoisonné : ainsi l'opposé de l'espérance est de regarder en arrière, car l'espérance se porte en avant, vers les biens futurs.

XXIII. — La clef de la science. —

 

Jésus dit aux scribes, c'est-à-dire aux docteurs des Juifs: « Vous avez pris la clef de la science et vous n'êtes point entrés et vous avez empêché ceux qui entraient. » Les Scribes ne voulaient point reconnaître dans l'Ecriture divine l'humilité du Christ, ni permettre aux autres de la reconnaître.

XXIV. — La vie est plus que la nourriture. —

 

Le Seigneur dit à ses disciples: « La vie est plus que la nourriture. » Donc celui qui vous a donné un plus grand bien, assurément ne vous refusera pas un bien moindre.

XXV. — Les reins ceints et les lampes allumées. —

 

Le Seigneur dit : « Que vos reins soient ceints, » par la modération dans l'amour des choses du siècle ; « les lampes ardentes » marquent la fin légitime à laquelle cette modération elle-même doit être rapportée par une intention pure.

XXVI. — De la mesure de froment. —

 

Le Seigneur dit à Pierre : « Quel est le dispensateur fidèle et prudent que son maître établira sur ses serviteurs pour distribuer à chacun dans le temps la mesure de froment » qui lui est destinée? La mesure indique la proportion à la capacité de chacun des auditeurs.

XXVII. — La nuée s'élevant du côté de l'Occident. —

 

Cette nuée dont Notre-Seigneur dit : « Lorsque vous verrez une nuée s'élevant du côté du couchant, » figure son corps sortant glorieux du tombeau. De ce moment en effet la pluie de la parole évangélique arrosa toutes les plages de la terre. « Le vent du midi faisant sentir son souffle » avant les chaleurs, désigne les tribulation plus légères qui précéderont le jugement.

XXVIII. — Impossible d'ajouter à sa taille. —

 

Jésus dit: « Si vous ne pouvez pas ce qu'il y a de moindre» parlant de l'augmentation de la taille de l'homme; c'est en effet ce qu'il y a de moindre pour Dieu, que le travail de la nature corporelle.

XXIX. — Contre l'orgueil. —

 

Jésus ayant dit à ses disciples qu'il ne faut point être dans l'inquiétude au suret des aliments, ajouta : « Ne vous élevez point dans des pensées d'orgueil, » C'est qu'en effet l'homme recherche d'abord ces sortes de biens afin de pourvoir à la nécessité; mais quand ensuite il les a en abondance, il commence à e n concevoir de l'orgueil, semblable à un blessé, qui se vanterait d'avoir beaucoup de remèdes à la maison, comme s'il ne serait pas meilleur pour lui d'être sans blessure, et de n'avoir besoin d'aucun remède.

— De l'hydropique et de la femme courbée. —

 

Notre-Seigneur compare très-justement l'hydropique à un animal tombé dans un puits, une telle maladie provenant de l'excès des humeurs: de même, parlant de cette femme courbée depuis dix-huit ans et qu'il avait délivrée, il la compare à un animal qu'on délie pour le mener à l'abreuvoir. Dans l'hydropique nous voyons la fidèle représentation du riche avare. Plus les humeurs déréglées abondent dans l'hydropique, plus il est consumé par la soif: de même plus les richesses dont on fait mauvais usage affluent, plus ces désirs de la cupidité s'allument chez l'avare. La femme courbée par la maladie, impuissante à se redresser, est le type de l'âme que les pensées terrestres ont affaiblie et abaissée, et qui ne peut plus s'occuper des choses divines.

XXX. — Des invités au repas du soir. —

 

Les invités que l'on amène de la ville au souper désignent ceux de la nation juive qui ont cru au Christ; c'est-à-dire ces infirmes qui sentant le poids de leurs péchés n'ont point eu l'orgueil de cette apparente justice, dont le mensonge éloignait de la grâce du salut les maîtres d'Israël. Les autres invités que le maître du festin fait chercher le long des haies et sur les chemins tant qu'il reste des places à sa table, sont la figure des gentils dispersés sur tous les chemins par la division des sectes, meurtris et embarrassés par les épines de leurs péchés.

XXXI. — Bâtir une tour, et se préparer à la guerre. —

 

Les dépenses pour la contraction d'une tour représentent les forces qu'il faut déployer pour devenir disciple de Jésus-Christ, et les dix mille hommes menés au combat par celui qui s'avance contre un roi qui en a vingt mille, figurent la simplicité du chrétien devant combattre contre la duplicité du démon, c'est-à-dire contre ses ruses et ses tromperies; simplicité que Jésus fait consister dans le renoncement intérieur à tout ce que l'on possède. Voici en effet la conclusion qui suit: « Ainsi donc, quiconque parmi vous ne renonce pas à tout ce qui lui appartient, ne peut être mon disciple.» Dans cet universel renoncement, il faut aussi comprendre la vie du corps dont la possession doit nous paraître tellement temporaire et provisoire que la menace d'en être dépouillé ne puisse faire sacrifier la vie de l'éternité. De même que Jésus nous détourne de laisser la tour inachevée, rappelant les insultes de ceux qui diront : « Cet homme a commencé à bâtir et n'a pu terminer; » de même dans l'exemple du roi contre lequel il faut combattre il condamne la paix quand il dit: « Il lui envoie une ambassade lorsqu'il est encore loin pour lui faire des propositions de paix, » faisant voir par là que les assauts des démons font succomber les hommes qui ne renoncent pas à tout ce qu'il possèdent, et que ces hommes font la paix avec le diable, se livrant à ses suggestions pour commettre le péché. Ainsi bâtir une tour, combattre contre le roi ennemi, c'est être disciple de Jésus-Christ: posséder les ressources pour achever la tour, disposer de dix mille hommes de troupes contre les vingt mille de l'ennemi, c'est renoncer à tout ce que l'on possède.

XXXII.— Le sel affadi et la brebis perdue. —

 

Le set affadi désigne l'apostat; la brebis perdue, tous les pécheurs qui se réconcilient avec Dieu par la pénitence. Le pasteur porte sur ses épaules la brebis retrouvée, parce que c'est en s'abaissant que Jésus releva ces pécheurs. Les brebis laissées dans le désert sont au nombre de quatre-vingt-dix-neuf, parce qu'elles figurent les superbes qui se font comme une solitude dans leur coeur en voulant être seuls remarqués: l'unité leur manque, pour qu'ils soient parfaits. Quiconque en effet s'arrache à l'unité véritable, le fait par orgueil : car, dès que l'on aspire à l'indépendance on se détache de l'unité qui est Dieu même. C'est pourquoi les quatre-vingt-dix-neuf brebis et les neuf drachmes sont mises pour figurer ceux qui présumant d'eux-mêmes se préfèrent aux pécheurs retournant au salut. L'unité manque au nombre neuf pour compléter la dizaine, et au nombre quatre-vingt-dix-neuf pour former la centaine, et ainsi de suite pour toute la série des nombres, à neuf-cent quatre-vingt-dix-neuf pour atteindre le mille, à neuf mille neuf-cent-quatre-vingt-dix-neuf pour la dizaine de mille. On peut en multipliant ou en divisant varier indéfiniment les nombres auxquels la perfection fait défaut par l'absence de l'unité. Celle-ci au contraire, immuable en elle-même, venant à s'ajouter, imprime le sceau de la perfection. C'est à l'unité que le Sauveur ramène les pécheurs convertis par la pénitence fruit de l'humilité.

XXXIII. — L'enfant prodigue. —

 

Cet homme qui a deux fils, c'est Dieu, père de deux peuples qui sont comme les deux branches de la race humaine, le peuple des hommes demeurés fidèles au culte d'un sent Dieu, et le peuple des idolâtres, qui abandonnèrent le Seigneur. Mais il faut remonter à l'origine de la création de l'homme pour approfondir cette histoire. Le fils aîné est le type de la fidélité au culte du vrai Dieu. Le plus jeune part pour une contrée lointaine. Il a demandé à son père la portion d'héritage qui lui revient. Telle est l'âme que la jouissance de son pouvoir a séduite. Son patrimoine, c'est-à-dire la vie, l'intelligence, la mémoire, la sublimité et la promptitude du génie, tous ces dons de la munificence divine sont plis à sa disposition par le libre arbitre; c'est pourquoi. « le père distribua son bien à ses enfants. » Le plus jeune partit pour un pays lointain. Il abusa des dons naturels, il abandonna son père, délaissant le Créateur pour se livrer à la jouissance des créatures. — Il est représenté, « peu de jours après rassemblant tout ses biens, et s'en allant dans une contrée lointaine. » C'est qu'en effet, peu de jours après la création du genre humain, l'âme, cette créature raisonnable, voulut être, par son libre arbitre, maîtresse absolue d'elle-même et de ses facultés, et se détacher de son Créateur pour s'appuyer sur ses propres forces. Mais plus elle s'éloigna de Celui qui était la source de sa vie, plus elle fut promptement épuisée. C'est pourquoi l'Evangile appelle une vie de débauche et d'excès la vie répandue et dissipée dans les pompes extérieures et vide au dedans : l'homme qui s'y livre poursuit les vanités qu'elle enfante, et abandonne Dieu qui est au dedans de lui. Cette région lointaine, c'est donc l'oubli de Dieu. La famine survenue dans ce pays, c’est la privation de la parole de vérité. L'habitant de la contrée désigne quelque prince de l'air, faisant partie de la milice de Satan. Sa maison de campagne figure le genre de pouvoir qu'il exerce, et les pourceaux les esprits immondes qui sont au-dessous de lui. Les cosses dont il nourrissait les pourceaux figurent les maximes du siècle, vides et sonores, dont retentissent les poèmes et les divers discours consacrés à la louange des idoles ou aux fables des dieux des Gentils, et qui font la joie des démons. C'est pourquoi ce jeune homme voulant se rassasier cherchait dans cette vile pâture un aliment qui fût substantiel et sain, et qui procurât le bonheur, et il ne le trouvait pas. De là cette parole : « Et personne ne lui en donnait. »

