LES ACTES DE SAINT MENAS

 

Lorsque Dioclétien et Maximien, ces ennemis acharnés du véritable Roi, tenaient les rênes de l'empire, ils envoyèrent dans l'univers entier des édits par lesquels il était enjoint de pratiquer leur religion impie, et de mettre à mort ceux qui refuseraient d'obtempérer, en ne renonçant pas à la foi de Jésus Christ. Dés lors, que n'eurent pas à souffrir ceux qui aimaient le Seigneur ? Les prisons n'étaient plus assez spacieuses pour contenir la multitude de ceux qu'on y amenait journellement : des maisons qui naguère regorgeaient d'habitants, étaient alors désertes, tandis que les lieux déserts se transformaient soudainement en cités, vu la multitude de ceux qui y cherchaient un refuge. Les amis de la vérité étaient livrés aux supplices, comme d'insignes malfaiteurs : on pillait leurs biens. Les lois mêmes de la nature étaient foulées aux pieds : on voyait le père livrer son fils à la mort, le fils dénoncer soit père pour le faire condamner. De profondes ténèbres semblaient envelopper tous les esprits; car si, d'une part, les fidèles étaient partout traqués ou mis en fuite, de l'autre, les prôneurs et les adeptes de l'impiété troquaient en tout lieu applaudissements et assurance : l'air même était empesté de sang humain, et les plus robustes poitrines étaient suffoquées par l'odeur nauséabonde qui s'exhalait des sacrifices.

A cette époque vivait en Égypte, sa patrie, Menas, homme admirable et doué d'une vertu éclatante, d'autant plus digne d'éloges que son père et ses aïeux ne demeurèrent pas stables dans la piété chrétienne, mais au contraire se montrèrent faibles à soutenir ce qu'il y a de plus ferme et de plus solide.

Son Père était de Nikiou et se nommait Eudoxe ; il était gouverneur de la ville. Son frère le jalousa et le calomnia auprès du Roi qui l’envoya en Afrique et lui en donna le gouvernement. Les gens de ce pays s’en réjouirent, car c’était un homme miséricordieux et craignant Dieu. Quant à sa mère, elle n’avait pas d’enfants. Un jour, elle entra à l’église, le jour de la fête de Notre Dame la Vierge Marie dans la ville d’Atribe. Elle vit les enfants des fidèles bien habillés avec leurs parents qui se réjouissaient avec eux. Elle soupira, pleura beaucoup devant l’icône de la Vierge et la pria de demander à son Fils bien aimé de lui accorder un enfant. Sur-le-champ, une voix sortit de l’image et dit « Amen ». Elle se réjouit de ce qu’elle entendit car elle crut que le Seigneur reçut sa prière. Quand elle fut revenue dans sa demeure et qu’elle eut fait connaître cette parole à son mari : « Que la volonté soit faite » dit-il. Peu après Dieu lui accorda ce Saint qu’ils appelèrent Mina de la voix que sa mère avait entendue.

Lorsqu’il eut un peu grandi, ils lui apprirent l’écriture et les sciences spirituelles. Quand il fut arrivé à l’âge de onze ans, son père mourut dans une belle vieillesse et, trois ans après, il perdit sa mère. Saint Mina resta seul et s’adonna au jeûne, à la prière et à la piété. A cause de la vive affection que ses chefs avaient pour lui et son père, ils lui donnèrent la place de celui-ci, mais il ne négligeait pas d’adorer Dieu.

Menas avait embrassé l'état militaire sous Firmilien, tribun de la milice. Peu de temps après, il fut nommé préfet de la cohorte des Rutiliaques, qu'il surpassait tous par sa présence d'esprit, par sa grandeur d'âme, par sa belle taille et par tous les autres avantages du coeur et du corps qui rendent un homme accompli. Comme il se trouvait dans la métropole des Cotyeus, étant un jour alléchez le tribun, il prit connaissance dé l'édit impie des empereurs. Aussitôt il jette sa ceinture militaire et s'enfuit en un lieu désert, préférant vivre avec les bêtes féroces plutôt qu'avec les adorateurs de vains simulacres. Là il s'adonnait aux jeûnes, aux veilles et à la méditation des oracles divins. Après avoir ainsi purifié ses sens, éclairé son âme et pénétré dans les mystères de la vraie piété, il connut par une révélation que le temps était arrivé d'accomplir le projet qu'il méditait depuis longtemps.

