Vie d'abba Macaire père et chef des moines de la montagne sainte de Scété, illuminateur plein du Saint Esprit, accompli en toute vertu, telle que l'a racontée abba Sérapion, qui fut disciple d'abba Antoine le porteur du St Esprit puis très saint évêque de Thmuis, la ville vouée au Christ.



+ Dans la paix de Dieu : Amen +

2. Les choses qu'a racontées Moïse, le serviteur de Dieu, dans la Loi qu'il reçut de Dieu pour notre bien - car la Loi nous conduit au Christ, selon la parole du dessein de Dieu comme a dit le saint apôtre - et aussi les choses qu'on a écrites après la Loi, soit les Juges, soit les Prophètes, soit les livres de Rois, soit le reste - en un mot l'Ancien et le Nouveau Testament - sont profitables pour le plus grand nombre, car le discours vise ce but unique : l'Incarnation de Notre Sauveur ; c'est pourquoi on appelle "Loi" l'Écriture ancienne, selon ce qui est écrit dans l'Évangile : "Un iota ou un trait ne sera pas enlevé de la Loi avant que tout cela ne soit arrivé." C'est pourquoi, comme le iota et le trait signifient la croix, l'accomplissement de ces prophéties s'est rencontré dans le Seigneur qu'on a crucifié sur la croix pour nous tous et qui a enduré la mort dans la chair, afin de nous sauver, avec le monde entier, de la puissance du diable.

Mais ceux aussi qui ont servi le Verbe selon l'enseignement de notre Seigneur, c'est-à-dire les saints Apôtres, eux dont la voix est allée dans la terre entière, et ils ont été le salut de toute la terre habitée, et les autres qui sont venus après eux, qui ont suivi les traces uniques de la piété, combattant en toute vertu contre les guerres contraires de cette vie qui n'est qu'un songe, regardant en avant l'espérance impérissable, selon que le Seigneur nous l'a enseigné dans ses paroles saintes qui sont dans l'Évangile, en disant ainsi : "La voie est étroite qui mène à la vie, et peu la trouvent" ; regardant donc tous ceux-là et méditant à leur sujet, le saint porteur de l'Esprit abba Macaire a été saisi d'un beau zèle et a été leur compagnon, digne d'être admiré en paroles et en œuvres, comme le discours nous le montrera à mesure que nous avancerons. Nous serons donc, par nos paroles, profitables aux auditeurs de la piété, en exposant, au moins en partie et par la grâce de Dieu, les actions de ce saint.

3. Donc, ce grand abba Macaire, ainsi que nous l'avons appris des Pères qui nous ont précédés, était l'enfant de parents pieux, vivant dans le service de Dieu et le servant selon la sainte loi de l'Evangile. Son père était un prêtre assidu au sanctuaire de Dieu avec une grande dévotion, et sa mère était une femme fidèle, marchant dans la modestie et vénérant Dieu assidûment. Tous deux étaient justes, et le Christ était avec eux. Mais comme ils avaient en abondance les choses nécessaires à la vie, ils vaquaient surtout au salut de leurs âmes. Une fille avait été leur première-née et lorsqu'elle eut grandi un peu, le Seigneur la visita, et elle émigra de cette vie. Or,ce prêtre aimant Dieu et sa bienheureuse femme, comme ils aimaient tous deux la pureté, ils n'eurent plus, pendant longtemps, de relations intimes après la mort de l'enfant, vaquant dès lors à la prière, au jeûne, à l'aumône, au service des malades, au point qu'ils étaient renommés àce  propos et pour leur piété, étant aimés de tous.

Mais celui qui hait le bien - le diable - ne put supporter de les voir vivant ainsi : il leur porta envie selon sa coutume, et ainsi il suscita des épreuves sur eux. L'une après l'autre, au moyen d'hommes de scandale qui étaient ses agents à lui, Satan, de sorte qu'ils furent ruinés et perdirent tous les biens qui leur appartenaient - comme avant eux le juste Job, homme généreux dans le choses de Dieu - car à cette époque il n'y avait pas de gouvernement dans leur région. La bienheureuse femme ayant vu ce qui était arrivé et qu'on cherchait à les tenir dans la crainte, elle conseilla à son mari de sauver leur âme, de sortir de leur pays et de leur famille, ce qu'ils firent. Mais lui, le prêtre, comme partagé entre ses pensées, restait silencieux à propos de tout cela, pensant : "Que m'est-il arrivé ?" Ensuite, lorsque la nuit venue il se fut endormi, voici qu'il vit en songe un saint vieillard totalement lumineux, vêtu comme l'étaient les patriarches ; et lorsque le vieillard fut près de lui, il lui dit : "Ne crains pas, c'est moi Abraham, le père d'Isaac qui engendra Jacob. Écoute-moi et ne désobéis pas à la voix de ta femme : sors de cette région, car ainsi Dieu l'a décidé ; va à Jijbêr pour y habiter, et moi, je ne t'oublierai pas, dit le Seigneur, mais je te bénirai ; car moi aussi, je suis sorti de ma terre de Harran et j'ai demeuré dans la terre de Canaan, comme le Seigneur me l'avait dit. Et moi je te donnerai un fils, dit le Seigneur, de cette femme qui est avec toi maintenant, et son nom sera stable jusqu'aux générations, ainsi que les fils qu'il engendrera spirituellement, pour qu'ils me servent dans le lieu que je lui indiquerai." Entendant cela, le prêtre se réjouissait dans sa stupeur, et fut convaincu. Au matin, il appela sa femme et lui raconta tout ce qu'il avait vu, et comment on lui avait parlé. Aussitôt qu'ils furent d'accord sur la volonté de Dieu, ils laissèrent le reste de ce qui leur appartenait, ils quittèrent leur région et s'étant rendus à Jijbêr, ils y habitèrent, comme on le leur avait ordonné dans la vision. Ils avaient juste apporté avec eux quelques provisions, ce qui leur suffisait, seulement ce dont ils avaient besoin. Lors donc qu'ils furent arrivés à Jijbêr, ils marchèrent dans les lois du Seigneur selon leur habitude, les clercs de ce lieu-là, voyant la conduite exemplaire du saint homme, le prièrent d'être leur compagnon de service dans le sanctuaire ; ce qu'il n'accepta pas, à cause des canons de l'Eglise.

Au bout de quelques temps, alors qu'ils étaient installés, il se mit à travailler à la terre pour en vivre et se fit laboureur. Au bout d'un certain temps, il tomba malade et demanda qu'on le portât à l'église, dans la confiance qu'il recevrait guérison. Durant la nuit, étant encore éveillé à cause de la souffrance et de la maladie, il vit qu'un ange du Seigneur se tenait près de lui dans le sanctuaire et l'appela une, deux et jusqu'à trois l'ois, en disant : "Lève-toi, viens ici." Mais il dit : "Je t'en prie, Seigneur ! je n'en ai pas la force, à cause de la maladie." Mais lorsque l'ange se fut approché de lui, il le prit en disant : "C'est le Seigneur qui a ordonné que tu sois guéri : lève-toi et tiens-toi debout." Et aussitôt il se leva et il se tint debout. L'ange lui dit : "Retourne chez-toi, couche avec ton épouse, elle concevra et elle enfantera un fils. Toi et sa mère vous vous réjouirez, et il deviendra célèbre par sa piété, si bien qu'on citera son nom presque dans la terre entière, car il amènera à Dieu des hommes pour qu'ils le servent à la manière des anges ; ils imiteront presque les êtres incorporels par leur manière de vivre et leur piété." Lorsqu'il se fut réveillé, comme sa femme était dans l'église et prenait soin de lui, il l'informa de tout cela. Au matin, ils allèrent dans leur maison et son épouse devint enceinte sans retard, selon la parole de l'ange. Elle enfanta un fils qu'elle appela Macaire : il était beau et rempli de toute grâce.

4. Lorsque l'enfant eut grandi, il faisait l'aumône chaque jour, selon les instructions de ses parents, voyant qu'ils servaient Dieu de toute cette manière et que surtout ils le dirigeaient par suite de la grâce de Dieu qui était en lui ; car c'était un enfant, de la promesse, selon ce que nous avons déjà dit. Alors peu à peu il prit de la force, il commença d'aider son père dans les travaux de la vie, le Seigneur les bénissant et augmentant leur bétail et leurs plantes, de sorte que chacun admirait la grande abondance qui était en leur maison.

Les habitants du village virent la conduite de l'enfant et la grâce de Dieu qui brillait sur son visage, aussi les clercs du village le prirent et le conduisirent à l'évêque en le priant de faire de Macaire un lecteur, et il fut fait ainsi. Lorsque son père et sa mère le surent, ils furent d'abord attristés, puis ils dirent : "Que le plaisir de Dieu soit fait !" Ensuite, lorsqu'il eut grandi en âge, son père et sa mère s'inquiétèrent et ses parents le pressèrent de se marier. Mais lui ne voulait pas en entendre parler et leur dit : "Ne vous fatiguez pas à me chercher une chose de cette sorte, car certes Dieu ne sera pas content de ce projet." Pensant qu'il s'agissait d'un caprice, ses parents le prièrent de nouveau de leur obéir, oubliant ce qu'on leur avait dit à son sujet.