« Mais étant rentré en lui-même, » c'est-à-dire s'arrachant aux trompeuses illusions et aux entraînements; des vanités du monde extérieur et recueillant ses pensées dans l'intérieur de sa conscience, « combien de mercenaires, s'écrie-t-il, ont du pain en abondance dans la maison de mon père. » Comment ceci pourrait-il être connu de l'homme plongé, comme les idolâtres l'étaient, dans un si grand oubli de Dieu? Ces paroles ne désigneraient-elles point le réveil de l'âme à la prédication de l'Evangile. On vit alors en effet de nombreux prédicateurs de la vérité, parmi lesquels plusieurs étaient guidés, non par l'amour de la vérité elle-même, mais par le désir des avantages terrestres. C'est d'eux que l'Apôtre disait : Que plusieurs qui annoncent l'Evangile, ne le font pas avec pureté, faisant de la piété un trafic. Ils ne prêchaient pas un autre Evangile comme les hérétiques, ils prêchaient l'Evangile de Paul, mais dans un autre esprit que celui de cet Apôtre. C'est pourquoi ils sont très-,justement appelés des mercenaires. Ils dispensent le même pain de la parole et dans la même maison, toutefois ils ne dont point appelés au céleste héritage, mais ils travaillent pour une récompense temporelle. C'est d'eux qu'il est dit . « En vérité, je vous le dis, ils ont reçu leur récompense. » Il s'écrie donc: « Je me lèverai, » car il était étendu dans un état de prostration; « et j'irai, » II était en effet bien éloigné; « vers mon père, » il était devenu le serviteur de celui à qui appartenaient les pourceaux. Les autres paroles indiquent la disposition d'un âme qui se prépare à la pénitence par l'aveu de ses péchés, mais qui ne la fait pas encore. Il ne s'ouvre pas encore à son père, mais il promet de s'ouvrir à lui, quand il le reverra. « Comprenez donc maintenant ce que signifie venir vers son père: » c'est être établi dans l'Église par la foi, et pouvoir y trouver, dans la confession de ses fan Vites, l'accomplissement du devoir et la récompense qui en est le fruit. Qu'est-ce donc qu'il se propose de dire à son père ? Mon père, j'ai péché contre le ciel et contre vous, et je ne suis plus digne d'être appelé votre fils : traitez-moi comme l'un de vos mercenaires. — J'ai péché contre le ciel, » ce mot a-t-il la même signification que j'ai péché contre vous ? » Alors il faudrait entendre par le «ciel » la souveraine majesté du Père : c'est en ce sens que le Psalmiste a dit : « Il s'élance des hauteurs du ciel, » c'est-à-dire du sein du Père lui-même. Ou plutôt « j'ai péché contre le ciel » ne veut-il pas dire :en présence des âmes saintes, qui sont le trône de Dieu; « et contre vous : » jusque dans le sanctuaire intime de la conscience?

« Et se levant, il vint vers son père. Et lorsqu'il était encore bien loin : » avant qu'il eût de Dieu une véritable idée, mais néanmoins dans le moment où il le cherchait déjà de bonne foi, « son père le vit. » L'expression est donc juste, quand on dit de Dieu qu'il ne voit pas les impies et les superbes, qu'il ne les a pas en quelque sorte devant les yeux : car être devant les yeux, ne s'entend d'ordinaire que des personnes aimées. « Et il fut touché de compassion : et courant à lui, il se jeta à son cou. » Le père n'a pas quitté son Fils unique, par qui il a fait cette course lointaine et s'est abaissé jusqu'à nous ; car Dieu était dans le Christ se réconciliant le monde; » et le Seigneur l'a déclaré lui-même : « Mon « Père, qui demeure en moi, fait lui-même les oeuvres que je fais.» Or, que signifie «se jeter à son cou, » si ce n'est incliner et abaisser son bras pour l'étreindre ? « Et à qui le bras du Seigneur a-t-il été révélé ? » Ce bras n'est autre assurément que Notre-Seigneur Jésus-Christ. « Et il le baisa. » Etre consolé par la parole de la grâce divine, qui fait naître l'espérance du pardon des péchés, c'est obtenir du père, au retour de longs égarements, le baiser de charité. Alors commence pour celui qui est établi dans l'Église la confession de ses péchés. Le prodigue ne dit pas tout ce qu'il s'était promis de dire; il va seulement jusqu'à ces paroles : « Je ne suis pas digne d'être appelé votre fils. » Car Dieu veut opérer par la grâce ce dont il se reconnaît indigne à cause de ses fautes. Il n'ajoute pas ce qu'il s'était proposé d'abord dans sa première résolution : « Traitez-moi comme l'un de vos mercenaires. » Quand il était privé de pain, il allait jusqu'à souhaiter la condition de mercenaire; mais après que son père l'a embrassé, il n'a plus pour elle qu'un noble et généreux dédain.

La première robe symbolise la dignité perdue par Adam; les serviteurs qui l'apportent sont les prédicateurs du pardon. L'anneau placé au doigt de la main, gage du Saint-Esprit, figure bien la participation à la grâce. Les chaussures aux pieds marquent la préparation à la prédication de l’Evangile par le détachement des biens de la terre. Le veau gras, c'est le Seigneur lui-même, mais rassasié d'opprobres selon la chair. L'ordre est donné d'amener le veau gras: qu'est-ce à dire, sinon qu'il faut annoncer le Seigneur, et en l'annonçant, le faire entrer dans les entrailles du fils exténué par la faim ? L’ordre est donné aussi d'immoler la victime ; de répandre le souvenir de la mort du Sauveur : or, il est immolé réellement pour chacun de nous, lorsque nous croyons que pour nous il est mort . « Et réjouissons-nous, » ajoute le texte sacré; ceci a trait aux motifs d'allégresse qui vont être allégués : « Parce que mon fils que voici était mort, et il est ressuscité; il était perdu, et il est retrouvé. » Et maintenant ce festin et. cette fête se célèbrent dans tout l'univers, où l'Eglise est répandue et disséminée. Car ce veau gras figure le corps et le sang du Seigneur qui s'offre au Père céleste et nourrit toute sa famille.

Le fils aîné, qui n'est pas parti pour une région lointaine, mais qui n'est pas néanmoins dans la maison, c'est le peuple d'Israël selon la chair. Il est aux champs, c'est-à-dire, qu'au sein même de l'héritage et des richesses de la Loi et des Prophètes, il se livre de préférence aux oeuvres de la terre et à toutes sortes d'observations judaïques. Il s'est trouvé parmi eux un grand nombre d'hommes animés de ces sentiments, et souvent encore on en rencontre de semblables. Revenant des champs, il s'approche de la maison . en d'autres termes, occupé sans amour d'un travail tout terrestre, il considère d'après les saintes Ecritures la liberté faite à l'Eglise. Il entend la musique et la danse, c'est-à-dire, les hommes remplis de l'Esprit-Saint, qui annoncent l'Evangile d'une commune voix, suivant la recommandation de l'Apôtre : « Je vous a conjure, mes frères, leur dit-il, par le nom de a Jésus-Christ Notre-Seigneur, de faire en sorte a que vous n'ayez qu'un même langage.» Il entend aussi les concerts de louanges qui s'élèvent vers Dieu, comme d'un seul coeur et d'une seule âme. Il appelle un des serviteurs et lui demande ce qui se passe, en d'autres termes il ouvre un des livres des Prophètes, et le compulsant, il l'interroge en quelque solde pour savoir ce que signifient les fêtes qu'on célèbre dans cette Eglise, en dehors de laquelle il se trouve placé. Le serviteur de son père, le prophète lui répond : « Votre frère est revenu, et votre père a tué le veau gras, parce qu'il l'a recouvré en santé. » Votre frère était.en effet aux extrémités de la terre. Mais ce qui augmente l’allégresse de ceux qui chantent au Seigneur un cantique nouveau, c'est que ses louanges viennent des extrémités du monde ; et pour célébrer le retour de celui qui était absent, on a mis à mort l'homme de douleur et sachant l'infirmité; et ceux auxquels il n'avait point été annoncé, l'ont vu ; et ceux qui n'ont point entendu parler de lui, l'ont contemplé.

Et maintenant encore Israël s'indigne et refuse d'entrer. Lors donc que la plénitude des nations sera entrée, son Père sortira au moment opportun, afin que tout Israël soit sauvé ; ce peuple est tombé en partie dans l'aveuglement, que figure l'absence du fils aîné à la campagne, jusqu'à ce que la plénitude du plus jeune revienne de son long égarement au milieu de l'idolâtrie des nations, pour manger le veau gras dans la maison paternelle. Car, un jour, la vocation des Juifs au salut, qui vient de l'Evangile, sera manifestée. Or, c'est ce que signifie la démarche du père pour appeler son fils aîné.

La réponse de ce dernier, fait naître deux questions : Comment peut-on dire du peuple Juif qu'il n'a jamais transgressé les ordres de Dieu ? et qu'est-ce à dire qu'il n'a jamais reçu de chevreau, pour se réjouir avec ses amis ? En ce qui concerne le premier point, on devine facilement qu'il n'est pas question de tous les commandements, mais seulement de celui qui est le plus nécessaire, je veux parler, de celui qui défend d'adorer aucun autre Dieu que le souverain Créateur de toutes choses : on comprend d'ailleurs que ce fils ne personnifie pas tous les Israëlites indistinctement, mais ceux d'entre eux qui n'ont jamais quitté le culte du vrai Dieu pour celui des idoles. En effet, quoique ce fils, en quelque sorte placé aux 'champs, désirât les choses terrestres, cependant c'est du Dieu unique qu'il. attendait ces biens, qui lui étaient communs avec les animaux. Aussi la synagogue est-elle bien personnifiée dans ce psaume d'Asaph : « Je suis devant vous comme une bête; mais néanmoins je suis toujours vous. » C'est ce que corrobore également le témoignage du père lui-même, formulé en ces termes : « Vous êtes toujours avec moi. » Il ne reproche pas à son fils une sorte de mensonge, mais faisant l'éloge de sa persévérance à demeurer avec lui, il l'invite par là même à prendre une part plus grande et plus parfaite à la joie.