Un jour, il vit le ciel ouvert et les martyrs portants de belles et glorieuses couronnes.Une voix lui dit : « Quiconque souffre pour le nom du Christ reçoit ces couronnes. »

Sachant donc que ce jour-là la ville des Cotyens célébrait une fête solennelle, accompagnée du spectacle d'un combat équestre, il descend de la montagne où il demeurait, et entre dans la ville. Au moment où le peuple composé de juifs, de gentils et de chrétiens, regardait avidement le combat, Menas se présente au milieu de l'amphithéâtre, traverse la foule assemblée dans l'arène, monte sur un lieu élevé, d'où il puisse être aperçu par les spectateurs, et s'écrie d'une voix retentissante : " J'ai été trouvé par ceux qui ne me cherchaient pas; je me suis présenté ouvertement à ceux qui ne m'interrogeaient pas." Voulant dire par là que ce n'était point par contrainte, mais de son plein gré qu'il venait affronter le combat. A ces paroles, tout le monde fixe ses regards sur Menas : on ne songe plus au spectacle, on oublie le combat équestre; la seule chose qui aborde l'attention commune, c'est la présence de cet homme capable de tant d'audace. Ceux qui partageaient avec lui les mêmes sentiments religieux admiraient sa hardiesse de langage, et la vive allégresse qu'ils eu ressentaient les faisait tressaillir d'aise; ceux, au contraire, qui étaient ennemis du christianisme, incitaient le juge à le faire mourir. Après que le héraut d'armes eut fait faire silence, on saisit aussitôt Menas, et on le conduisit devant le président Pyrrhus, qui était assis à la place d'honneur, au-dessus des spectateurs. Lorsqu'il vit Menas devant lui, il lui adressa des paroles calmes et pleines d'une feinte douceur, et il lui demanda, avec le même ton de bonté, qui il était et d'où il venait. Dès que le martyr lui eut fait connaître sa patrie, sa famille, son état militaire; et l'exil auquel il s'était condamné; faisant valoir au-dessus de tout sa qualité de serviteur de Jésus Christ, le juge, oubliant sa mansuétude simulée, revint à la colère impétueuse qui lui était naturelle. Cependant il remit au jour suivant un peu plus ample informé, et ordonna d'enchaîner le captif et de le mettre en prison; puis ou continua le spectacle jusqu'à la nuit.