Mais le jeune Macaire ne se souciait que du Seigneur, méditant chaque jour les livres à l'église et dans sa maison, comprenant ce qu'il lisait, aidant les clercs comme si l'église avait besoin de lui pour son service, cela avec l'accord de ses parents. Alors, contre sa volonté, on le maria, selon les lois humaines ; mais son souci et son cœur étaient en Dieu, comme je l'ai dit : il ne coucha pas du tout avec sa femme et ne la regarda pas même : mais lorsqu'on les eut installés ensemble il se mit au lit comme s'il était malade. Et ainsi il sortait, chaque jour, pur et gardé par la prévoyance de Dieu. Lorsque les jours de la noce furent passés, on le fit diacre. Puis il demanda à son père d'aller, lui aussi, avec ses ouvriers et ses chameaux à la montagne du Natron. avec les foules qui s'y rendaient pour en rapporter du natron : et cela, il le fit afin d'échapper au soucis de la femme, afin de ne plus la côtoyer à partir de ce moment. Et il en fut ainsi, car en ce temps-là des multitudes d'hommes de tous les bourgs qui sont près de Scété se réunissaient, et ainsi ils devenaient un seul coeur pour aller à la montagne pour en rapporter du natron avec les chameaux, s'aidant les uns les autres par crainte des barbares qui, habitant une montagne éloignée, venaient de temps à autre du coté ouest du fleuve et faisaient prisonniers ceux qu'ils attrapaient pour les emmener dans leur pays. C'est pourquoi, comme abba Macaire allait régulièrement en cette compagnie, ceux de son village prirent l'habitude de l'appeler "Macaire le Chamelier". Un jour, alors que tout le groupe de ceux qui venaient chercher le natron étaient arrivé au lieu convenu, au pied d'un rocher dominant la vallée, ils s'installèrent à côté du puit dont ils devaient tirer le natron pour passer la nuit. Le jeune Macaire se coucha aussi et, à cause de la fatigue, s'endormit.

Pendant cette nuit-là, il se trouva comme dans un songe : un homme se tenait debout devant lui dans un vêtement qui lançait des éclairs et qui était d'une couleur comme celle de l'arc-en- ciel, et il lui parla en disant : "Lève-toi, regarde au pied de ces rochers, cette vallée qui est au milieu : prends garde à ce que tu vois." Et lorsque j'eus regardé, dit-il, je dis à celui qui me parlait : "II n'y a rien que le commencement de l'oued qui est à l'ouest de la vallée, et l'autre montagne qui l'environne, je la vois." Et il me dit : "Voici ce que dit le Seigneur : Cette terre, je te la donnerai ; tu y habiteras, tu y produiras ton fruit grandira, ta semence se multipliera, tu engendreras des fils spirituels et des chefs se nourriront de toi, ils seront placés higoumènes sur des peuples, et ta racine sera stable sur le rocher. Le peuple que tu engendreras par tes enseignements, je bénirai ses rameaux, afin qu'ils glorifient Dieu jusqu'aux extrémités de la terre entière, à cause de ton bon souvenir. Lève-loi donc du sommeil et va ton chemin en paix ; réfléchis bien à ce que tu as entendu et à ce qui t'a été appris. Et après cela, voici que je t'apparaîtrai de nouveau, et, si tu deviens parfait, je t' apparaîtrai pour te parler directement, dit le Seigneur. Et prends garde, n'informe personne de la vision que tu as vue jusqu'à un certaintemps." Et lorsque, au matin, le jeune Macaire se leva, il resta comme pris de stupeur, pensant à ce qui lui avait été dit et à la vision qu'il avait vue ; car il n'avait auparavant jamais rien vécu de semblable. Et lorsque ses compagnons lui demandaient : "Quel est cet ébahissement qui t'est arrivé ?" il ne répondait rien du tout. Trois jours après, repartant de la montagne du Natron il retourna vers sa maison où il trouva sa femme prise d'une forte fièvre. Au bout de peu de temps, Dieu la visita et elle reposa en paix ". Lorsque le jeune homme vit ce qui était arrivé, il se dit : "Macaire, occupe-toi sérieusement du salut de ton âme, car toi aussi on te visitera. "Mais, comme il était beau dans l'église et aimait chacun à cause de son humilité, tous l'aimaient, depuis le petit jusqu'au grand, comme leur propre fils, et tous parlaient de lui en voyant son progrès et la grâce de Dieu qui était en lui, et ils disaient : "Qu'en sera-t-il de ce jeune garçon ? où a-t-il pris cette science ?" car il ne fréquentait pas les jeunes gens de son âge, se tenant plutôt avec les vieillards blanchis qui avaient mûris en sagesse, et tous ceux qui le connaissaient disaient : "Vraiment, ce jeune homme, on dirait un ange !" Avec son père et sa mère, il était d'une grande douceur, et, comme ils avaient un pur amour pour Dieu en toutes choses ils se réjouissaient beaucoup de ce que bien souvent ils l'avaient vu priant dans les chemins, faisant l'aumône aux indigents et visitant les malades. Du reste, ses parents ne cherchaient plus à le convaincre de se marier, mais voyant la grâce qui le revêtait, le gouvernait depuis son enfance et réchauffait son âme comme une nourrice, ils regardaient sa parole comme inspirée, et se souvenant enfin qu'il était le fruit d'une promesse, et ils lui donnèrent repos en toute chose.

Mais lui, le jeune homme, voyant la piété de ses parents, les servait en toute et leur obéissait comme fait un serviteur pour ses maîtres.

5. Lorsque le jeune garçon fut arrivé à l'âge adulte selon la loi, son père était un vieillard devenant aveugle, comme Isaac le patriarche. Et lorsqu'il fut devenu sans force par suite de la multiplication du temps, dès lors il resta couché sur le lit ; et le bienheureux Macaire était assidu près de lui, le servant, lui demandant avec foi, à tout moment, de le bénir. Et ainsi il arriva. Lorsque ses jours furent accomplis dans une bonne vieillesse : il s'étendit et se reposa, et on l'ensevelit convenablement. Quand son père se fut endormi, aussitôt il lui vint au cœur d'abandonner cette vie et ses soucis, de n'avoir plus à se soucier que d'une chose et pouvoir s'adonner à la prière avec liberté d'esprit : et ainsi il commença de distribuer peu à peu tout ce qui lui appartenait. Mais lorsque sa mère l'apprit, elle lui parla en privé, disant : "Mon fils, qu'est-ce que tu fais ? Voici que tu es un jeune homme, prends garde de perdre ce que tu as, de devenir indigent, et ainsi de te faire le serviteur des autres ! " Et lui, ne voulant pas attrister son cœur, lui répondit : "Je ferai ce que tu me diras." Toutefois, il garda son projet dans son cœur. Or, après six mois et quelques jours le Seigneur visita la bienheureuse vieille, et, lorsqu'elle se fut reposée, on plaça son corps près de celui du bienheureux prêtre.

Lorsque le bienheureux Macaire fut resté seul, des foules de pensées l'entourèrent.

6. Un jour de fête, il lui vint à cœur d'inviter les besogneux et les infirmes, de leur faire l'aumône d'un repas selon la coutume, afin qu'ils fassent mémoire de ses parents. D y avait, un peu en arrière de son village, un ermite à la tête chevelue qui craignait Dieu grandement et menait une vie tranquille dans une petite cellule, tout seul. Comme il était venu à l'église en ce jour, parce qu'il n'y avait pas de prêtre en sa cellule pour lui donner la bénédiction, le saint Macaire l'invita d'aller aussi recevoir l'aumône ; ce qu'il accepta. Lorsqu'ils eurent fini de manger, le saint Macaire lui dit : "Je t'en prie, mon père, permet que je vienne te voir demain matin, afin que je te dise ma pensée, car la chose en a besoin." Et, connaissant la vie du bienheureux Macaire, le vieillard y consentit. Au matin, Macaire se rendit vers lui, il l'informa de son désir de perfection, "car, dit-il, moi aussi je désire être ermite et m'occuper du salut de mon âme." Le vieillard, voyant la grâce de Dieu qui était dans le jeune homme, s'étonna de son désir et de sa demande, puis il lui permit de rester, afin de savoir ce que le Seigneur lui ferait connaître à son sujet, car certes c'était un voyant. Comme le soleil allait se coucher, ils mangèrent un peu puis s'allongèrent pour dormir. Toutefois, tandis que le vieillard s'abstenait du sommeil, le Seigneur lui ouvrit les yeux et voici qu'il vit un groupe de moines autour d'abba Macaire endormi, tous blancs, ayant tous comme des ailes sur leurs épaules à la manière des aigles. Et il entendit une voix qui disait : "Lève-toi, Macaire, commence le service ; car le temps est venu. Lève-toi, car c'est moi qui t'envoie." Lorsque le saint vieillard eut entendu cela, il ne dit rien ; mais lorsque le jour eut paru et que le bienheureux Macaire allait repartir, le vieillard lui dit : "N'as-tu rien vu, cette nuit ?" Il lui dit : "Non, rien du tout ; mais j'ai dormi en repos et en rafraîchissement de mon âme." Alors le vieillard lui dit : "Ce qui est monté en ton cœur, fais-le ; car c'est le Seigneur qui t'invite." Le vieillard ne lui dit rien de ce qu'il avait vu, de peur que le jeune homme ne s'enorgueillisse ; mais il lui ordonna de s'en aller au loin, afin d'habiter dans des cellules près d'un autre village, car personne encore parmi les dévots de Dieu n'habitait dans les déserts intérieurs, si ce n'est le grand Antoine qui allait souvent dans les lieux déserts et de nouveau en sortait. Aussi le bienheureux Macaire, lorsqu'il fut retourné au village, commença promptement de distribuer tout ce qui lui appartenait aux pauvres et aux infirmes.