Quel est maintenant ce chevreau, qu'il n'a jamais eu pour faire un festin ? Il est certain d'abord que le chevreau est ordinairement le symbole du pécheur. Mais loin de moi de reconnaître ici l'Antéchrist. Car je ne vois pas comment on pourrait appliquer jusqu'au bout cette interprétation. Il serait trop absurde que le fils, à qui il est donné d'entendre ces paroles : « Vous êtes toujours avec moi, » eût exprimé à son père le désir de croire à l'Antéchrist. Il n'est pas non plus permis de voir dans ce fils la personnification de ceux d'entre les Juifs qui croiront à l'Antéchrist. Dans l'hypothèse où ce chevreau serait la figure de l'Antéchrist, comment ce fils pourrait-il en manger puis qu'il ne mettrait pas en lui sa foi ? Ou bien, si manger du chevreau ne signifie rien autre chose que la joie causée par la perte de l'Antéchrist, comment le fils, que le père accueille si bien, dit-il que cette joie ne lui a pas été accordée, tandis que tous les enfants de Dieu applaudiront à la condamnation de son adversaire ? A mon sens (et ce que je vais dire, dans une matière aussi obscure, ne doit pas empêcher un examen plus attentif,) il se plaint donc de ce que le Seigneur lui-même lui a été refusé pour son festin, attendu que le Seigneur est un pécheur à ses yeux. Ce peuple considérant le Sauveur comme un chevreau, en d'autres termes, voyant en lui un violateur du sabbat et un profanateur de la Loi, n'a pas mérité de prendre part à ses joies : ainsi : « Vous ne m'avez jamais donné un chevreau pour en manger avec mes amis, » reviendrait à dire celui qui était à fies yeux un chevreau, vous ne me l'avez jamais donné pour me réjouir, et vous ne me l'avez point accordé, précisément parce que je le considérais comme un chevreau, « Avec mes amis, » s'entend des chefs en union avec le peuple, ou du peuple de Jérusalem assemblé avec les autres peuples de Juda. Quant aux femmes perdues, avec lesquelles le plus jeune fils est accusé d'avoir dissipé son patrimoine, elles désignent très-bien les passions honteuses, qui ont fait abandonner l'alliance unique et légitime du vrai Dieu, pour rechercher dans les superstitions païennes l'union adultère avec la foule des démons.

D'où vient ensuite que le père, après avoir dit : « Vous êtes toujours avec moi, » — paroles expliquées, — continue en ces termes : « Et tout ce qui est à moi est à vous ? » Gardez-vous d'abord de croire que ces mois: « Tout ce; qui est à moi est à vous, » signifient que le frère n'y a point de part, comme vous vous demanderiez avec anxiété, pour un héritage de ce monde, comment l’aîné pourrait avoir tout, dans le cas où le plus jeune aurait sa part. Les enfants parfaits, d'une pureté très-grande et déjà dignes du ciel, possèdent tout, de façon que chaque chose est ù tous, et que tout est à chacun. Car la charité ignore les angoisses inséparables de la cupidité. Mais comment ce fils possède-t-il tout? Est-ce que Dieu, dira quelqu'un, met au-dessous de lui et les Anges, et les Vertus sublimes, et les puissances, et tous les esprits célestes, exécuteurs de ses volontés? Si l'on entend possesseur, dans le sens de maître, il est évident que Dieu ne lui a pas donné tout. Car ceux dont il est dit : « Ils seront comme les Anges de Dieu, » ne seront point les maîtres, mais plutôt les cohéritiers des Anges. Que si la possession s'entend dans le sens, d'ailleurs légitime, attaché à cette phrase : les âmes en possession de la vérité; je ne vois pas pour quel motif nous ne pourrions pas admettre ici le mot tout, dans son sens vrai, propre et absolu. En effet, quand nous disons des âmes qu'elles sont en possession de la vérité, notre intention n'est pas d'affirmer qu'elles en sont les maîtresses. Enfin, s'il nous est interdit d'entendre la possession en ce sens, mettons encore cela de côté. Car le père ne dit pas : Je vous donnerai tout en possession; ou Vous possédez, vous possèderez tous mes biens; mais: « Tout ce qui est à moi est à vous. » Tout cela cependant n'est pas à lui comme à Dieu. En effet ce qui est dans notre bourse peut servir pour la nourriture ou le vêtement de notre famille, ou pour tout autre usage analogue. Et certes, comme il était en droit de l'appeler son père, je ne vois pas ce qu'il n'aurait pu appeler sien, dans ce qui appartenait à ce père, puisque c'était à lui des à titres différents. Car quand nous aurons obtenu l'éternelle félicité, les choses élevées au dessus de nous seront à nous pour les voir; nous vivrons avec ce qui sera près de nous, et ce qui sera au dessous nous appartiendra aussi pour le dominer. Que le frère aîné prenne donc part à la joie dans une sécurité parfaite, parce que son frère était mort, « et qu'il est ressuscité ; il était perdu, et il est retrouvé. »

XXXIV. — Se faire des amis avec des richesses d'iniquité. —

 

Dans l'économe que son Maître a mis hors d'emploi, et qu'il loue d'avoir pourvu à son avenir, nous ne devons pas prendre tout comme une règle de conduite à suivre. Car nous ne devons pas dérober à notre maître, pour employer en aumônes le fruit de nos larcins, et les amis par qui. nous voulons être reçus dans les tabernacles éternels, ne doivent pas s'entendre de ceux qui sont redevables à l'égard du Seigneur notre Dieu : ce sont les justes et les saints qui sont figurés ici, et qui introduiront au céleste séjour ceux qui les auront secourus de leurs biens terrestres, dans le besoin; et c'est d'eux qu'il est.dit, que si quelqu'un donne seulement à boire un verre d'eau froide à l'un d'entre eux, à cause de sa qualité de disciple, il ne perdra point sa récompense. Ces sortes de similitudes tirent aussi toute leur force des contraires, et nous donnent à entendre que si l'économe infidèle a pu recevoir un tel éloge de son Maître, à combien plus forte raison les hommes qui accomplissent les mêmes oeuvres, en se conformant au commandement divin, seront-ils plus agréables au Seigneur. C'est ainsi qu'en parlant du juge inique importuné par une veuve, notre Sauveur élève la pensée jusqu'au Souverain Juge, dont la justice ne peut cependant sous aucun rapport être assimilée à celle de ce juge d'iniquité. Quant aux cent barils d'huile, pour lesquels l'économe fait souscrire cinquante au débiteur, et aux cent mesures de froment réduites à quatre-vingt , je pense que cela n'a d'autre but que d'exprimer ce qui doit être fait en faveur de l'Eglise par chacun de nous à (exemple de ce que faisaient les Juifs à l'égard des Lévites, afin que notre justice surpasse celle des Scribes et des Pharisiens: c'est-à-dire que les Juifs donnant la dîme de leurs biens, nous devons donner la moitié des nôtres, comme fit Zachée, qui donna la moitié, non de ses revenus, mais de ses biens, ou que, du moins, nous devons doubler la dîme, afin de surpasser par cette double offrande celle des Juifs. Cet argent, dont la possession n'est que temporaire, Notre-Seigneur l'appelle Mammon d'iniquité , parce que Mammon signifie richesse, et que ces mêmes richesses, appartiennent à des hommes d'iniquité qui mettent en elles l'espérance et la plénitude de leur bonheur : pour les justes, quand il les possèdent, c'est, il est vrai, une ressource ; mais leur trésor, ils n'en ont point d'autre que les richesses célestes et spirituelles, à l'aide desquelles, ils pourvoient spirituellement à leurs besoins, écartent la misère et l'indigence et s'assurent une immense félicité.

XXXV. — Le bien étranger. —

 

Les biens de la terre, voilà ce que Notre-Seigneur appelle ici biens étrangers, car personne ne les emporte avec soi en mourant, suivant cette parole de David : « Ne crains pas, lorsqu'un homme sera devenu riche, et que sa maison sera élevée au comble de la gloire : car, lorsqu'il mourra, « il n'en emportera rien, et sa gloire ne descendra pas avec lui dans le tombeau. »

XXXVI. — Nul ne peut servir deux maîtres. » —

 

La distinction qui vient ensuite : « Ou il haïra l'un, et aimera l'autre; ou il s'attachera à l'un, et méprisera l'autre, » mérite une attention particulière. Car Notre-Seigneur ne l'a pas faite au hasard et sans raison. Qu'on demande à quelqu'un s'il aime le démon, il répondra toujours qu'il ne l'aime pas, mais qu'il l'a plutôt en horreur; quant à Dieu, presque tout le monde s'écrie qu'il l'aime. Donc, ou il haïra l'un et il aimera l'autre, comme c'est son devoir, c'est-à-dire, il haïra le démon, et il aimera Dieu. Mais la contrepartie offre un autre sens : « Ou il s'attachera à l'un et il méprisera l'autre; » c'est-à-dire, il s'attachera au démon, en poursuivant la jouissance de ses récompenses passagères; et il méprisera Dieu. Notez qu'il n'est pas dit : Il haïra, mais: Il méprisera: telle est la conduite ordinaire de ceux qui, faisant moins de cas de ses menaces que de la satisfaction de leurs passions, se flattent de trouver dans la bonté divine un motif d'impunité. C'est à ces hommes que Salomon fait entendre cet avertissement : « Mon enfant, n'ajoute pas péché sur péché, et ne dis pas : La miséricorde de Dieu est grande. »

XXXVII. — Le royaume des cieux souffre violente. —

 

Le royaume des cieux souffre violente, et les violents l'emportent. » Il faut que chacun de nous méprise non-seulement les richesses, mais encore les langues qui raillent ceux qui méprisent ces biens: car c'est alors seulement que, comme un vainqueur intrépide, on emporte comme d'assaut le royaume des cieux. L'Evangéliste mentionne en effet ces paroles, après avoir rapporté que les Pharisiens se moquèrent de Jésus, à cause de ce qu'il avait dit sur le mépris des richesses terrestres.