Le lendemain, on reprit la procédure, après avoir ajourné les autres affaires. Le juge, toujours exaspéré de l'événement de la veille, reprochait à Menas son audace tumultueuse et insensée; mais ce qui excitait le plus sa fureur, c'était la pensée qu'une présomptueuse arrogance le couvrait lui-même de mépris. Menas, qui s'applaudissait de sa hardiesse de la veille, lui répondit avec encore plus d'audace : "C'est ainsi qu'il convient de confesser le Nom de Dieu; car il est lumière; et en Lui il n'y a point de ténèbres. Et c'est ce que Paul nous enseigne par ces paroles : "On croit du coeur pour la justice, et ou confesse de la bouche pour le salut." Le juge fut stupéfait de la liberté de plus en plus téméraire qu'il se donnait,. Néanmoins il dissimula encore son courroux et reprit son air de douceur, espérant que la hardiesse du martyr finirait par céder à des procédés bienveillants. "Ne perds donc pas, lui dit-il, à Menas, cette vie si pleine d'attraits, et ne va pas échanger contre une mort prématurée cette lumière si douce à tous les flammes; mais plutôt suis nos conseils; car alors tu mèneras une vie heureuse et fortunée, les empereurs te combleront d'honneurs et de présents, et tu obtiendras de tels succès qu'ils seront un sujet d'en vie pour les autres." Le martyr ne put retenir un doux sourire à ces propositions qu'il regardait comme de misérables bagatelles, dignes d'amuser des enfants et non de satisfaire des sages; puis du bon trésor de son coeur, il tira ces paroles : "A mon avis, il n'est rien absolument qu'on puisse mettre en parallèle avec le royaume des cieux; et le monde entier, apprécié à sa plus juste valeur, ne vaut pas une seule âme. Du reste, si tu tiens à me gratifier, fais-moi plutôt faire l'expérience de tes faveurs par les supplices; car c'est par là que tu me procureras le bonheur véritable." Pyrrhus, entendant ce discours, ne put se contenir plus longtemps, et résolut d'en venir aux tortures. Regardant donc les licteurs d'un air sévère, il ordonna à quatre d'entre eux d'étendre le martyr, et de le frapper vivement avec des nerfs de boeuf. Tandis que Menas subissait de si âpres tourments, et que le sang qui s'échappait de ses blessures rougissait la terre, un de ceux qui étaient présents, nommé Pégase, et surnommé le Prince, lui dit simulant la compassion : " Tu vois, malheureux, combien il est périlleux de désobéir, crois-moi, avant que ta chair ait entièrement disparu sous les coups, songe à ce qui convient au temps où nous sommes et sacrifie, car comme tu endures des supplices intolérables, ton Dieu te pardonnera peut-être cette action à cause de cela." Après qu'il eut ainsi parlé, le martyr, le regardant d'un air indigné, et plus ému de son langage que des rudes coups qu'il recevait, s'écria d'une voix forte : "Retirez-vous de moi, vous tous ouvriers d'iniquité. Pour moi, j'ai sacrifié à mon Dieu, et je lui offrirai encore un sacrifice de louanges; car il me prête son secours, et il fait en sorte que tous vos coups sont pour moi des délices plutôt que des tourments."

Le gouverneur envoya le Saint à son frère dans l’espoir qu’il fasse pression sur lui. Mais il échoua.