7. Et ainsi, il sortit de son village, il alla s'installer dans une cellule à l'extérieur d'un autre village où il habita seul pendant quelque temps. Les habitants de ce village voyant sa manière de vivre et sa douceur, comme ils n'avaient pas de prêtre pour leur donner la bénédiction dans le village, allèrent parler en secret à l'évêque à son sujet, et, l'ayant emmené sans qu'il sût pourquoi, il fut ordonné prêtre malgré lui. Cependant cela lui arriva par une disposition divine, afin qu'il se secourût, et les autres avec lui, lorsque, après cela, il habita dans le désert. Lorsqu'il eut habité dans cette cellule pendant quelques temps, ce qui fut profitable à tous, alors le diable commença de changer sa première manière de combattre, et nulle pensé ne vint de quelques temps troubler le bienheureux Macaire, ceci afin qu'il restât en ce lieu et n'en sorte pas pour aller combattre, de crainte que le désert ne devint pas un monde nouveau pour le Dieu du ciel, le lieu où il rassemblerait pour le Seigneur une armée de soldats spirituels, se servant des armes de la sagesse contre les armées apostates, c'est-à-dire celles des esprits impurs ; qui combattraient le diable par les flèches aiguës des vertus et remporteraient sur lui la victoire au nom de Jésus le Christ notre Dieu.

Mais Dieu, qui est prévoyant et sage, permit qu'une épreuve s'élevât contre abba Macaire, afin qu'à cause de cela il se rappelât ce qui lui avait été dit et qu'il aille dans le désert, au lieu qui lui avait été indiqué, afin d'y rassembler quiconque désirait la vie éternelle. Cette épreuve, vous la connaissez tous, comme il l'a racontée lui-même de nombreuses fois ; cependant je vous la dirai, ô frères.

8. Il y avait dans ce village une jeune fille ayant grandi en âge mais n'était pas mariée ; il y avait aussi un jeune homme dans son voisinage qui lui était proche selon la parenté. Et les parents du jeune garçon pensaient à marier la jeune fille à leur fils par une union respectable, selon les lois de la nature ; mais lorsqu'ils eurent grandi tous les deux il ne fut pas possible de les marier à cause de la pauvreté des parents du jeune homme. Cependant le jeune garçon et la jeune fille s'étaient fréquenté, à cause de la parenté et du voisinage, comme nous l'avons dit. Ils se rencontraient ensemble une foule de fois dans les maisons et dans les rues, et, alors qu'en un jour de fête ils avaient bu du vin à s'enivrer, ils couchèrent ensemble, perdant tous deux leur virginité. Et ainsi la jeune fille devint enceinte, et craignant tous deux que leurs parents ne les tuent à cause du déshonneur, ils prirent une décision injuste, ajoutant encore un grand péché à leur coucherie. Ils se dirent donc l'un à l'autre : "Que ferons-nous ? car si nos parents apprennent cela, ils nous perdront ! Disons que c'est le prêtre ermite qui a agi ainsi, car c'est un étranger et personne ne lui fera grâce." Et il fut ainsi.

Lorsque les parents de la jeune fille surent qu'elle était enceinte, ils lui demandèrent : "Que t'est- il arrivé ? Qui t'a fait cela ? Apprends-le-nous !" Mais elle, comme le jeune homme lui avait dit, répondit : "Je suis allée un jour vers l'ermite ; c'est lui qui m'a fait cela et m'a engrossée." Aussi les parents, furieux à cause du déshonneur qui leur était arrivé au sujet de leur fille, se rendirent en compagnie d'autres personnes à la cellule d'abba Macaire et le firent sortir en lui donnant de violents coups comme pour le tuer ; mais lui, le saint, comme il ne savait pas ce qui était arrivé, leur demandait : "Qu'y a-t-il pour que vous me frappiez ainsi sans pitié ?" Finalement, ils attachèrent à son cou des marmites remplies de cendre et le conduisirent au milieu du village, une foule d'enfants le suivant, le frappant, le poussant de côté et d'autre, comme pour un meurtrier, et criant tous contre lui, disant : "Sus à lui, sus a lui, car il a violé la jeune fille." Mais un pieux laïc, qui souvent rendait des services à Macaire afin de recevoir sa bénédiction, le suivait alors avec respect. Tandis que ces gens faisaient souffrir Macaire tant par les coups que les moqueries, des fidèles arrivèrent et le voyant presque mort demandèrent : "Que lui est-il arrivé ?" Et lorsqu'ils eurent appris de quoi il était accusé, ils dirent : "Cette chose n'est pas vraie ; car nous qui connaissons cet homme, nous savons qu'il est fidèle en vérité." Et s'étant approchés, ils le délièrent et brisèrent aussi les marmites pleines de cendre qu'on avait mises sur son cou. Mais le père de la jeune fille dit : "Rien n'est possible, jusqu'à ce qu'il ait trouvé quelqu'un qui se porte garant de lui, de sorte que lorsque la jeune fille enfantera, il paie pour l'accouchement et la nourriture de l'enfant." Et Macaire dit : "O violence ! ô jugement où je me trouve sans le savoir !" Alors l'homme qui le servait dit : "Faites charité, prenez-moi pour garant", ce qui fut fait. Aussi, on relâcha Macaire, et il s'en alla à sa cellule, à moitié mort.

9. Lorsqu'il fut arrivé à sa cellule, il se parla et dit : "Macaire, voici que tu t'es trouvé une femme ! Désormais, il faut que tu travailles nuit et jour afin de te nourrir avec elle et son enfant". Et ainsi il travailla avec zèle, et les corbeilles qu'il faisait, il les donnait à celui qui le servait pour qu'il les vende et en donne le prix à la jeune femme, afin que lorsqu'elle accoucherait, elle le dépense pour elle et pour l'enfant. Mais Dieu qui est ami des hommes, qui glorifie ceux qui le glorifient, qui connaît les choses avant qu'elles ne soient, ainsi que le passé, qui connaît ses élus dès longtemps avant qu'ils n'aient étés engendrés, ne voulut pas que son trésor reste caché et que l'action de son serviteur Macaire reste ignorée, mais au contraire voulut que chacun sache qu'il y a espoir qui reste aux gens pieux.

Aussi, lorsque le temps où cette malheureuse jeune fille devait accoucher, alors que les douleurs de l'enfantement la saisissaient avec violence, elle fut en danger de mort durant quatre jours et quatre nuits sans pouvoir accoucher. Sa mère lui dit "Que t'arrive-t-il ma fille ? Encore un peu, et te voila mourante !" Et elle répondit : "Je suis digne de mourir, car non seulement j'ai péché, mais en plus j'ai accusé à tort le serviteur de Dieu, l'ermite. Car ce saint homme ne m'a absolument pas touché : c'est tel jeune homme qui m'a mise enceinte !" Quand il apprit cela, le jeune homme s'enfuit, de peur d'être attrapé. Lorsque cette malheureuse eut accouché, après avoir avoué la vérité, l'homme qui servait le saint abba Macaire alla le trouver, plein de joie et de louange et lui dit : "Cette jeune fille qui t'a calomnié n'a pu accoucher jusqu'à ce qu'elle ait avoué "ce n'est pas le saint qui m'a fait cela, mais c'est tel jeune homme". Tous ceux qui apprirent ce qui était arrivé se rendirent auprès d'abba Macaire, le glorifiant et le louant beaucoup. Mais celui qui se réjouissait le plus était l'homme qui servait Macaire, car le Seigneur l'avait lavé de tout déshonneur, car on lui faisait des reproches, ou peu s'en faut, une foule de gens le méprisant et lui disant "Vois-le, ton saint homme ! Voici ce qu'il a fait ! "

Ces choses étant ainsi arrivées, le saint abba Macaire décida de quitter cette cellule et d'aller habiter dans un autre endroit.

10. Le jour où, selon sa coutume, il devait prendre les saints mystères dans sa cellule, se tenant comme à son habitude à l'autel, il regarda vers la droite et vit : voici qu'un chérubin aux six ailes et aux yeux innombrables se tenait près de lui. Abba Macaire commença à le regarder fixement, disant "Qu'est-ce ?" et, à cause de la splendeur et de la clarté de sa gloire, il tomba face contre terre, comme mort. Quand il fut resté un peu de temps étendu à terre, le chérubin le prit et après lui avoir rendu des forces, il le fit lever. Lorsque Macaire se fut remis, le chérubin lui dit : "Pourquoi ton cœur s'est-il encrassé de la sorte ? Tu as négligé ce qui t'a été dit au pied du rocher, et tout cela est devenu pour toi comme un songe. Cependant, tu as bien fait de supporter l'épreuve jusqu'à ce qu'elle se termine, afin que par l'épreuve tu apprennes peu à peu à être vaillant dans les combats dans lesquels le Seigneur permettra que tu sois éprouvé par les démons et les hommes. Termine donc l'office que tu as commencé, et prends les saints mystères, car ils te purifieront et te rendront forts, puis prépare-toi durant la nuit qui vient, afin de partir rapidement de ce lieu et d'habiter dans le lieu qui t'a été indiqué par le Seigneur. Seulement, tiens-toi prêt et ne néglige pas l'ordre qui t'a été donné, car la nuit prochaine, je reviendrai ici auprès de toi, et nous partirons de nuit, sans que cela se sache, à cause de la lourdeur des hommes. Et ne crains rien, car c'est ainsi que le Seigneur m'a ordonné non seulement de t'emmener de ce lieu-ci, mais encore d'être avec toi dans le lieu que le Seigneur t'a indiqué, afin que soit accompli ce que tu as entendu, comme cela t'a été dit. En effet, le seigneur a décidé que tu seras père d'une multitude, non selon l'engendrement charnel mais selon l'appel des enfants spirituels. Quant à moi, j'ai reçu l'ordre du Très-Haut de servir en secret jusqu'à la fin des temps le peuple que tu réuniras selon le dessein de mon Dieu, à conditions qu'ils gardent les commandements et les préceptes du Seigneur que tu leur donneras." Puis il lui dit encore : "Je reviendrai vers toi la nuit prochaine. Ne crains rien, ne tergiverse pas car c'est le Seigneur qui commande. Prends garde et ne contredis pas."