XXXVIII. — Le mauvais riche. —

 

Il y avait un homme riche, qui était vêtu de pourpre et de lin, et se traitait magnifiquement tous les «jours, » etc. Sous le rapport allégorique, on peut voir dans ce riche, les esprits superbes du peuple Juif, ignorant, la justice de Dieu et cherchant à établir la leur. La pourpre et le lin marquent la dignité royale: « Et le royaume de Dieu vous sera ôté, dit le Sauveur, et il sera donné à un peuple qui accomplira la justice. » Le festin splendide marque la confiance excessive des Juifs dans la Loi, dont ils se prévalaient avec l'ostentation de l'orgueil , plutôt que de la mettre en pratique pour arriver au salut. Le pauvre, nommé Lazare, c'est-à-dire, celui à qui l'on vient en aide, signifie celui qui est dans le besoin, le gentil on le publicain par exemple, qui reçoit d'autant plus de secours qu'il présume moins de la puissance de ses ressources. Tels étaient les deux hommes qui priaient dans le temple, l'un publicain, ét l'autre pharisien. Le riche, plein en quelque sorte de sa propre justice, loin de pouvoir être mis au nombre de ces heureux qui ont faim et soif de la justice, s'écrie donc : « Je vous rends grâces de ce que je ne suis pas comme ce publicain. » Le pauvre, de son côté, désirant être secouru, s'écrie : « Ayez pitié de moi, qui suis un pécheur. » Etendu à la porte du riche, il va cependant jusqu'à désirer de se rassasier des miettes qui tombaient de sa table. Car le riche ne l'admettait pas au festin, dont il faisait un abus condamnable, et ne lui en faisait point part: ainsi le Scribe, qui possédait les clefs du royaume des cieux, n'y entrait pas lui-même, et ne permettait pas aux autres d'y entrer. Les miettes qui tombent de la table du riche, sont certaines paroles de la Loi, que les Juifs superbes laissaient, pour ainsi dire, tomber à terre, lorsqu'ils parlaient au peuple avec orgueil. Les ulcères figurent la confession des péchés, pareils à ces humeurs malignes qui, du fond des entrailles, s'échappent au-dehors. Les chiens qui les léchaient, sont les hommes profondément pervers attachés aux péchés, qui ne cessent même de louer ouvertement les oeuvres coupables, qu'un autre déplore en son coeur et déteste en en faisant l'aveu. Le sein d'Abraham est le lieu du repos des bienheureux pauvres, à qui appartient le royaume du ciel, où ils sont reçus après cette vie. La sépulture en enfer marque la grandeur,des peines qui dévorent après cette vie les orgueilleux et les hommes au coeur impitoyable. Le Seigneur déclare néanmoins dans ce récit qu'ils voient de loin et qu'ils comprennent ce repos des bienheureux, où jamais ils ne pourront parvenir.

Le rafraîchissement que réclame le mauvais riche pour sa langue, au milieu des flammes qui l'embrasent et l'enveloppent de toutes parts, vérifie le sens de ces paroles : « La vie et la mort sont au pouvoir de la langue. » et de celles-ci que l'on confesse de bouche pour être sauvé : » or, le mauvais riche s'y est refusé par orgueil. L'extrémité du doigt signifie les oeuvres de miséricorde même les plus petites, inspirées par l'Esprit-Saint pour venir en aide à nos frères. Et quand Abraham lui dit : « Tu as reçu le bien dans ta vie, » ce reproche lui rappelle qu'il s'est attaché à la félicité du siècle, et qu'il n'a pas aimé d'autre vie que celle où il s'enflait d'orgueil. Quant à Lazare, il est dit qu'il a reçu les maux, parce qu'il a compris que la mort, la douleur, les travaux et les peines de cette vie sont le châtiment du péché, suivant ce qui est écrit : « Et nous aussi, nous étions enfants de colère, ainsi que les autres » et encore : que l'enfant, celui dont la vie n'a été que d'un jour sur la terre, n'est pas même exempt de péché, parce que nous mourons tous en Adam, qui, en se faisant transgresseur, a mérité la mort.

Il est dit que les justes ne pourraient, lors même qu'ils en auraient la volonté, passer aux lieux où sont tourmentés les impies. Qu'est-ce à dire, sinon qu'en vertu de la sentence immuable de Dieu, les justes ne peuvent, lors même qu'ils le voudraient, exercer en aucune manière la miséricorde à l'égard de ceux qui après cette vie sont jetés dans la prison, pour ne plus en sortir tant qu'ils n'auront pas payé jusqu'à la dernière obole ? Leçon donnée aux hommes, pour qu'ils viennent en aide pendant leur vie à ceux qu'ils peuvent secourir, de peur que, dans la suite, lussent-ils parfaitement reçus, ils ne puissent plus rien pour ceux qui sont l'objet de leur affection. Ce passage de l'Evangile : « Pour qu'ils vous reçoivent eux-mêmes dans les tabernacles éternels » ne peut s'appliquer aux hommes superbes et sans entrailles, semblables à ce mauvais riche, et indignes d'être reçus par les saints dans le séjour bienheureux; mais il regarde ceux qui se sont faits dés amis par les oeuvres admirables de leur charité . Ce n'est pas cependant que les justes les reçoivent, en quelque sorte de leur propre chef, et pour ainsi dire en leur faisant eux-mêmes grâce; mais c'est en vertu de la promesse ét par la permission de Celui qui leur a inspiré de s'en faire des amis, et qui, dans sa bonté libératrice, a bien voulu être nourri, vêtu, reçu et visité dans chacun des plus petits parmi les siens. Maintenant, que cette. réception s'opère aussitôt après cette vie, ou à la fin des siècles, à la résurrection des morts et au jugement dernier, ce n'est pas là une petite question. Mais à quelque moment- qu'elle ait lieu, il est certain que nulle part l'Ecriture ne la promet à ceux qui sont les imitateurs du mauvais riche .

Les cinq frères qu'il dit avoir dans la maison de son père, représentent les Juifs, retenus sous la Loi donnée par Moïse, l'auteur du Pentateuque. Il demande que Lazare soit envoyé vers ses frères, car il se reconnaît indigne de rendre témoignage à la vérité; et comme il n avait obtenu aucun rafraîchissement, il croit d'autant moins à la possibilité d'être délivré de l'enfer, pour aller annoncer cette même vérité. Ces paroles d'Abraham: S'ils veulent croire, ils ont Moïse et les Prophètes, » n'établissent pas la supériorité de ces derniers sur l'Évangile; mais comme l'Évangile, suivant la réflexion de l'Apôtre, est attesté par la Loi et les Prophètes, cela veut dire que la croyance à ceux-ci peut conduire à l'Évangile, selon ces mots de Notre-Seigneur lui-même en un autre endroit : « Si vous croyiez Moïse, « vous me croiriez aussi : car c'est de moi qu'il a écrit. » Ce que dit ensuite Abraham, trouve ici naturellement sa place : « S'ils n'écoutent ni Moïse ni les Prophètes, ils ne croiront pas non plus, quand même un mort ressusciterait. » Moïse et les Prophètes ayant annoncé Celui qui est ressuscité d'entre les morts, s'ils ne les croient pas sur ce point, ils ne veulent pas non plus certainement croire en Jésus-Christ. Beaucoup, moins encore peuvent-ils croire à la résurrection d'un mort quelconque, puisqu'ils ne croient pas Celui dont Moïse et les Prophètes, à qu'ils refusent de croire, ont annoncé la résurrection.

Cette parabole peut encore recevoir une autre interprétation. Lazare étendu à la porte de ce riche représente Notre-Seigneur, qui, dans les abaissements de son incarnation, s'est incliné jusqu'à l'oreille des Juifs si profondément imbus d'orgueil . « Souhaitant se rassasier des miettes qui tombaient de la table du riche, » c'est-à-dire cherchant en eux jusqu'aux moindres oeuvres de justice dont leur orgueil n'eût pas corrompu le mérite à ses yeux, quand même ces oeuvres de miséricorde et d'humilité eussent été de très-peu de valeur, sans esprit de suite et sans cette persévérance qui constitue la vie régulière, pourvu du moins qu'elles eûssent été accomplies de temps à autre ou par hasard, semblables en cela aux miettes qui tombent de la table. Les ulcères signifient les douleurs que le Seigneur a daigné endurer pour nous dans l'infirmité de la chair. Les chiens qui léchaient ces ulcères, sont les Gentils, que les Juifs considéraient comme des pécheurs et des hommes impurs; et cependant, aujourd'hui par toute la; terre, ils goûtent et savourent avec amour les souffrances du Sauveur dans les mystères de son corps et de son sang. Le sein d'Abraham figure le secret du Père, où il est monté après sa résurrection ; il est dit qu’il y a été porté par les Anges, ce qui a trait sans doute à l'annonce de l'Ascension du Sauveur faite aux disciples par les Anges. En effet, qu'ont-ils voulu dire par ces mots : « Pourquoi vous arrêtez-vous à regarder au ciel ? » si ce n'est que l'oeil de l'homme ne peut nullement pénétrer jusqu'à ce secret où montait le Seigneur, quand il s'élevait au ciel en présence de ses disciples ? Le reste peut s'entendre dans le sens exposé précédemment : car le secret du Père s'entend très-bien aussi du lieu où les âmes des justes vivent avec Dieu, en attendant la résurrection. Il est d'autant plus vrai que Dieu est partout, qu'il n'est contenu en aucun lieu, suivant ces paroles adressées au larron Tu seras aujourd'hui avec moi dans le paradis; » d'où le Fils de Dieu n'est jamais sorti, quoique dans cette chair qu'il a prise, il ait tant souffert de la part des hommes dans la ville de Jérusalem.