Le juge, voyant que Menas persévérait dans son invincible patience, et qu'il continuait à parler librement et disertement, recourut à un autre genre de supplice : il le fit élever sur le chevalet, et ordonna de lui déchirer le corps avec les ongles de fer. Pendant ce supplice, le juge plaisantait le martyr, et lui disait ironiquement : "Eh bien, Menas, sens-tu à présent quelque douleur ? Veux-tu que nous te procurions une sensation encore plus agréable, au moyen de quelque autre torture ?" Le martyr, malgré ses horribles blessures, lui répondit : "Qu'attends-tu ? Crois-tu donc pouvoir m'épouvanter par des tourments de courte durée, ou faire chanceler la citadelle de ma foi qui, en moi, est immuable ? " A ces mots, le président commanda de le torturer encore plus rudement, et lui défendit de confesser nul autre roi que l'empereur qui, selon lui, était le véritable monarque. Mais le martyr lui répondit : "Comme tu ne sais point quel est ce roi que je confesse, tu le blasphèmes et tu déchaînes contre lui ta méchante langue; tu oses lui assimiler, des hommes sujets à la mort et sortis de la terre, à lui qui leur a donné lui-même l'empire, car il est le Seigneur et Maître de toute chair et de tout esprit." Le juge, non point pour s'instruire, mais simulant l'ignorance, lui dit : "Qui est celui qui donne la puissance aux monarques, et, qui est le Seigneur de toutes choses ? - C'est Jésus, répondit Menas, le Fils de Dieu, toujours vivant, à qui toutes choses sont soumises au ciel et sur la terre." Le tyran répliqua : "Tu ne sais donc pas que les rois, à cause de cela même que tu affirmes, s'indignant contre le Nom du Christ, ont donné des ordres pour vous faire subir des tourments ?" Le martyr repartit : "S'il s'indignent, qu'ils s'indignent; cela ne me regarde pas, moi qui suis serviteur du Christ; ce que je désire avant tout et de toute mon âme; c'est de persévérer jusqu'à la mort dans cette belle confession, afin d'être trouvé digne des couronnes qu'elle procure; car il est écrit : "Qui nous séparera de la charité qui est dans le Christ Jésus ? Sera-ce l'affliction, l'angoisse, la faim, la persécution, le péril ou le glaive ?" Le président, s'apercevant que le souvenir de celui qui a été crucifié rendait la vigueur aux membres du martyr, que tant et de si cruels tourments avaient affaiblis et brisés, donna l'ordre de frotter fortement ses chairs dénudées et meurtries avec des brosses faites de poils rudes. Pendant ce supplice, le martyr disait : " Aujourd'hui, je quitte ma tunique de peau pour prendre le vêtement du salut." Le juge lui fit ensuite appliquer les porches ardentes; mais au souvenir du feu éternel, elles lui semblaient n'avoir presque aucune chaleur, et, par la vertu du Christ, le martyr paraissait mépriser tous les supplices qu'on lui infligeait, on l'entendait dire hardiment à ceux qui le tourmentaient : "Mon Seigneur et mon Roi m'a appris à ne pas craindre ceux qui tuent le corps, et qui ne peuvent tuer l'âme, mais plutôt à redouter celui qui peut perdre dans la géhenne éternelle et l'âme et le corps." Le président Pyrrhus, de plus en plus convaincu de l'admirable et invincible patience du martyr, et repassant dans son esprit ses réponses pleines de justesse et d'à-propos, fit cesser les tourments et en revint aux paroles, Il lui dit donc : "Dis-moi, homme étonnant, d'où te vient cette précieuse facilité d'allocution, car tu n'es qu'un soldat, et c'est à peine si tu as consacré quelques jours aux lettres humaines; la guerre et les exercices militaires faisaient, pour ainsi dire, ton unique occupation." Le martyr lui répondit que ses paroles étaient les paroles mêmes du Christ, qui a dit : "Quand vous serez amenés devant les rois et les princes à cause de Moi, ne pensez point à ce que vous aurez à dire ni à la manière de l'énoncer, car on vous donnera à l'heure même ce que vous devrez dire.-" Le président dit alors : "Votre Christ a donc prévu que vous auriez des tourments à endurer pour son Nom ?" Le martyr répondit : "Puisqu'Il est le vrai Dieu il doit évidemment savoir d'avance ce qui arrivera dans la suite des temps. Il est, en effet, le Créateur et la cause première de tout ce qui existe, et avant de rien créer Il connaissait parfaitement toutes choses." Pyrrhus, ne sachant que répondre à des discours si sensés, lui dit : "Mettons fin à toutes ces paroles superflues, si raisonnables qu'elles soient; il vaut mieux en venir au fait. Je veux donc que tu choisisses de deux choses l'une : ou de vivre comme nous et avec nous, et c'est ce que tu as de mieux à faire; ou de te déclarer nettement pour le Christ." Le martyr lui ayant répondu, avec une noble indépendance : "J'ai toujours été avec mon Christ, j'y suis toujours, et toujours j'y serai." Le président lui dit qu'il voulait bien se montrer envers lui doux et patient, et il ordonna de lui donner du temps pour réfléchir. Comme il ne pouvait se lasser d'admirer tout à la fois son courage et sa vive intelligence, il faisait tous ses efforts pour l'attirer à ses propres sentiments; car il ne voulait pas qu'un tel homme fût perdu pour les païens.

Mais le martyr demeura inébranlable; il n'en devint même que plus hardi dans ses discours, disant ouvertement que le Christ est Dieu, et appelant profanes démons les dieux qu'adorait le président. Celui-ci, outré de colère, ordonne aussitôt de semer par terre des morceaux de fer pointus, et de traîner dessus le martyr pieds et poings liés. Menas, se sentant aussi à l'aise que si on l'eût traîné doucement sur une prairie émaillée de fleurs, ne cessait d'invectiver contre les dieux et les démons du président. Pyrrhus, ne pouvant plus se contenir, ordonna de le frapper sur le cou et sur les joues, en lui disant : "C'est pour t'apprendre à ne pas mépriser les dieux, et t'empêcher de vomir impudemment contre eux de sanglants outrages." On le frappa ainsi durant plusieurs heures.