11. Le saint abba Macaire, ayant prit consolation et courage de la présence du chérubin, oublia les souffrances et douleurs qu'on lui avait causées, et se prépara à suivre en toutes choses ce qui lui avait été dit.

Et dans la nuit suivante, alors qu'il s'était levé pour dire l'office selon sa coutume, voici que le lieu devint lumineux comme en plein midi d'été, et abba Macaire sut ainsi que c'était le chérubin qui était revenu vers lui. Cette Puissance, après être restée un peu de temps sans lui parler afin de ne pas l'effrayer, lui dit enfin : "Lève-toi, ceins-toi de force au nom de Dieu qui te fortifie, et suis-moi à l'endroit qui t'a déjà été désigné par le Seigneur". Alors, laissant toute chose dans la cellule, il partit avec joie, conduit par le chérubin, par la puissance de Dieu. Au bout de deux jours, ils arrivèrent à la montagne, allant ici et là pour la visiter en tous sens. Alors abba Macaire lui dit : "Je t'en prie, mon seigneur, apprends-moi en quel lieu j'habiterai car je ne connais aucun endroit ici". Le chérubin lui dit : "Choisis le lieu que tu voudras parmi ceux que tu verras, fais un essai et prends celui qui est bon : seulement prends garde aux esprits mauvais, à leurs embûches malveillantes, et si tu es constant, je te visiterai constamment selon ce qui m'a été ordonné par mon Dieu." Lorsque abba Macaire eut passé de nombreux jours à inspecter la montagne, en faisant le tour, il arriva au commencement de l'oued qui entoure les endroits où l'on récolte le natron, et creusant dans le rocher, il s'y fit une caverne et y habita pendant des jours afin de n'être pas trop éloigné de l'eau.

12. Ensuite, ayant pris le chemin des lieux déserts et y étant plus tranquille, il alla en haut du rocher situé au sud et il y habita ; car près des lieux où l'on chargeait le natron, les marchands le faisaient souffrir, jetant du natron d'en haut, à l'endroit où les barbares tuèrent les soldats. Lorsqu'il y fut resté quelque temps, il creusa deux cavernes dans le rocher ; en l'une d'elles il fit un sanctuaire, du côté de l'est, afin d'y prendre la bénédiction, et il y restait assis, vaquant à la prière et travaillant à tresser les corbeilles qu'il faisait, et il les donnait aux marchands qui, après les avoir vendues, lui apportaient ce dont il avait besoin et aussi des réserves pour l'offrande sainte. Lorsque la multitude des démons qui étaient en ce lieu vit le courage du saint et sa ferveur pour Dieu, ils devinrent comme des bêtes sauvages furieuses, tournant autour de lui sans pouvoir l'approcher, car cela ne leur avait pas encore été accordé par Dieu. Cela lui arriva avec miséricorde et grâce, afin qu'il ne soit pas immédiatement effrayé ni découragé trop vite car il n'y avait personne sur cette montagne pour le diriger avec prudence dans le combat contre les pensées mauvaises et des esprits impurs.

13. Au bout de peu de temps, il se dit en lui-même : "Voici donc le lieu ! J'y suis venu comme il m'a été ordonné, mais il n'y personne ici qui me dirige à faire l'œuvre spirituelle selon l'usage de ceux qui habitent le désert. Et que ferai-je ? Voici, pendant que j'étais en Egypte, j'ai entendu dire comment le saint Antoine habitait le désert intérieur, il y a longtemps. Je me lèverai donc pour aller vers lui, afin qu'il me donne une règle et qu'ainsi ma pensée s'affermisse, jusqu'à ce que je revienne ici." Puis, s'étant levé, il pria et sortit. Il se dirigea vers la montagne, jusqu'au lieu où vivait abba Antoine. Lorsqu'il fut arrivé, le vieillard le reçut avec joie ; et, lorsqu'il lui eut appris sa pensée avec franchise, comme un fils auprès de son père, sans aucun secret, alors le vieillard lui baisa la tête et lui dit : "Mon fils Macaire, tu es bienheureux ainsi que ton nom l'indique. En effet, le Seigneur m'a informé à l'avance que tu viendrais vers moi : c'est pourquoi j'attendais ce temps afin que nous voyions ton salut et sachions ton état." Alors le vieillard l'encouragea et le consola par des paroles convenables à l'habit du monachisme, lui faisant connaître comment il avait été combattu de toutes les manières par les pensées en cachette et aussi ouvertement jusqu'à la mort. "Afin, dit-il, que toi aussi tu deviennes vaillant, si l'on te combat." Et abba Macaire le priait de l'autoriser à rester près de lui, mais le vieillard ne l'accepta pas, lui disant : "Chacun selon l'ordre que Dieu lui a destiné, qu'il y reste". Et après avoir passé plusieurs jours en cet endroit, prenant conseil chaque jour, sa pensée considéra avec calme le moment du retour. Lorsqu'il était là, il couchait chaque jour près de moi, l'insignifiant Sarapamon, et après la prière de la nuit, nous parlions entre nous des grandeurs de ceux qui avaient combattu selon Dieu et nous nous encouragions l'un l'autre en nous racontant notre vie.

14. Mais lorsque le saint fut retourné à son endroit, il demeura dans son habitation, ne s'occupant que de Dieu seul : son espérance était en lui et le chérubin le gardait chaque jour constamment.

Et un soir, il sortit pour aller puiser de l'eau du côté de l'oued, car il n'avait pas encore creusé de puits. Pendant qu'il marchait, récitant les Ecritures, voici qu'une voix se fit entendre du ciel, qui disait : "Macaire, Macaire !" S'étant arrêté, il regarda de ci, de là, mais vit qu'il n'y avait personne alentour. Ayant entendu de nouveau, puis une troisième fois la voix, il s'assit plein de crainte, et la voix lui dit : "Parce que tu as écouté mon ordre et que tu m'as suivi, je rassemblerai pour toi, en ce lieu, un peuple de toute tribu, afin qu'ils me servent et que je sois glorifié par eux, en faisant que mon nom soit béni à leur sujet à cause de leurs bonnes œuvres et de leur vie bienheureuse. Toutefois, prends garde, ne repousse personne de ceux qui viendront à toi." Lorsqu'il eut reprit courage, il poursuivit son chemin, et lorsqu'il fut arrivé à sa caverne, il mangea et se coucha. Alors qu'il était sur le point de s'éveiller pour prier selon sa coutume, il entendit les démons qui se parlaient les uns aux autres et disaient : "Laisserons- nous cet homme habiter ici ? Laisserons-nous, à cause de lui, ces déserts devenir un port de refuge pour quiconque est en danger ? Et surtout les laisserons-nous devenir comme une cité semblable au ciel pour ceux qui espèrent en la vie éternelle ? Si nous supportons celui-ci, des multitudes se réuniront à lui et les déserts ne seront plus sous notre puissance ; mais plutôt ils nous pourchasseront par le fouet de leurs prières. Alors, venez, effrayons-le : peut-être le chasserons-nous !"

Mais le saint Macaire ayant entendu cela, son coeur s'affermit comme celui d'un lion, et aussi il bénissait Dieu en lui-même, qui lui avait ouvert les oreilles afin qu'il connaisse l'impuissance des démons.



15. Donc, lorsque le saint se mit en prières, voici que toute l'assemblée des démons vint en dessus de la caverne sur la montagne, étant comme une foule de cavaliers qui faisaient mine de se livrer combat les uns aux autres. D'autres se tinrent près de la porte et faisaient comme des balles de feu qu'ils lançaient dans la caverne où aussitôt elles éclataient. Mais saint Macaire psalmodiait constamment, disant : "Le Seigneur est ma lumière et mon salut, qui pourrais-je craindre, moi ? C'est le Seigneur qui combat pour mon salut, devant qui serais-je, moi, infirme de coeur ?" et ce qui suit. Lorsque le matin eut paru, il sortit et voici qu'il n'y avait personne, et, après être rentré, il s'assit à son ouvrage selon son habitude. Et il en était ainsi chaque jour, parce que le Seigneur avait permis que les démons le tentent longtemps par des pensées. Et ainsi les démons lançaient des pensées mauvaises en son coeur, "et comme une table, dit-il, couverte de toutes sortes de victuailles, ainsi commencèrent pour moi les pensées de fornication, de voracité, d'angoisse, de chagrin, d'orgueil, de vaine gloire, de crainte, de deuil, de louange, d'honneur, d'incrédulité, de blasphème, de cette désespérance en Dieu qui éloigne de tout chemin de la piété, en un mot tout l'ensemble des actions des démons dans les pensées, ils m'en combattirent, comme l'avait annoncé mon père abba Antoine." Et c'est en cela que le Seigneur le secourait : par sa prévoyance et sa droite élection envers lui ; et il en sortit vainqueur.