XXXIX. — Augmentez-nous la foi. » —

 

Ces paroles des disciples au Seigneur : « augmentez-nous la foi, » peuvent signifier, il est vrai, qu'ils demandent l'accroissement de la foi aux choses qu'on ne voit point; mais il y a aussi la foi qui s'appuie, non sur les paroles mais sur les choses elles-mêmes ; c'est ce qui se réalisera, quand la sagesse de Dieu, par qui toutes choses ont été faites , se révélera elle-même aux yeux des saints dans tout l'éclat de sa gloire. C'est sans doute de cette foi et de la lumière qui l'accompagne que parle l'Apôtre Paul, quand il dit: « La justice de Dieu est révélée dans l'Évangile par la foi et pour la foi. » En effet, le même Apôtre dit encore ailleurs : « Pour nous, contemplant sans avoir le visage voilé, comme dans un miroir, la gloire du Seigneur, nous sommes transformés en la même image, nous avançant de gloire en gloire, comme par l'Esprit du Seigneur. » Il dit ici: « de gloire en gloire, » comme il a dit plus haut : « par la foi;» en d'autres termes, de même que 1 s croyants sont illuminés maintenant par lare de l'Évangile, pour arriver à la gloire de la vérité elle-même désormais immuable et sans voile, dont ils jouiront quand ils seront transformée ; de même, dé la foi aux paroles, qui nous fait croire ce que nous ne voyons pas encore, nous passerons à la foi aux réalités, qui nous obtiendra pour l'éternité ce qui est maintenant l'objet de notre foi. Ici trouvent leur application ces paroles de saint Jean dans son Epître aux Parthes : « Mes bien-aimés, nous sommes à présent enfants de Dieu, mais ce que nous serons un jour, n'apparaît pas encore. Nous savons que quand il se montrera dans sa gloire, nous serons semblables à lui, parce que nous le verrons tel qu'il est. » D'où vient en effet que « nous sommes maintenant enfants de Dieu, » si ce n'est parce qu'il nous adonné le pouvoir de devenir enfants de Dieu, en croyant en son nom, et pour que nous voyions comme en énigme ? Et comment serons-nous alors semblables à Dieu, » si ce n'est parce que, suivant le texte sacré, « nous le verrons tel qu'il est ? » C'est ce que nous lisons aussi : « Mais alors ce sera face à face. »

Comme la plupart ne comprennent pas cette foi à la vérité devenue très-sensible, il. peut leur sembler que Notre-Seigneur n'a pas répondu à la prière formulée par, ses disciples. Car ils avaient dit: « Augmentez-nous la foi, » et il leur répond : « Si vous aviez de la foi comme un grain de sénevé, vous diriez à ce mûrier : Déracine-toi, et transplante-toi au milieu de la mer, et il vous obéirait. » Puis il ajoute : « Or, qui de vous, ayant un serviteur occupé à labourer ou à paître les troupeaux, lui dit, aussitôt qu'il est revenu des champs : Va te mettre à table ? Ne lui dit-il pas plutôt : « Prépare-moi à souper, ceins-toi et me sers jusqu'à ce que j'aië mangé et bu, et après tu mangeras et tu boiras. Et aura-t-il de la reconnaissance à ce serviteur d'avoir fait ce qu'il lui avait commandé ? Je ne le pense pas. « Ainsi, vous, lorsque vous aurez fait tout ce qui vous a été commandé, dites : Nous sommes des serviteurs inutiles; nous avons fait ce que nous avons dû faire. » On ne voit pas facilement le rapport qui existe entre ces paroles et la prière adressée au Seigneur: « Augmentez-nous la foi, » à moins de les entendre dans le sens de la foi pour la foi, » c'est-à-dire, que de la foi qui anime au service de Dieu on sera transporté dans cette foi où Dieu lui-même se donne en récompense. La foi trouvera en effet son accroissement, quand, après avoir cru à la parole de l'Évangile, on croira aux réalités rendues sensibles. Or cette contemplation procure le suprême repos, qui s'obtient dans le royaume éternel de Dieu ; et ce repos suprême est la récompense des saints labeurs, accomplis au service de l'Église. Aussi, quoique le serviteur laboure ou paisse les troupeaux dans les champs, en d'autres termes, quoiqu'il s'occupe aux travaux de la vie régulière ou terrestre, ou qu'il serve des hommes stupides comme des animaux, il est nécessaire qu'à la suite de ces travaux, il entre dans la maison, c'est-à-dire, dans l'Église; il faut aussi qu'il y serve son Maître jusqu'à ce qu'il ait pris son repas et bu, car, lui aussi, pressa par la faim, chercha des fruits sur un arbre, et pressé par la soif il demanda de l'eau à la Samaritaine ; le Seigneur doit donc faire sa nourriture et son breuvage de la confession et de la foi des nations, et cette nourriture lui est présentée par ses serviteurs, je veux dire, parles prédicateurs de la foi.

Ce qu'il dit en premier lieu du grain de sénevé trouve aussi son application en cet endroit. Il faut avoir d'abord la foi nécessaire à la vie présente : elle parait très-petite, tant qu'elle est renfermée comme un trésor dans des vases d'argile ; mais elle s'échauffe et germe avec une force extraordinaire. Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui veut être nourri par le ministère de ses serviteurs, c'est-à-dire, transformer les croyants en son corps, après les avoir pour ainsi dire, immolés et mangés, les nourrit aussi maintenant de la parole de foi et du mystère de sa passion. Car il n'est pas venu pour être servi mais afin de servir. Animés d'une foi semblable au grain de sénevé, que ces serviteurs disent donc à ce mûrier, c'est-à-dire à cet Evangile de la Croix de Notre-Seigneur, à ce bois où ses blessures sont comme autant de fruits, empourprés de son sang, qui doivent nourrir les nations: qu'ils lui disent de se déraciner de la terre perfide des Juifs et d'aller se transplanter dans la mer des Gentils car, en servant ainsi le Seigneur dans sa maison, ils rassasieront sa faim et sa soif. Qu'ils cherchent enfin à jouir éternellement des fruits incorruptibles de la divine. Sagesse, après avoir dit : « Nous sommes des serviteurs inutiles ; nous avons fait ce que nous avons dû faire : » il ne nous reste plus rien à accomplir; nous avons achevé notre course, nous avons terminé notre combat, nous n'avons plus qu'à attendre la couronne. Car on peut tout dire de cette ineffable jouissance de la vérité, et d'autant plus qu'on ne peut jamais en parler assez dignement. Elle est la lumière après les ténèbres, le repos après la fatigue, la patrie au retour de l'exil, la nourriture de ceux qui ont faim, la couronne des vainqueurs ; et quels que soient les biens temporels et passagers, que les infidèles demandent aux créatures, la piété des enfants les trouvera tous réunis, pour toujours et dans un sens plus vrai, au sein du souverain Créateur de toutes choses.

XL. — Les dix lépreux. —

 

On peut, à propos des dix lépreux que le Seigneur guérit, en leur disant : « Allez vous montrer aux prêtres, » poser un grand nombre de questions qui présentent un intérêt véritable . Je ne parle pas seulement de la signification attachée au nombre dix, et de cette circonstance particulière, qu'il n'y en eut qu'un seul pour rendre grâces : car ce sont là des questions libres, et qui même n'étant pas approfondies, ne retardent que peu ou point l'attention des lecteurs ; mais ce qu'il est le plus important de savoir, c'est le motif pour lequel il les envoya aux prêtres, pour qu'ils fussent guéris en y allant. On ne voit pas eu effet, parmi tous ceux qui lui durent la guérison corporelle, qu'il en ait envoyé aux prêtres d'autres que des lépreux. Déjà, c'était à un lépreux, guéri par sa bonté, qu'il avait dit : « Va te montrer au prêtre, et offre pour toi le sacrifice ordonné par Moïse, afin que cela leur serve de témoignage. » Ensuite quelle guérison spirituelle peut-on supposer dans ceux à qui il fait un reproche de leur ingratitude ? Car il est facile de voir qu'un homme peut n'être pas affligé de la lèpre corporelle, sans avoir pour cela un bon coeur ; mais quand on veut approfondir la signification de ce miracle, on se demande avec émotion. comment on peut dire d'un ingrat qu'il est guéri.

Voyons donc de quoi la lèpre elle-même est la figure. L'Evangile ne dit pas de ceux qui en ont été délivrés., qu'ils sont guéris, mais purifiés la lèpre est en effet un défaut de couleur, et non la privation de la santé ou de l'intégrité des serfs. et des membres. Il est donc permis de voir dans les lépreux le symbole de ces hommes qui, n'ayant pas la science de la vraie foi, professent ouvertement les divers enseignements contradictoires de l'erreur. Car ils ne voilent pas même leur inhabileté, mais ils font tous leurs efforts pour produire l'erreur au grand jour et mettent à son service toute la pompe de leurs discours. Or, il n'est pas de fausse doctrine quine renferme quelque mélange de vérité. Les vérités qui apparaissent dans la discussion ou la conversation d'un homme, mélangées sans aucun ordre avec l’erreur, comme des taches sur un corps, représentent donc la lèpre, qui couvre et macule le corps de l'homme de couleurs vraies et de couleurs fausses. Or, il faut que l'Église évite de tels hommes, afin, s'il est possible, qu'ils, élèvent du plus loin qu'ils sont un grand cri vers le Christ, comme les dix lépreux, qui s'arrêtèrent loin de lui, et élevèrent la voix, disant : « Jésus, notre précepteur, ayez pitié de nous. » Ce nom qu'ils donnent au Sauveur, et qu'aucun malade, que je sache, n'a employé pour lui demander la guérison du corps, me donne assez lieu de croire que la lèpre est la figure de la fausse doctrine, que le bon Maître guérit.