Le juge, voyant, d'un côté, le ferme courage du martyr, et de l'autre, l'inutilité de tout ce qu'on pouvait dire ou faire pour l'amener à changer de sentiment, s'occupa enfin de la sentence qu'il devait rendre. Après s'être brièvement consulté avec ses assesseurs qui partageaient son impiété, il prononça contre le martyr la sentence capitale; puis il ordonna au licteur de se tenir prêt avec son épée nue, et désigna un lieu hors de la ville où devait être exécutée la sentence. Lorsqu'ils furent arrivés en ce lieu, cette nouvelle arène parut au martyr plus agréable que la première. Il s'entretint ensuite quelques instants avec des personnes de sa connaissance, joignant d'instantes prières aux paroles qu'il leur adressait; puis, rempli d'une sainte allégresse, comme étant sur le point d'aller jouir de la béatitude qui l'attendait, voulant arriver par l'action de grâces à ce bonheur suprême, il s'écria : "Seigneur Dieu, Tu as daigné m'associer à ta Mort précieuse, et tu ne m'as point laissé dévorer par les bêtes sauvages; je T'en rends grâces, mais plus encore de ce que Tu m'as soutenu pour conserver pure et intacte la foi que j'ai en Toi. " Après cette prière, il se mit à genoux et tendit le cou au bourreau. On jeta ensuite son corps dans le feu. Et c'est ainsi que fut détruit ce qu'il y avait de mortel en ce saint martyr. Quant à l'âme, elle fut introduite par les anges dans son bienheureux héritage.

Bien que le corps, restait trois jours et trois nuits, des hommes pieux s'empressèrent de retirer du brasier ses précieux ossements, afin de les déposer en des lieux honorables. Quand ils les eurent réunis, ils les enveloppèrent dans des linges de prix, les embaumèrent avec des parfums et des aromates, et leur rendirent saintement les derniers devoirs. Quelque temps après, on les reporta dans sa patrie, comme le saint martyr l'avait recommandé avant de mourir. En effet, il fallait que celle qui l'avait produit et nourri, le reçût et le conservât, après qu'il eut été illustré par le martyre, et il ne convenait pas qu'un autre lieu jouît de la présence de ses précieux restes.

Sa sœur versa beaucoup d’argent aux soldats pour prendre le corps du Saint. Elle le mit dans un cercueil en paille et se dirigea vers Alexandrie selon le testament de son frère. Tandis qu’on naviguait avec ce corps, des bêtes féroces sortirent de la mer et menacèrent les voyageurs. Ceux-ci se mirent à crier. La sœur du Saint supplia Dieu et demanda l’intercession de son frère.Tandis que les gens ressentaient une crainte violente, du corps du Saint sortit un feu vers le visage de ces bêtes. Celles-ci replongèrent immédiatement dans l’eau sans retour.

Lorsque le bateau fut arrivé à Alexandrie, le Pape et la plupart des fidèles portèrent le corps pur avec honneur et respect. Ils entrèrent dans la ville où ils faisaient une cérémonie grandiose. Ensuite ils mirent le corps dans un linceul magnifique et le déposèrent dans l’église. A la fin de la persécution, l’ange du Seigneur apparut à Saint Athanase l’Apostolique patriarche d’Alexandrie, et lui ordonna d’exécuter la volonté du Seigneur en transportant le corps du Saint sur un chameau hors de la ville. Il précisa que le chameau se dirigera tout seul vers l’endroit où le Seigneur veut déposer son corps. On suivit le chameau jusqu’au lac Biade près de Mariout. Là, on entendit une voix disant : « Ici est l’endroit choisi par le Seigneur pour déposer le corps de son bien aimé. » On déposa le corps dans un cercueil d’un jardin magnifique. Plusieurs miracles se produisirent du corps du Saint.