Lorsqu'un long temps fut passé, environ une année depuis qu'on le combattait ainsi, alors il se leva, il alla vers le saint Antoine. Et lorsqu'il le vit de loin, abba Antoine nous dit à nous, ses disciples : "Voici un véritable Israélite en qui il n'y a pas de ruse ; car celui-ci sera un rameau élevé et droit, et le fruit de ses branches sera doux à la bouche du Seigneur, je veux dire ses enfants et les fils de ses fils qui recevront ses instructions saintes." Lorsque abba Macaire arriva devant le saint abba Antoine, il se jeta visage contre terre et se prosterna devant abba Antoine, puis, s'étant relevé, l'embrassa. Et, lorsque le vieillard vit abba Macaire triste et d'une apparence sans force, à cause des attaques des démons, le vieillard lui dit joyeux "Que t'est-il arrivé, mon fils Macaire ?" Abba Macaire lui dit : "Le Seigneur vient de t' apprendre ce qui m'est arrivé, mon père." Et l'encourageant par des multitudes de paroles, Abba Antoine lui dit : "Sois fort et prends courage, car c'est ainsi que Dieu a résolu de t'éprouver par l'adversité, afin que toi aussi tu puisses secourir les autres : car tu dois être père d'une foule de tribus qui aimeront la vraie sagesse de la vie de moine ainsi que tu l'as appris de la voix du Seigneur que tu as entendue lorsque tu allais puiser de l'eau." Entendant cela avant qu'il ne l'ait informé d'aucune de ses pensées, abba Macaire fut étonné et il se disait en lui-même : "Il n'est pas nécessaire que je dise quoi que ce soit au saint, car il sait toute chose en esprit." Et après qu'il eut passé quelques jours avec lui, jusqu'à ce qu'il ait reçu à la fois sa bénédiction et ses conseils, il le pria de lui donner l'habit, car Antoine avait dit à abba Macaire en secret "Ne te fatigue pas à revenir ici, car dans peu de temps j'irais vers le Seigneur." Et lorsqu'il eut prié avec instance, Antoine lui donna l'habit et c'est pour cela qu'on le nomme disciple d'Antoine. Mais lui, abba Macaire, suppliait abba Antoine à genoux et avec larmes de le garder près de lui, jusqu'à ce qu'il ait reçu la bénédiction dernière. Et ne voulant pas l'attrister, abba Antoine le garda près de lui. Alors, abba Macaire fit une métanie, et le vieillard lui dit : "Encore un peu, et le Seigneur te donnera repos de la charge excessive des pensées mauvaises, et par la suite les démons te combattront ouvertement, comme pour moi ; mais sois fort et prends courage, le Seigneur est avec toi pour te secourir : ne crains pas et prends garde à cette Puissance, je parle du chérubin : ne lui donne aucun scandale dans aucune oeuvre, afin qu'il reste avec toi jusqu'à la fin pour te consoler, selon ce qui vous a été ordonné par le Seigneur, à toi tout autant qu'à lui." En entendant cela, abba Macaire fut de nouveau dans la stupéfaction, et il dit au vieillard : "Je te prie, mon père saint, que je demeure près de toi jusqu'à ce que j'aie reçu la bénédiction, si tu laisses le corps." Le vieillard lui dit : "Ce n'est pas le temps, mon fils, et ce n'est pas ce qui a été ordonné ; mais ainsi que je te l'ai dit tout d'abord, que chacun demeure au lieu où il a été appelé." Et le vieillard lui donna un bâton qui lui avait duré longtemps, et l'ayant embrassé, il pria sur lui. Et lorsque notre père saint abba Antoine eut achevé sa course, nous primes soin de son corps saint. Et notre père saint abba Macaire retourna vers son habitation dans le désert, et il y demeura vaquant à ses services, rendant gloire à notre Seigneur Jésus le Christ.

16. Ensuite des multitudes commencèrent a se réunir auprès de lui, le priant l'un après l'autre qu'il les fasse moines, afin qu'ils demeurent près de lui, qu'il leur enseignet la voie de Dieu. Et il recevait à lui tous ceux qui venaient à lui, comme on le lui avait ordonné, et il les guidait, tous, chacun selon ce dont il avait besoin. Il les gardait auprès de lui jusqu'à ce qu'il leur ait enseigné l'œuvre de Dieu, l'édification des hommes et le travail des mains : ainsi il leur faisait creuser dans le rocher des cavernes qu'ils couvraient de palmes, de rameaux et de roseaux de l'oued, et ils y habitaient. Et quelques-uns parmi les frères, il les plaça près de lui comme dans le rang de disciples. Et en ce temps-là vinrent à lui deux jeunes garçons du coté de la Romanie, voulant demeurer au désert : et ceux-là aussi, il les reçut et les affermit. Mais au bout de peu de temps le Seigneur les visita et ils se reposèrent. Le vieillard a témoigné à leur sujet que leur œuvre plut au Seigneur en toutes choses. Lorsque ces saints jeunes hommes furent entrés dans le repos, on les enterra près de la caverne, et quand quelques moines habitèrent dans cet endroit, près de la caverne, on appela ce lieu "Deir Baramos" (Monastère des Romains) jusqu'à ce jour.

17. Lorsque le saint Macaire eut vu l'allégresse des multitudes et leur amour pour Dieu, alors le saint abba Macaire les réunit tous auprès de lui, et lorsqu'ils se furent tous mis à l'oeuvre, ils se bâtirent une petite église. Mais le nom du saint abba Macaire commença de devenir célèbre et atteignit jusqu'aux cours royales â cause du nombre de ses actions et des guérisons que le Seigneur opérait par lui pour sa gloire. Aussi, les démons voyant comment la piété était renommée et le grand nombre d'âmes que le saint non seulement secourait mais encore apportait en don à Dieu afin qu'elles le servent, entrèrent dans une grande fureur et allèrent vers lui à l'heure de midi, alors qu'il était assis tout seul. Et tous l'ayant encerclé comme des chiens, ils lui crachèrent au visage, lui déchirèrent les chairs sans pitié, de sorte que tout son corps fut rendu comme des raisins noirs. Il resta longtemps à terre, n'ayant personne pour l'aider, et a peine put-il, le troisième jour, se rendre à l'église avec souffrance.
Lorsqu'il fut guéri de cela, voici que le chérubin lui apparut et lui dit : "C'est à cause de toi que le Seigneur est venu habiter ce lieu. Maintenant lève-toi et suis-moi : je te montrerai l'endroit où tu achèveras ton service jusqu'à ta fin." Et l'ayant entraîné, il le conduisit sur le haut de la montagne au sud de l'oued, à l'ouest du puits, en surplomb de la vallée, et il lui dit : "Commence de te faire une habitation en ce lieu et bâtis une église : assurément dans peu de temps un peuple nombreux habitera en ce lieu." Et ainsi il y habita jusqu'au jour de sa mort : on appelle ce lieu "abba Macaire" parce qu'il y acheva sa vie. Mais le saint abba Macaire, lorsqu'il eut habité en ce lieu une multitude de jours, les démons le firent beaucoup souffrir en cachette et ouvertement.

18. Ainsi, un jour qu'il creusait un puits avec les frères, afin d'en boire l'eau, l'heure de midi étant venue ils cessèrent afin de prendre un peu de repos, lui seul resta afin de se laver avant de rentrer. Alors les démons arrivèrent sur lui, le précipitèrent dans le puits qu'ils commencèrent à combler jusqu'à ce qu'il soit enseveli des pieds à la taille. Lorsque les frères furent ressortis, ils ne le virent pas et se disaient les uns aux autres : "Qu'est-il arrivé à notre père ?" et lorsqu'ils furent arrives près de lui, ils lui dirent : "Qu'est-ce qui t'est arrivé ?" Mais lui, leur ayant souri, dit : "Donnez-moi la main, vous autres, et tirez-moi de là." Et ainsi, ils le hissèrent. Lorsque le puit fut achevé, il s'en retourna. Les frères burent de son eau et ils l'appelèrent "le puits d'abba Macaire" jusqu'à ce jour, parce qu'il avait été jeté dedans : en effet, il a creusé une multitude de puits avec les frères mais aucun d'entre eux n'a été appelé "puits d'abba Macaire" excepté celui-ci. Et de plus, après sa mort, un grand nombre de guérisons eurent lieu à ce puits.

19. Quant au bienheureux ahba Macaire, on lui amenait de nombreux malades d'un peu partout y compris d'endroits éloignés, et il les soulageait tous, presque comme s'il avait été l'un des apôtres. Et déjà le grand Antoine avait déjà rendu témoignage de lui, en disant : "Il a été donné à Macaire de par Dieu la grâce des guérisons !" et quelle que soit l'heure, les environs de son habitation étaient envahis de malades et de ceux qui étaient possédés des démons ; il les guérissait en les signant au nom de notre Seigneur Jésus le Christ : les lépreux, il les rendait purs ; ceux qui étaient paralysés il les guérissait, et par une parole de sa bouche, ou plus exactement par la puissance de Dieu, il les renvoyait guéris chacun dans son chemin ; les morts, il les ressuscitait : en un mot, rien ne lui était impossible à cause de sa grande humilité et de son amour inextinguible pour Dieu, ou plutôt c'était le Saint-Esprit qui agissait en tout ce qu'il faisait.