Quant au sacerdoce judaïque, il n'est presque pas de fidèles qui ne sache qu'il étau te type du futur et royal sacerdoce qui est dans l'Église, et qui consacre tous ceux qui appartiennent au corps du Christ, le véritable chef et le premier de tous les prêtres. Aujourd'hui, en effet, ils ont tous en partage l'onction, qui était alors le privilège exclusif du sacerdoce et de la royauté; et quand saint Pierre, écrivant au peuple chrétien, lui donne le nom de sacerdoce royal, » il proclame par là que ce double nom convenait au peuple, à qui était réservée cette onction. Ainsi, pour les défauts de santé de l'âme, et en quelque sorte de ses membres et de ses sens, le Seigneur les guérit et les corrige par lui-même intérieurement dans la conscience et dans l'esprit ; mais à l'Église il appartient proprement, soit de pénétrer les âmes de sa doctrine par les Sacrements, soit de les catéchiser par des discours publics ou des lectures, où l'on découvre en quelque sorte la couleur de la vérité et de la sincérité, parce qu'elle est à la portée de tous, et parfaitement mise en évidence, car cela se fait, non dans le secret des pensées, mais par des manifestations extérieures. Aussi même après avoir entendu ces paroles du Seigneur : « Pourquoi me persécutes-tu? » et : « Je suis ce Jésus, que tu persécutes, » Paul fut-il envoyé vers Ananie, pour recevoir, du sacerdoce établi dans l'Église, le mystère de la doctrine de la foi, et être reconnu comme un véritable docteur. Ce n'est pas que le Seigneur ne puisse tout faire par lui-même : car, même dans l'Église, quel autre, que lui fait toutes ces choses ? Mais il arrive ainsi que par cette approbation et communication réciproque de la vraie doctrine, observée dans. la prédication de la parole et dans la confection des Sacrements, la société de fidèles conserve aux yeux de tous le cachet de l'unité dans la vérité. Ce que dit le même Apôtre, trouve bien encore ici sa place : « Quatorze ans après, je montai à Jérusalem avec Barnabé, ayant pris aussi Tite avec moi. Or, j'y allai suivant une révélation; et de peur de courir ou d'avoir couru en vain, j'exposai à ceux de cette Eglise, et en particulier à ceux qui étaient les plus considérables, l'Evangile que je prêche parmi les Gentils. » Et un peu plus loin : « Ceux, dit-il, qui étaient reconnus.comme les colonnes de l'Eglise, Jacques, Pierre et Jean, ayant reconnu la grâce qui m'avait été communiquée, nous donnèrent la main, à Barnabé et à moi, en signe d'union . » Cette entente des Apôtres faisait voir l'unité de leur doctrine, dont toute divergence était exclue. A ce propos, l'Apôtre donne encore aux Corinthiens cet avis salutaire : « Je vous conjure, mes frères, leur dit-il, par le nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ, de faire en sorte que vous n'ayez tous qu'un même langage. » Quoique Corneille eût appris d'un Ange que ses aumônes avaient été reçues et ses prières agréées, cependant pour conserver l'unité de la doctrine et des sacrements, il reçoit lui aussi l'ordre d'envoyer vers Pierre ; c'est comme si on lui avait dit, à lui et aux siens : « Allez, et montrez-vous aux prêtres. » Et ils furent, eux aussi, guéris en faisant cette démarche. Car déjà Pierre était venu vers eux ; mais comme ils n'avaient pas encore reçu le sacrement de Baptême, ils ne s'étaient pas encore présentés spirituellement aux prêtres ; et cependant leur guérison avait été rendue manifeste par la descente du Saint-Esprit et par le don des langues.

Les choses étant ainsi, il est facile de voir qu'on peut suivre dans la société de l'Eglise la pure et véritable doctrine, expliquer tout suivant là règle de la foi catholique, distinguer la créature du Créateur, et montrer par là qu'on a échappé à cette sorte de lèpre qui est le mensonge. avec ses variétés; et cependant qu'on peut aussi être ingrat envers le Seigneur Dieu, à qui l'on doit d'en être préservé ; parce qu'on ne veut pas abaisser son propre orgueil dans l'humilité de l'action de grâces, et qu'on devient alors semblable à ces hommes dont parle l'Apôtre : « Qui, ayant connu Dieu, ne l'ont pas glorifié comme Dieu et ne lui ont pas rendu grâces. » En disant qu'ils ont connu Dieu, l'Apôtre montre, il est vrai, qu'ils ont été guéris de la lèpre, mais néanmoins il leur reproche aussitôt leur ingratitude. Aussi de tels hommes demeureront dans le nombre neuf, à raison de leur imperfection. Car ajoutez un à neuf, et l'image de l'unité est parfaite; il y a là quelque chose de si complet, que les nombres ne vont pas plus loin, à moins qu'on ne revienne à un; et cette règle doit être observée jusqu'à l'infini. Neuf veut donc un, pour former avec lui dix, symbole de l'unité ; et pour garder l'unité, un n'a pas besoin de neuf. Aussi de même que les neuf lépreux qui n'ont pas rendu grâces furent réprouvés pour leur conduite, et exclus du concert de l'unité ; ainsi celui qui fut le seul pour témoigner sa reconnaissance, a été loué et approuvé comme un type frappant de l'unité de l'Eglise. Et comme ceux-là étaient des Juifs, ils ont été déclarés déchus par leur orgueil du royaume des cieux, où l'unité se conserve dans les conditions les plus parfaites; quant à celui-ci, qui était samaritain, c'est-à-dire, gardien fidèle, attribuant à son bienfaiteur ce qu'il tenait de lui,.et chantant en quelque sorte ce verset du- psalmiste : « Je garderai ma force auprès de vous, » il s'est soumis au roi par sa reconnaissance, et par son humble dévouement il a conservé le privilège de l'unité.

XLI. — Être sur le toit. —

 

Que veut dire le Seigneur par ces paroles : « Que celui qui se trouvera sur le toit, et aura ses meubles dans la maison, ne descende point pour les emporter? » Celui qui est sur le toit, » c'est l'homme spirituel, qui, s'élevant au-dessus des idées charnelles, vit en quelque sorte dans un air libre. « Les vases qu'il a dans sa maison, » représentent les sens, au sujet desquels plusieurs s'abusent profondément, en cherchant à leur aide la vérité, qui s'acquiert par l'intelligence. Ces meubles de l'homme spirituel restent donc dans la maison : car, en dominant le corps par l'esprit, grâce à la force de son intelligence et demeurant ainsi, en quelque sorte, sur le toit, il jouit comme d'un ciel très-serein dans sa prévoyante sagesse. Qu'il se garde donc, au jour de la tribulation, de retourner aux plaisirs de la vie charnelle qui s'alimente par les sens, et de descendre pour emporter des meubles de si peu de prix.

XLII. — Être dans les champs. —

 

Quel est le sens de ces paroles: « Et que celui qui sera dans le champ, ne retourne point non plus sur ses pas? » Que celui qui travaille dans l'Eglise, plante et arrose comme Paul et Apollon, ne doit plus tourner les yeux vers les espérances du monde, auxquelles il a dit adieu.

XLIII. — La femme de Loth.-

 

De qui la femme de Loth est-elle l'itpage? De ceux qui regardent en arrière dans la tribulation, et se détournent de' l'espérance attachée aux divines promesses. Aussi fut-elle changée en statue de sel, afin qu'en invitant les hommes à ne pas tomber dans ce désordre; elle soit pour leur coeur comme un condi, ment qui les empêche de s'affadir.

XLIV. — Le lit, le moulin et le champ. —

 

Pourquoi dire qu' en cette nuit-là deux seront au lit, deux femmes occupées à moudre ensemble, et deux hommes au champ, » et que de toutes ces personnes se trouvant réunies deux à deux, l'une sera prise et l'autre laissée? Il me semble qu'il ya ici trois espèces d'hommes représentées ;les uns ont fait choix de l'oisiveté et du repos, et ne s'occupent ni des affaires séculières ni des attires ecclésiastiques : le lit est l'image de leur repos; les autres, appartenant à la plèbe, sont dirigés par de plus savants qu'eux et s'emploient aux choses du siècle : ils sont figurés par des femmes, parce qu'ils ont besoin, comme je l'ai dit, d'être gouvernés par de plus habiles; ils sont représentés occupés à moudre, image du cercle interminable des affaires temporelles ; cependant ces femmes travaillent ensemble, ce qui veut dire qu'elles contribuent de leurs propres biens et de leurs travaux aux besoins de l'Eglise : la troisième espèce d'hommes se compose de ceux qui occupent les emplois du ministère ecclésiastique et travaillent en quelque sorte dans le champ de Dieu; c'est de cette agriculture que parle l'Apôtre. Or, dans chacune de ces trois espèces d'hommes, il yen a encore de deux sortes, et on les distingue à la puissance de leur énergie. Quoique tous paraissent être du nombre des membres de l'Eglise, cependant quand arrivent l'épreuve et la tribulation, parmi ceux qui sont dans le repos, parmi ceux qui sont dans les embarras du siècle, et parmi ceux qui servent Dieu dans l'Eglise, il y en a quelques-uns qui demeurent debout et quelques-uns qui tombent :ceux qui restent debout, sont pris, et ceux qui tombent sont laissés. Quand il est dit que l'un sera pris et l'autre laissé, » cela ne doit donc pas s'entendre de deux hommes seulement, mais de deux genres de dispositions qui existent parmi les trois espèces de profession. « En cette nuit-là » signifie par conséquent, en cette tribulation. A ces trois espèces d'hommes qui sont pris; je crois devoir aussi faire rapporter le trois noms des saints personnages, qui, suivant le prophète Ezéchiel, seront seuls délivrés : Noë, Daniel et Job. Noë semble avoir un point de ressemblance avec ceux qui gouvernent l'Eglise : l'arche, figure frappante de l'Eglise, ayant été dirigée par lui sur les eaux du déluge. Daniel, qui choisit le célibat, c'est-à-dire méprisa les noces terrestres, afin, comme dit l'Apôtre, de vivre sans sollicitude et de penser aux choses de Dieu, est la figure de ceux qui sont dans le repos, mais se montrent néanmoins très-forts dans l'épreuve, afin de pouvoir être pris. Job, qui eut une femme et des enfants et des biens terrestres en abondance, représente ceux à qui 'est départi le travail du moulin, mais afin d'être, à son exemple, très-courageux dans les épreuves; car ils ne pourront être pris autrement. Je ne pense pas qu'il y ait dans l'Eglise d'autres espèces d'hommes que les trois que nous venons de signaler, avec la double différence que constate l'élection ou l'abandon, quoiqu'on puisse trouver en, chacune d'elles une grande variété de volontés et de goûts concourant néanmoins à la concorde et à l'unité.