A une époque, arriva que le voisinage d’Alexandrie se révolte. Les habitants de cette ville devaient faire face à ces berbères. Le gouverneur prit avec lui le corps du Saint pour qu’il lui soit d’un secours et d’une sainte garde. Par la bénédiction de ce Saint il vainquit les berbères. Mais à son retour le gouverneur désira garder le corps du Saint à Alexandrie. En passant par le lac Biade, le premier endroit, le chameau qui le transportait ne bougea pas malgré des coups violents. On transportait le corps sur un autre chameau cependant celui-là ne bougea pas non plus. On reconnut que c’était l’ordre de Dieu. On fabriqua un cercueil en bois dur dans lequel on mit un autre cercueil en argent et on mit le corps dans cet endroit. Le gouverneur prit la bénédiction du corps avant de retourner à la ville.

Lorsque Dieu voulut révéler la présence de ce corps sacré, il y avait dans cette contrée un berger. Un jour, un misérable agneau galeux entra dans cet endroit, se plongea dans un étang qui était voisin et se roula à cette place : aussitôt il fut guéri. Quand le berger vit ce miracle, il fut stupéfait. Il prit de la terre de cet endroit, y mêla de l’eau et frotta tous les agneau galeux ou atteint de quelconque maladie ; ils guérirent tous. Cette nouvelle se répandit dans tous les pays. Le roi de Constantinople en entendit parler ; il avait une fille unique affligée de la lèpre. Il l’envoya à cet endroit. Elle demanda au berger comment il s’y prenait. Elle fit de même pour elle, prenant de la terre la faisant fondre dans l’eau et s’en frottant. Elle dormit cette nuit dans cet endroit. En songe, elle vit le Saint Mina qui lui disait : « Quand tu te lèveras demain matin, creuse cet endroit et tu trouveras mon corps. » Aussitôt elle fut guérie. Quand elle fut levée et quand elle eut creusé, elle trouva le Saint corps. Elle envoya informer son père de la nouvelle ; il se réjouit beaucoup, loua Dieu, glorifia son nom, expédia de l’argent et des hommes et construisit en cet endroit une église qui fut consacrée le quinze du mois de Baounah.

Au temps d’Arcadius et d’Honorius, ils firent bâtir là une grande ville. Des foules considérables se rendaient en cet endroit et visitaient cette église, invoquant l’intercession du corps du Saint, le bienheureux Mina. Ce corps fit des miracles et des merveilles sans nombre. Ces miracles et ces prodiges ne cessèrent d’apparaître jusqu’à la domination arabe où la ville et l’église furent ruinées.

Sa Sainteté le Pape Cyrille VI, patriarche d’Alexandrie, prit soin de construire un grand monastère dans cet endroit au nom de Saint Mar Mina qui coûta beaucoup d’argent. Le monastère comprend deux églises que les fidèles visitent pour la prière et la bénédiction. Sa Sainteté acheta également 100 hectares qu’il entoura par un mur. Il ordonna plusieurs moines qui ont reçut une éducation culturelle et religieuse de haut niveau.

Et tout ceci fut accompli par la providence du Christ, à qui revient toute gloire, honneur, puissance, majesté et magnificence, maintenant et dans les siècles des siècles. Amen.

Ses apparitions et ses miracles sont innombrables. Parmi les plus récents, rapportons-en un:

Pendant les combats décisifs pour l'issue de la guerre, qui eurent lieu en Afrique du Nord (1942), il advint que les troupes nazies commandées par le général Rommel, en route pour Alexandrie, s'arrêtassent près d'un lieu nommé El-Alameïn (déformation arabe du nom de saint Mènas), où se trouvait les ruines d'une ancienne église dédiée à Saint Mènas (et d'après certains, son tombeau). En face des milliers d'Allemands, armés de fer et de feu, se trouvaient de faibles forces alliées, parmi lesquelles quelques Grecs.

L'issue de l'affrontement qui se préparait semblait certaine. Or, la nuit venue, Saint Mènas apparut au milieu du camp allemand à la tête d'une caravane de chameaux, strictement de la même manière qu'il était représenté sur une des fresques de l'église, décrivant les miracles du saint. Cette apparition jeta la stupeur, puis la panique parmi les Allemands, et atteignit si fort leur moral que les alliés remportèrent brillamment la victoire. En reconnaissance, on restaura l'église du saint et on fonda là un petit monastère.