Un jour, on lui amena une fois un sourd-muet, comme le possédé dans l'Evangile, frappant quiconque le rencontrait ; et quoiqu'ils fussent quatre à l'avoir saisi, c'est à grand peine qu'ils purent l'amener au saint. Et, lorsqu'ils l'eurent amené, le vieillard dit aux hommes : "Lâchez-le !" et lorsqu'ils l'eurent lâché, aussitôt le malade s'élança sur lui, brisa les liens qui étaient à son cou et à ses mains et s'enfuit dans la montagne en criant comme un chameau. Et les hommes dirent au vieillard : "S'il rencontre quelqu'un, il le tuera !" Mais le vieillard, qui priait silencieusement en son cœur, dit : "Laissez-le, ne craignez pas." Et lorsqu'il eut erré un certain temps, il revint vers eux. Et le vieillard lui dit : "Quel est ton nom ' ?" Il répondit : "Satan c'est mon nom." Le vieillard lui dit : "Maintenant tu vas sortir de celui-ci, au nom de Jésus mon Dieu, et ne retourne plus en lui jusqu'au jour de sa mort ; car c'est ainsi que le Seigneur Jésus l'a déclaré." Et lorsque l'homme fut tombé à terre, il devint comme un mort devant le vieillard, et celui-ci prit de l'eau, lui en mit sur le visage, sur les oreilles et lui en versa dans la bouche pour le faire boire. Puis, le laissant endormi près des hommes, il entra et pria. Ressortant, il prit de l'huile de la lampe du sanctuaire, il en mit dans la bouche du malade et aussi dans ses oreilles, et, après l'avoir secoué, il lui dit : "Lève-toi, va dans ta maison." Et, lorsqu'il se fut levé, il obéit et parla, le démon s'en étant allé de lui, et il rendait gloire à Dieu et au saint abba Macaire sur la merveille qui avait eu lieu.

20. Une nuit qu'abba Macaire dormait, trois démons vinrent et lui dirent : "Nous sommes des saints ; lève-toi, que nous prions." Lorsqu'il se fut assis, il dit : "Allez dans les ténèbres, au lieu où seront les larmes." Et ils lui dirent : "Blasphémeras-tu les saints ? Lève-toi, prions ; car les démons ne diront pas aux hommes : Priez. Et vois, nous sommes trois, en imitation de la Trinité." De nouveau, il les maudit au nom du Seigneur. Et lorsqu'ils se furent approchés, ils commencèrent à le secouer avec la natte qui était sous lui, alors il s'écria : "Mon Seigneur Jésus, secours-moi !" et aussitôt ils devinrent comme de la fumée et disparurent.

Un jour qu'il était assis, voici que le chérubin vint à lui et, en le voyant, abba Macaire se réjouit. Le chérubin lui dit : "Sois fort dans les combats et en toute chose rends gloire à Dieu ; et prends garde de t'enorgueillir au sujet des guérisons que tu opères, de peur que tu ne perdes le fruit de tes souffrances." Et abba Macaire lui dit : "Quel est mon orgueil, mon seigneur ? car voici que les démons font souffrir mon corps et mon âme en même temps par la mauvaise odeur de leurs passions impures, et je suis en moi-même comme une femme qui est souillée au temps de ses règles : de quoi pourrais-je donc m'enorgueillir, ayant d'ailleurs l'expérience que le Seigneur Jésus le Christ est mon secours et que c'est sa grâce qui opère la guérison."

21. Une autre fois, alors que ce saint vieillard, le saint abba Macaire se tenait en repos, il pensait et se dit : "Je sortirai de cet oued et je verrai s'il y en d'autres qui se sont installés dans ce désert avant moi." Toutefois, il ne le fit pas, et cette pensée le combattit pendant cinq années. Alors il dit : "Je me lèverai, j'irai et je marcherai dans cet oued et je verrai ce que j'y trouverai, comme j'y ais été incité." Et lorsque le vieillard saint abba Macaire fut sorti, qu'il eut marché quatre jours, il arriva à un lac, avec une île au milieu. Et lorsqu'il fut arrivé à l'île, il regarda vit des hommes dont la chair était devenue noire et avait été rendue grossière par l'air, dont les cheveux et les ongles étaient devenus longs : leur aspect s'était changée de telle sorte que, lorsqu'il les vit, il fut effrayé, disant : "Ce sont des esprits !" Mais eux, lorsqu'ils l'eurent vu effrayé au point de presque s'évanouir, l'appelèrent au nom du Seigneur.

Aussi, ayant repris confiance, il leur parla. Ils lui dirent : "Que t'est-il arrivé et qu'es-tu venu chercher ?" Et il leur répondit : "Ce que je cherche, je l'ai trouvé et le Seigneur ne m'en a pas privé : c'est votre bénédiction."

Et s'étant approché d'eux, il les toucha pour voir si peut-être ils n'étaient pas des esprits, et lorsqu'il vit que c'étaient de saints hommes, il leur fit une métanie. Eux aussi le regardèrent ; et il les interrogea sur leur manière de vivre. Ils lui dirent : "Nous n'habitons pas un monastère dans le désert et nous n'avons jamais vu d'habit comme celui que tu portes ; mais après nous être mis d'accord, nous sommes venus en ce lieu voici déjà bien longtemps ; et depuis que nous sommes ici, nous n'avons rencontré personne de ce monde ; car, en marchant les uns avec les autres dans cette montagne, nous voyons une foule d'animaux sauvages de toutes sortes et les hommes de la montagne nous les rencontrons une foule de fois, et par le secours de Dieu, nul d'entre eux ne nous a touchés pour nous nuire. Et comme tu le vois, nous sommes nus : il en est ainsi en toute saison ; nous ne souffrons ni dans l'été, ni dans l'hiver ; car, certes, c'est Dieu qui nous dispense la vie de cette manière." Et lorsqu'ils l'eurent interrogé sur le monde et ceux du monde, il leur répondit : "Grâce à Dieu et à vos prières, le Seigneur en prend soin par sa providence." Et lorsqu'il eut reçu leur bénédiction, il s'éloigna d'eux et retourna à son lieu d'habitation.

22. Mais le saint abba Macaire vieillissait et la force commença de l'abandonner ; mais son âme était florissante chaque jour dans le service de Dieu ; et fervent dans l'amour de Dieu, il était terrible face aux démons, de sorte qu'à cause de la multitude des souffrances qu'ils lui avaient causées, ils commencèrent de cesser leur lutte contre lui. Une fois donc qu'ils s'étaient rassemblés autours de lui pendant qu'il était dans l'oued cueillant des palmes à l'écart des frères, ils se saisirent de la faux qui était dans ses mains et la lui ayant prise, ils la tinrent suspendue au-dessus de lui, comme pour la faire tomber sur sa tête ; mais lui, ayant le courage d'un lion en son cœur, leur cria d'une voix forte : "Si le Seigneur vous a donné puissance, eh bien faites-la tomber sur moi ; sinon, eh bien allez-vous-en dans les ténèbres !" Les démons, s'étant rassemblés crièrent contre lui, disant : "Nous en avons fini avec toi pour toujours, car toute la fatigue que nous avons endurée pour te combattre a été vaine et nous n'avons jamais pu te dominer." Et il leur dit : "Ce n'est pas ma force qui fait cela, mais c'est la grâce de Dieu !" Et ainsi ils disparurent, et de ce jour-là le Seigneur commença de lui donner repos par rapport aux attaques des démons, et au lieu des combats dont ils le troublaient avec excès il eut la tranquillité et la consolation constantes, non pas cependant sans souffrance : car la souffrance ne laissa pas son cœur jusqu'au moment de sa mort ; mais il pensait chaque jour, en disant : "L'épreuve passe !" Et ainsi il était abstinent en toute heure, selon l'abondance de sagesse que le Seigneur lui avait accordée depuis son enfance.

23. Et lorsque le saint fut devenu vieux, il fut prié par des multitudes de leur donner l'habit monastique, afin qu'ils reçoivent sa bénédiction. Et il en fut ainsi, et il eut de nombreux disciples. Mais ils n'étaient pas tous avec lui ; car quelques-uns d'entre eux, ayant été zélés d'un beau zèle pendant qu'il vivait, s'installèrent loin de lui en divers lieux. Et comme d'autres habitèrent près d'eux, on donna leurs noms aux autres monastères : ce sont ceux de Jean Kolobos, d'abba Pischoï, disciples d'abba Amoï, disciple d'abba Pithou. Mais le saint Macaire se réjouissait avec allégresse, voyant ses rameaux se multiplier et sa race être renommée, voyant la fructification des arbres spirituels qu'il avait plantés dans cette vigne du Seigneur Sabaôth ; il rendit gloire à Dieu avec reconnaissance et se disait en lui- même : "Toute chose qui m'avait été dite d'abord, le Seigneur l'a accomplie et j'en ai vu une partie de mes veux." Car ce ne sont pas les hommes de l'Egypte seuls qui habitent en ce désert, mais on s'y est rassemblé d'une foule de pays, de la Romanie et de l'Espagne, de la Libye et de la Pentapole, de la Cappadoce et de Byzance, de l'Italie et de la Macédoine, de l'Asie et de la Syrie, de la Palestine et de la Galatie. En un mot, ses yeux virent ce qui lui avait été dit à l'avance, et cela s'accomplit près de lui.