XLV. — Du juge inique importuné par une veuve. —

 

Comment se fait-il que, pour exhorter à prier toujours et à ne se lasser jamais, le Seigneur propose la parabole du juge inique, qui ne craignant point Dieu et ne se souciant point des hommes, céda cependant aux importunités d'une veuve pour lui rendre justice, de peur qu'elle ne lui causât de l'ennui ? car c'est le sens de ces mots: « De peur qu'elle ne vienne me faire quelque affront. » Parfois le Seigneur , propose ses paraboles sous forme de similitude; c'est ce qui a lieu, par exemple, dans la parabole du serviteur à qui son maître remet, après sa reddition de compte, ce dont il se trouve débiteur, et qui cependant ne consent pas lui-même à accorder au moins un délai à son compagnon ; dans celle du créancier qui, ayant remis les dettes à deux de ses débiteurs, fut aimé davantage par celui auquel il avait plus remis ; dans celle encore de cet homme qui avait deux fils, l'aîné qui demeura auprès de lui aux champs, et le plus jeune, qui s'éloigna de lui et vécut dans la débauche ; on pourrait citer un grand nombre d'exemples de ce genre dans ces paraboles, en étudiant les traits de ressemblance l'intelligence va de l'objet qu'elles représentent à la recherche et à la découverte de la vérité. D'autres fois le Seigneur appuie ce qu'il avance sur les contraires ; c'est ce qui a lieu dans le passage suivant : «Si Dieu revêt de cette sorte une herbe des champs, qui parait aujourd'hui et qui sera demain jetée au four, à combien plus forte raison, vous revêtira-t-il, ô hommes de peu de foi. » C'est à ce genre de paraboles qu'appartient ce qu'il dit du serviteur à qui le maître annonce qu'il lui retire l'administration de ses biens : ce serviteur trompait son maître, en falsifiant les promesses écrites et en remettant aux débiteurs de ce dernier ce qu'il jugeait convenable à ses propres intérêts. Cependant le Seigneur ne veut point à coup sûr que nous le trompions lui-même, mais s'il dit que l'économe infidèle fut loué par son maître pour avoir pourvu à son avenir, avec combien plus d'ardeur veut-il que nous fassions un bon usage des richesses d'iniquité, afin de pourvoir ainsi à nos intérêts éternels. Nous avons traité cette question en son lieu. C'est encore au même genre de paraboles qu'appartient celle où il est question d'un homme qui se lève au milieu de son sommeil, pour donner trois pains à son ami, non par sentiment d'amitié, mais pour se soustraire à ses importunités.

Or, si cet homme adonné pour un pareil motif, à combien plus ,forte raison Dieu, qui aime ses serviteurs et les exhorte à prier,leur accordera-t-il les biens qu'ils lui demandent. La première espèce de paraboles peut donc être résumée en ces termes : Ceci est semblable à celà ; et la seconde, sous la forme suivante : Si telle chose est, à combien plus forte raison telle autre. Ou bien : Si telle chose n'est pas, combien moins telle autre . Mais tantôt ces paraboles sont obscures, tantôt elles présentent un sens facile à saisir. Ce juge inique nous est donc présenté, non pas sous la forme de similitude, mais au point de vue des contraires; le Seigneur a voulu montrer par cet exemple combien doit être grande la confiance de ceux qui prient avec persévérance le Dieu qui est à la fois la source de la justice et de la miséricorde et tout ce qu'on peut dire ou entendre de plus parfait, puisque la prière persévérante d'une femme a pu triompher du juge le plus inique, pour en obtenir ce qu'elle désirait.

Cette même veuve peut très-bien être considérée comme l'image de l'Eglise : celle-ci est dans la désolation jusqu'à la venue du Seigneur, qui cependant la protège maintenant encore d'une manière mystérieuse. Si l'on demande pourquoi les élus veulent être vengés, comme les martyrs dans l'Apocalypse de saint Jean, tandis qu'il nous a été expressément ordonné de prier pour nos ennemis et nos persécuteurs ; par cette vengeance des justes, il faut entendre qu'ils demandent la destruction du règne de tous les méchants ; or, ceux-ci finissent leur règne de deux manières, ou parleur retour à la justice, ou par le châtiment qui détruit leur puissance, cette puissance qu'ils exercent maintenant contre les justes tant que le bien de ceux-ci y est intéressé ou du moins pendant un temps donné. D'ailleurs quand tous les hommes se convertiraient à Dieu, même les ennemis pour lesquels nous devons prier, il resterait encore le démon, qui agit parmi les fils de l'incrédulité, destiné qu'il est à être condamné à la fin des siècles; or, les justes appellent cette fin de leurs voeux, tout en priant pour leurs ennemis ; ce n'est donc pas sans raison qu'ils réclament vengeance.

XLVI. — Le prince qui va prendre possession de son royaume. —

 

Il y avait un homme de grande naissance, qui s'en alla dans un pays éloigné, « pour y prendre possession d'un royaume, et revenir ; » cet homme distingué, c'est Notre-Seigneur Jésus-Christ lui-même. Ce pays éloigné c'est l'Eglise des nations répandue jusqu'aux extrémités de la terre. Il doit cependant revenir ; il s'est éloigné en effet, pour faire entrer la plénitude des nations ; et il reviendra, pour que tout Israël soit sauvé. Les dix mines signifient les dix commandements de la loi ; les dix serviteurs, ceux à qui la grâce a été annoncée quand ils étaient -soumis à cette même loi. Car il faut bien l'entendre : les dix mines leur furent confiées, quand ils comprirent qu'il n'y avait plus de voile et que la Loi elle-même faisait partie de l'Evangile. Ceux de son pays qui lui envoyèrent des députés, pour protester qu'ils ne voulaient pas de lui pour roi, sont les Juifs, qui, même après la résurrection de Jésus-Christ, firent endurer des persécutions aux Apôtres et repoussèrent la prédication de l'Evangile. Or, il revint, après avoir pris possession de son royaume : Celui qui est venu dans l'humanité, disant : « Mon royaume n'est pas de ce monde , » viendra un jour dans l'appareil et l'éclat le plus magnifique. Les serviteurs qui rendent compte de ce qu'ils ont reçu, et qui sont loués de l'avoir fait fructifier, représentent ceux qui,ayant fait bon usage de la foi, pour augmenter les richesses du Seigneur dans la personne de ceux qui croient, ont ainsi un compte favorable à rendre. Ceux qui se refusent à agir de la sorte, sont figurés par celui qui conserva sa mine enveloppée dans un mouchoir. Il y a en effet des hommes assez pervers pour se flatter de dire : Il suffit à chacun de rendre compte pour soi; qu'est-il besoin de prêcher aux autres ou de les servir, pour être ensuite forcé de rendre compte aussi pour eux, puisque ceux-là mêmes sont inexcusables devant Dieu, qui n'ont pas reçu la loi ni entendu l'Evangile, et se sont endormis : parce qu'ils pouvaient au moyen de la créature connaître le Créateur, ses perfections invisibles étant devenues intelligibles depuis la création du monde, par la connaissance que les créatures nous en donnent, ? C'est en effet comme recueillir où il n'a pas semé, c'est-à-dire, considérer comme des impies ceux qui n'ont pas reçu la parole de la loi ou de l’Evangile.

Pour se soustraire, en quelque sorte, aux sévérités du jugement, ils s'abstiennent, dans une honteuse paresse, du ministère de la parole ; or, c'est là tenir son talent enveloppé dans un mouchoir. Par cette banque où l'argent devait être déposé, nous entendons la profession même de la Religion, qui s'ouvre en quelque sorte publiquement pour procurer la facilité du salut. Parmi les serviteurs fidèles, celui qui a acquis dix mines et celui qui en a acquis cinq, représentent ceux qui, ayant eu l'intelligence de la loi par le moyen de la grâce, ont été acquis eux-mêmes au bercail du Seigneur, soit parce que la loi est contenue dans le décalogue, soit parce que le promulgateur de la Loi a composé les cinq livres du Pentateuque. Les dix villes et les cinq villes, sur lesquelles, ces serviteurs ont autorité, ont la même signification. La multiplication de l'intelligence dans la variété qui naît elle-même de chaque précepte ou de chaque livre, rapportée à un seul objet, forme pour ainsi dire la cité vivante des raisons éternelles. Car cette cité ne se compose pas d'êtres quelconques, niais d'une multitude d'intelligences raisonnables, unies ensemble par les liens d'une même loi. On ôte ce qu'il avait reçu à celui qui ne l'a pas t'ait fructifier, et on le donne à celui qui avait dix mines ; cette circonstance signifie- que celui qui possède un don de Dieu, mais l'a comme s'il ne l'avait pas, c'est-à-dire, ne lé fait pas fructifier, peut même le perdre ; et que ce don peut s'accroître dans celui qui l'a dans un sens vrai, c'est-à-dire , en fait un bon usage. Quant à l'ordre donné par le roi de mettre à mort ses ennemis en sa présence, il marque l'impiété des Juifs qui n'ont pas voulu se convertir au Seigneur.