24. Un jour, alors qu'il était devenu vieux et sans force, les démons voulurent l'éprouver, et comme on l'avait laissé assis dans la cour, au moment où le soleil allait se coucher, il s'étendit comme pour dormir. Les démons, s'étant rassemblés en foule à la porte extérieure du monastère, prirent l'aspect de mendiants et frappant et suppliant, ils dirent : "Fais-nous charité." Ayant reconnu leur voix, Macaire se jeta volontairement sur le lit, et eux se dirent les uns aux autres "Il dort !" et d'autres disaient : "Peut-être est- il mort ! reposons-nous désormais du souci qu'il nous causait, car son âme était solide comme du diamant, et notre fatigue, il l'a rendue vaine. Voyez toutes les souffrances que nous lui avons causées, il ne s'en est pas soucié. Venez, il est mort, nous serons en repos de sa tempête ; car peut-être, après sa mort, ce lieu se dispersera-t-il et deviendra-t-il désert de ces saints hommes comme auparavant." Mais lui, entendant cela, se taisait constant dans la prière. Alors les démons, angoissés par le trouble qui les environnait, prirent des pierres et brisèrent la porte. Cependant même ainsi il ne leur prêta pas attention. Finalement, ils prirent des pierres et les lancèrent dans la cour ; mais comme le Seigneur protégeait Macaire, aucune des pierres n'atteint le lieu où il se trouvait ; et il resta couché comme s'il dormait. Et chacun d'eux dit : "En vérité, Macaire est mort !" Et ils commencèrent les lamentations, comme pour se moquer de sa mort, et poussèrent des cris. Et lorsque quelques-uns des frères eurent entendu cela, ils accoururent pour voir ce qui était arrivé. Alors le saint se leva, et se tenant debout il leur dit : "Que le Seigneur châtie et extermine votre race de la face de la terre entière !" Et ayant pris du sable, ils le jetèrent en l'air en criant : "Tu nous as vaincus cette fois encore, ô méchant vieux !" Et après les avoir châtiés au nom du Seigneur, il les chassa comme des sauterelles.

25. Et lorsque la force commença de l'abandonner, les frères le suppliaient de se reposer un peu des fatigues excessives qu'il s'imposait, et il leur disait : "Encore un peu et toute chose sera accomplie ! Cependant je rends grâces à votre affection, car je sais l'amour qui est en vous pour moi qui suis maintenant un infirme." Comme il était assis un jour, sur le point de manger, alors que le soleil allait se coucher, un de ses disciples entra, accompagné d'autres frères selon la coutume, et dit : "Voici, il y a dehors un homme honorable accompagné d'un enfant, tous deux déguisés en mendiants." Il leur dit : "Que veulent- ils, et que cherchent- ils ?" Le disciple lui dit : "Je ne sais ni ce qu'ils veulent ni ce qu'ils cherchent." Le vieillard lui dit : "Fais-les entrer." Mais lorsque le disciple fut sorti et leur eut dit cela, ils n'entrèrent pas. Alors le vieillard sortit et ayant vu en esprit de qui il s'agissait dit au disciple : "Va-t'en." S'étant assis, l'homme dit : "Cet enfant est mon fils : il y a en lui un "archonte" (car c'est ainsi que le démon s'était présenté, disant : "Je suis un chef de légions") qui le frappe quatre ou cinq fois par jour. Je l'ai mené à une foule de saints en mon pays, mais il n'a pas été guéri : il déchire ses vêtements et se mord jusqu'au sang, c'est pourquoi je l'ai revêtu de ces vieux habits." Et le vieillard lui dit : "Comment as-tu osé amener cette jeune fille en ce lieu désert ! et cela ne t'a pas suffi, tu as menti à l'esprit de grâce : car c'est la fille d'Agathonique, l'éparque d'Antioche, tu es venu avec elle en ce lieu avec une grande suite que tu as laissée, pour le moment, en arrière de la montagne, sur le chemin, et tu as amené cette jeune fille sous cet habit, afin que personne ne vous reconnaisse. Et tu as bien fait à cause du scandale." Et lorsque l'homme eut entendu cela, il tremblait, il tomba sur son visage aux pieds de Macaire. Alors le saint lui dit : "Lève-toi, ne crains rien et ne recommence plus à mentir." Et l'homme lui dit : "Je t'en prie, mon seigneur, je suis un serviteur de cette jeune fille, et ainsi que m'a commandé son père, depuis mon pays, j'ai fait ainsi ; car, moi, je suis un serviteur." Et lorsque le vieillard eut appelé, on lui apporta de l'huile, et se tenant debout, il pria sur l'enfant et sur l'huile ; puis, après lui en avoir signé le front et les oreilles, il la lui rendit guérie et il lui dit : "Quand tu auras rejoint tes compagnons, ne reste pas cette nuit dans cette montagne à cause de la foule de femmes qui vous accompagnent ; mais va vers l'Egypte, en un endroit près de nous, jusqu'à ce que tes bêtes de somme, et aussi tes hommes, aient repris des forces ; car voici qu'a cause de la foi de son père envers les saints et de sa foi droite en l'orthodoxie, le Seigneur a fait grâce à l'enfant de la guérison, et tu connaîtras par expérience la chose avant que tu sois allé dans ton pays." Lorsque l'homme eut appelé quelques-uns de ses compagnons de service qui se tenaient debout au loin, ils apportèrent un sac contenant quatre mille pièces d'or que l'homme tendit au saint en disant : "Je t'en prie, mon seigneur et père, reçois ce modeste présent de mon maître, quatre mille pièces d'or, afin que tu les distribues aux pauvres." Mais il lui dit : "Mon fils, on ne vend pas le don du Seigneur et nous n'avons pas besoin ici de pareille chose ; mais va-t'en en paix vers ceux qui t'ont envoyé." Et, lorsque l'homme s'en fut allé, pour observer la parole du vieillard, il ne se reposa pas dans la montagne jusqu'à ce qu'il fût arrivé en Egypte. Et, lorsqu'il eut connu par expérience que l'enfant était guérie, il retourna dans son pays. Et ce que nous avons dit jusqu'ici est suffisant ; car il serait impossible de compter les vertus et les guérisons que le Seigneur opéra par lui, ainsi que le nombre de ses ascèses, d'ailleurs on a écrit ses œuvres dans d'autres livres.

26. Le saint abba Macaire devint fort lourd des suites de la maladie et du grand âge ; sa chair fut presque consumée par les fatigues qu'il lui fit endurer en secret ; car il ne laissa personne voir ses ascèses et il ne laissa personne savoir tout cela jusqu'au jour de sa mort, parce qu'il se gardait sévèrement de la gloire humaine selon ce qui lui avait été ordonné par le chérubin qui lui avait parlé dès le commencement. D'autre part ses yeux commencèrent à s'obscurcir, lui refusant leur service à cause de l'abondance de ses ascèses et du temps de la vieillesse, car il avait quatre-vingt-dix-sept ans, étant sur le point de mourir. Alors peu à peu ses forces l'abandonnèrent et il commença de se coucher ; il tremblait en se déplaçant, et lorsque les frères l'entouraient en cercle, il donnait courage à chacun selon son oeuvre, et il leur disait : "Voici qu'en tout ce temps que j'ai passé avec vous, le Seigneur sait que je ne me suis pas caché de vous pour vous enseigner ce qui était bon pour vos âmes, car j'ai essayé de ne scandaliser ni un petit, ni un grand, et je ne me suis jamais couché lorsqu'il y avait une querelle entre moi et quelqu'un. Je n'ai pas méprisé ma conscience, en aucune œuvre selon Dieu, afin qu'elle me blâme moi-même ; Dieu connaît mon amour pour lui et mes compagnons, ainsi que ma charité pour toute créature. Pourtant le Seigneur lui-même m'est témoin qu'ainsi qu'il me l'a dit une fois : "Tu n'as pas atteint, par tes services, la mesure de ces femmes fidèles qui sont en des lieux nombreux" : cela, je l'ai médité jusqu'à ce jour. De même les victoires que j'ai remportées sur les démons, sa Grâce sait que je n'ai jamais pensé avoir fait quelque chose par ma vertu ; mais la victoire, la miséricorde et les aides de Dieu, ce sont elles qui ont aidé ma force. Du reste, mes enfants, poursuivez vos ascèses et soyez abstinents, car dans quelque temps Macaire sera transporté."

27. Les frères, entendant ces paroles et surtout voyant sa faiblesse, se mirent à crier et pleurer comme s'il allait les quitter en les laissant orphelins. Aussi, de nouveau, il les exhortait à se taire et leur disait : "Allons, le moment n'est pas encore arrivé. D'ailleurs, pourquoi pleurez- vous et m'attristez-vous ? Car il est impossible que cela ne nous arrive pas à tous, à chacun en son temps, selon le décret inexorable de notre Dieu." Et même ainsi, c'est à peine s'il put les consoler et les faire taire ; puis ils se levèrent et se retirèrent chacun dans son habitation. Lorsque les frères furent partis, de nouveau il fut prit de faiblesse le domina, et, étant entré seul dans la caverne, il se coucha : c'était la septième heure. Et comme, selon sa coutume, il méditait sur son départ, sa comparution devant Dieu, sur la sentence qui serait prononcée contre lui à ce moment et au lieu où ou le jetterait, voici que lui apparurent deux saints, resplendissant de gloire et d'honneur, et leur visage était rempli de joie. Lorsque le vieillard les vit, il garda le silence quelque temps et l'un d'eux lui dit : "Sais-tu qui je suis ?" Après l'avoir longuement regardé, et quoique la grandeur de l'éclat où ils se trouvaient l'empêchât de bien le reconnaître, il dit à celui qui lui parlait : "Selon moi, tu es mon père abba Antoine." Et le saint abba Antoine lui dit : "Connais-tu aussi celui-ci, et sais-tu qui il est ?" Et de nouveau il garda le silence, car il avait coutume de ne jamais répondre avec précipitation. Antoine lui dit : "Celui-ci est notre frère Pakhôme, le père des moines de Tabennêsis, et nous avons été envoyés pour t'inviter. A partir de maintenant, fais ce qui te préoccupe, car il te reste encore neuf jours, puis tu laisseras cette tunique de peau et tu habiteras près de nous. Lève tes yeux en haut et vois l'endroit qui t'a été préparé, afin que tu reçoives la joie et viennes dans le repos." Ensuite, les saints se retirèrent.