XLVII. — Du chameau qui passe par le trou d'une aiguille. —

 

Que veut dire le Sauveur par ces paroles : « Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d'une aiguille, qu'à un riche d'entrer dans le royaume de Dieu ? » En cette circonstance, il donne le nom de riche à l'homme avide des biens terrestres et fier de les posséder. Ces riches sont l'opposé des pauvres en esprit, à qui appartient le royaume des cieux. D'où il suit manifestement que tous les hommes avides de richesses sont compris sous l'anathème du Sauveur, quand. bien même ils ne seraient pas les détenteurs de la fortune : c'est pourquoi ceux qui entendirent ces paroles, s'écrièrent Et qui donc pourra être sauvé ? » La foule des pauvres est de beaucoup la plus nombreuse; mais ils comprirent qu'au nombre des riches étaient comptés ceux-là même qui n'ont pas les biens de la terre, mais brûlent d'envie de les posséder. Or, voici le sens : Il est plus facile au Christ de souffrir pour les amateurs du siècle, qu'aux amateurs du siècle de pouvoir se convertir au Christ. Il a voulu se désigner lui-même sous l'emblème de ce chameau, car il a humilié ses épaules sous le fardeau. En qui, en effet, mieux qu'en lui-même, s'est vérifiée cette parole de l'Ecriture : « Plus vous êtes grand, plus il faut vous humilier ? » L'aiguille est le symbole des piqûres, c'est-à-dire des douleurs de la Passion; le trou de l'aiguille marque par conséquent les angoisses endurées dans ces douleurs. Quant à ces paroles : « Ce qui est impossible aux hommes, est possible à Dieu, » elles ne veulent pas dire que les ambitieux et les superbes, figurés par le riche, entreront dans le royaume des cieux avec leur cupidité et leur orgueil; mais que Dieu peut, à l'aide de sa parole, comme nous l'avons déjà vu et comme nous le voyons encore tous les jours, entraîner de l'amour effréné des choses temporelles à l'amour des choses éternelles, d'un orgueil plein de dangers à une humilité très-salutaire.

XLVIII. — Aveugles de Jéricho. —

 

L'Évangile dit que Jésus et ses disciples étaient proches de Jéricho : ceci pourrait s'entendre en ce sens qu'ils étaient déjà sortis de la ville, mais qu'ils en étaient encore très-rapprochés : il est vrai que, cette manière de parler n'est pas conforme à l'usage ; mais ce qui rendrait cette interprétation vraisemblable, c'est que, suivant saint Matthieu, la guérison des deux aveugles assis sur le bord du chemin eut lieu, quand Jésus sortait de Jéricho. Il n'y a pas à s'occuper du nombre, si un Evangéliste ne parle que d'un aveugle et ne s'est souvenu que d'un seul. En effet, saint Marc ne mentionne qu'un aveugle guéri par Notre-Seigneur, au moment où il sortait de Jéricho ; il donne même son nom et celui de son père : ce qui nous donne à entendre que l'un des aveugles était très-connu, et mérita par ce motif d'être signalé, tandis que l'autre était inconnu. Mais comme la suite du texte, dans l'Evangile selon saint Luc, démontre très-clairement que la guérison racontée par lui s'opéra lorsque Jésus et ses disciples allaient à Jéricho, il ne reste plus qu'à reconnaître qu'il y a eu deux guérisons miraculeuses, l'une en faveur d'un aveugle quand Jésus venait à Jéricho, et l'autre en faveur de deux aveugles, au moment où Jésus sor ait de cette ville : l'une racontée par saint Luc, et l'autre par saint Matthieu. Toutefois ces circonstances ne sont pas sans renfermer quelque mystère. Si l'on prend dans son sens figuré Jéricho, qui signifie lune, et par suite révèle l'idée de mortalité, le Seigneur, sur le point de mourir, ayant prescrit de porter aux Juifs exclusivement la lumière de l'Evangile, l'aveugle dont parle saint Luc est leur figure ; mais après sa résurrection et au moment de s'éloigner, il,voulut que la lumière de l'Evangile fut portée et aux Juifs et aux Gentils ; les deux aveugles dont parle saint Matthieu sont la figure de ces deux peuples.

— Le temple.

 

Par le temple dont il est fait mention dans l'Evangile, entendez l'humanité de Jésus-Christ, ou si volts le voulez encore, le corps même de Jésus-Christ, qui est l'Eglise. En tant qu'il est la tête de l'Eglise, il a dit : « Renversez ce temple, et en trois jours je le rétablirai. » Mais il semble qu'il a fait allusion à son Eglise, quand il a dit : « Otez tout cela d'ici, car il est écrit: Ma maison sera appelée une maison de prières ; et vous en avez fait une maison de trafic, ou une caverne de voleurs. » Image de ce qu'on devait voir un jour dans l'Eglise : des hommes y travaillant à leurs propres affaires, ou en faisant un asile pour cacher leur scélératesse, plutôt que d'imiter la charité du Christ, et après la réception du pardon qui suit l'aveu des péchés, de se corriger de leurs défauts.

XLIX. — De la vie des justes ressuscités. —

 

Car alors, dit Notre-Seigneur, ils ne pourront plus mourir, » parce que le mariage a pour but la famille, que la famille se soutient par l'hérédité, et que les successions n'ont lieu.que par la mort : donc, où la mort n'existe pas, le mariage n'a plus de raison d'être. De même en effet que nos discours se composent et s'achèvent à J'aide de syllabes qui meurent et se succèdent, ainsi les hommes eux-mêmes, dont le langage est ainsi formé, concourent, en mourant et en se succédant, à la perfection de l'ordre de ce siècle, qui consiste dans la beauté des choses temporelles. Mais dans l'autre vie, comme le Verbe de Dieu dont nous jouirons n'a pas besoin, pour se compléter, de syllabes qui meurent et se succèdent, mais qu'il a en lui-même tout ce qui le rend parfait, en demeurant le même éternellement ; ceux -qui le posséderont et dont il sera à lui seul la vie, ne se feront point place par la mort, et ne se succéderont point par la naissance.

L. — Prier pour n'entrer point en tentation. —

 

Après avoir dit à ses disciples: « Priez, afin que vous n'entriez point en tentation ; le Seigneur s'éloigna d'eux environ d'un jet de pierre; » comme pour les avertir de diriger la pierre vers lui, c'est-à-dire, de voir en lui-même le terme de la loi, qui était écrite sur la pierre. Cette pierre peut effectivement venir jusqu'à lui, car la fin de la loi est Jésus-Christ, établi pour justifier tous ceux qui croiront en lui.

LI. — Il fit semblant d'aller plus loin. » -

 

Il n'y a pas de mensonge dans cette action de Notre-Seigneur, rapportée par l'Evangile : « Il fit semblant d'aller plus loin. » Car toute fiction n'est pas un mensonge: il n'y a de mensonge que quand notre fiction n'a aucun sens réel. Mais quand elle est destinée à signifier quelque chose, au lieu d'être un mensonge, elle est une figure de quelque chose de vrai. Autrement toutes les paroles employées dans le sens figuratif par les sages, les saints, et même par le Seigneur, devraient être regardées comme des mensonges; car, à prendre ces paroles dans leur sens ordinaire, elles ne contiennent pas la vérité. Ainsi cet homme qui eut deux fils dont le plus jeune partit pour une contrée lointaine, après avoir obtenu sa part de patrimoine, et le reste du récit, ne s'entendent point d'un personnage réel, à qui arrivèrent de la part de ses deux fils toutes les peines et les événements racontés dans cette parabole. C'est donc là une fiction qui a un sens à part, et la portée en est même si grande et si vaste, si incomparablement supérieure, que cet homme qu'elle représente est l'image du vrai Dieu lui-même. Il en est des actions comme des paroles : elles sont exemptes de mensonge, quand elles sont des fictions qui ont un sens réel telle est l'action de Notre-Seigneur lui-même cherchant du fruit sur un figuier, lorsque ce n'était pas encore la saison des figues. Il n'y a pas à mettre en doute que Jésus n'ait pas cherché réellement du fruit ; car tout homme, à défaut de la connaissance divine, pouvait savoir, par la circonstance seule de la saison, que ce figuier n'en avait pas alors. Une fiction qui a rapport à quelque vérité, est donc une figure ; et celle qui n'a pas ce rapport, est un mensonge.

Quelle est maintenant la signification de la conduite du Sauveur, faisant semblant d'aller plus loin quand il marchait- avec ses disciples, et tandis qu'ils ignoraient qui il était leur découvrant le sens des saintes Ecritures ? Quel le est-elle, pensez-vous, sinon que l'homme peut parvenir à le connaître lui-même en exerçant le devoir de l'hospitalité et que, quoiqu'il se soit éloigné des hommes en s'élevant au dessus de tous les cieux, il est cependant avec ceux qui exercent ce devoir à l'égard de ses serviteurs. En effet, lorsqu'ils lui diront : « Seigneur, quand est-ce que nous vous avons vu sans logement, et que nous vous avons logé ? A attendu qu'il était comme éloigné d'eux, il leur répondra : Ce que vous avez fait à l'un des plus petits d'entre les miens, c'est à moi-même que vous l'avez fait. » Celui-là donc retient le Christ pour l'empêcher d'aller plus loin, qui est instruit de la parole de Dieu et assiste de ses biens en toute manière celui qui l'instruit , conformément à cette parole de l'Apôtre : « Que celui qu'on instruit de la parole, assiste de tous ses biens celui qui l'instruit; » et encore suivant ces autres paroles : « Prenez part aux nécessités des saints, » après lesquelles viennent immédiatement celles-ci : « Aimez à exercer l'hospitalité. » Or, les disciples étaient instruits de la parole, quand le Sauveur leur expliquait les Ecritures, et pour récompense de l'hospitalité qu'ils exercèrent envers lui, ils le reconnurent à la fraction du pain, quoiqu'il ne l'eussent pas reconnu quand il leur découvrait le sens des livres saints. Car ce ne sont point ceux qui écoutent la loi qui sont justes devant Dieu ; mais ce sont ceux qui gardent la loi qui seront justifiés.

Jésus est dépouillé de ses vêtements. — Ceux qui ôtèrent au Seigneur ses propres habits dans la passion, et le revêtirent d'un manteau d'écarlate, représentent ces hérétiques, dont l'erreur consiste à dire qu'il n'eut pas un corps réel, mais fictive.

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