28. Mais le saint vieillard ne dit rien de cela à personne, afin de ne pas les attrister, et aussi pour que son esprit ne fut pas fatigué par les hommes ; car tous le regardaient comme un chef au milieu de ses soldats : qu'ils viennent à le perdre, et toute la multitude est comme si on avait coupé leurs têtes, de sorte qu'à cause du manque de chef, il leur est impossible de marcher à la guerre et au combat ; et surtout, en vérité, parce qu'il était, après Dieu, comme un dieu pour toute la race des moines, tous le regardant comme un miroir, et leurs âmes prenaient de la force dans ses exhortations. Et lorsqu'il se fut couché sur sa natte, comme à son habitude, il ne se releva plus à cause du poids de la maladie et parce qu'il souffrait de la fièvre. Alors, peu à peu, la force l'abandonna , et dans la nuit, du huitième au neuvième jour depuis qu'il était malade, selon la parole d'abba Antoine, c'était le 27 du mois de Phamenôth, voici que le chérubin qui était resté avec lui depuis le commencement, vint, accompagné d'une grande foule de chœurs incorporels, et lui dit : "Hâte-toi et sors, car tous ceux qui se tiennent là debout, t'attendent." Et il dit d'une grande voix : "Mon Seigneur Jésus, toi le bien-aimé de mon âme, reçois mon esprit." Et ainsi il s'endormit.

29. Il y avait peu de monde avec lui à ce moment là, et nul ne savait qu'il allait mourir ce jour- là, car comme chaque jour il était d'esprit allègre et encourageait les frères. Lorsque les frères eurent appris sa mort, ils pleurèrent tous sur l'abandon dans lequel ils se trouvaient. Quant aux frères qui étaient dans les saints déserts, ayant eux aussi reçu de lui le chemin qui conduit a la droiture de la vertu, et qu'il avait comme stratège armés de toutes les armes du combat contre le diable, ce tyran impudent et contre tous ses bataillons méchants, qu'il avait édifiés enfin sur le roc inébranlable qui est le Christ notre Dieu, qu'il avait gardés jusque-là invaincus par la grâce du Très-Haut répandue sur eux à cause des prières de notre père saint, le grand abba Macaire : quand ceux-là donc eurent appris que le saint était sorti du corps, ils quittèrent leurs habitations, se lamentant et étant dans le deuil à cause du départ de celui qui avait été emmené avec justice en haut, dans les habitations célestes pour y être réuni avec les puissances angéliques qu'il avait imitées en œuvres et en paroles, par les actions angéliques qui s'étaient manifestées dans sa vie sainte et qui étaient dignes d'être admirées, qui avaient été une instruction et une direction pour quiconque voulait vivre selon toute la justice des saints Évangiles.

Etant arrivés à l'église, pleurant tous avec amertume parce leur père, qui était un sujet d'émulation et de courage pour eux tous dans la vie anachorétique et les autres oeuvres bonnes, leur avait été arraché, ils se pressèrent tous autours de ce corps saint durant plus d'une heure, se lamentant avec tristesse. Et après cela, ils firent la liturgie convenable, ils amenèrent sur ses restes glorieux le sacrifice non sanglant, le corps et le sang de notre Seigneur Jésus le Christ. Enfin, ils déposèrent son corps saint dans la caverne près de l'église qu'il avait bâtie et s'en retournèrent dans leurs habitations, étant dans un grand deuil parce qu'on les avait privés du nourricier de leurs âmes dans la crainte du Seigneur, accompagnés par le saint homme abba Paphnouti qui était le plus grand parmi les disciples du saint homme. C'est lui qui prit la paternité dans les lieux saints après Macaire, car lui aussi était un saint homme, suivant entièrement le but et les oeuvres du saint homme, le grand abba Macaire : c'est pourquoi il devint célèbre en tout lieu. Des foules de moines venaient vers lui, non seulement de Scété, mais presque de toute l'Egypte, recevant de lui toute forme de vertu qu'il s'était acquise avec douceur par la guidance soigneuse de cet homme vraiment juste et parfait, le grand abba Macaire.

30. Quelque temps après, les gens de Jejbir (c'était le village du saint, comme nous l'avons dit en commençant ce récit) parvinrent à savoir en quel lieu le corps du saint avait été déposé : étant venus à Scété en secret, ils emportèrent le corps de notre bienheureux père au village, comme s'il y avait eu un accord - mais sans que personne le sache. Et lorsqu'ils l'eurent enseveli dignement, ils firent la grande châsse de bois qui était nécessaire, et y déposèrent son corps saint. Et quelques temps après, ils bâtirent un martyrium au sud-ouest du village, avec la bénédiction et les prières du saint. Et lorsque, l'ayant abondamment orné, ils l'eurent achevé vers le dixième jour d'Epiphi, alors ils envoyèrent une délégation au saint évêque de ce temps, lui demandant de consacrer l'édifice. Celui-ci vint avec de nombreux autres évêques, et ils accomplirent solennellement la liturgie convenable : ils offrirent les saints dons et distribuèrent le corps et le sang de notre Seigneur Jésus le Christ à toute la foule. C'était le quatorzième jour d'Epiphi. Enfin, après le saint service, ils déposèrent le corps du saint abba Macaire, l'homme juste en vérité, dans un lieu au sud-est de cette sainte église, ayant fait connaître le récit de son corps saint par lequel s'opèrent jusqu'à nos jours de grandes vertus, des prodige et, des guérisons nombreuses par la puissance du grand Dieu, laquelle habita en son serviteur saint, abba Macaire. Puis, ayant passé la nuit suivante à veiller, chantant avec ordre de nombreux psaumes, des bénédictions et odes spirituelles, ils s'en retournèrent en paix dans leurs habitations, et tous ces saints évêques qui s'étaient réunis au lieu où se trouvait le véritablement grand et saint abba Macaire rendaient gloire à Dieu.

31. Ces choses, ô auditeurs aimant à être instruits, nous les avons dites jusqu'ici pour faire connaître une partie des œuvres glorieuses de notre père, afin que vous sachiez quel était la manière de vivre de cet homme parfait en vérité ; et c'est volontairement que nous omettons une foule de signes, de prodiges ou de guérisons nombreuses que Dieu a opérées par lui, afin que notre discours ne se multiplie pas trop. Peut-être pensera-t-on que ces choses, pourtant véridiques, sont un mensonge, à cause de l'abondance et de la grandeur de ses œuvres étonnantes ; car il s'est véritablement élevé de toute cette manière, et qui trouvera-t-on qui lui soit semblable ou de qui dira-ton qu'il lui a été supérieur ?

Car qui donc a été semblable à lui en ce temps-ci dans ses pratiques élevées, dans sa foi exacte, ou encore dans son ardent désir pour Dieu et dans sa conscience pure envers tout homme ?

Qui a été semblable à lui dans ses actes nombreux d'humilité, par laquelle il a brisé et détruit toutes les armes de la puissance de l'ennemi ? Car il a aiguisé ses armes pour affermir ses reins et ses entrailles, ainsi que le Seigneur l'a dit dans Job, qui fut lui aussi un grand homme, parlant à propos du diable : "Sa force est dans ses reins, et son courage dans ses entrailles". Celui qui a été brisé chez ce saint a été poursuivi par la vertu de Dieu qui était en lui. Qui donc a, comme lui, refréné la bête méchante, c'est-à-dire la colère, ou qui donc s'est acquis une douceur égale pour tout le monde comme ce saint ?

Qui donc a, comme lui, tué l'orgueil, cette abomination devant Dieu, ou la gloire qui détruit la profonde quiétude de l'âme, comme ce bienheureux ? En un mot qui a détruit toutes les manières d'agir de l'ennemi, les a mises en dérision en lui, les a manifestées en lui comme indignes et pernicieuses pour l'homme, comme l'a fait cet homme juste ?

Car il a chassé loin de lui, par le secours du Très-Haut, toutes les méchantes apparences de la tyrannie du diable par l'abondance de ses prières et les larmes nombreuses qu'il a versées. Donc, en entendant ces choses, mes bien-aimés, que chacun de nous montre le même zèle dans l'accomplissement de cet espoir jusqu'à la fin, en regardant, certes, désormais la conduite de cet homme parfait, à savoir : notre bienheureux père, produisant pour Dieu les fruits de l'esprit, selon ce que nous avons vu en sa vie admirable, le représentant devant nos yeux à tout moment, et produisant ainsi les fruits qui conviennent à la vie respectable à laquelle nous a appelés le Christ notre Dieu, par les privilèges de notre père saint et son enseignement tout à la fois. En outre de ce qu'il nous a guidés, il nous a donné, par sa grande douceur, la lumière vers les vertus selon Dieu ; car, en vérité, il a été aussi un apôtre en notre temps et il n'a été en rien inférieur à ces grands hommes, Pierre, Jean, les saints Apôtres, ainsi que nous l'avons vu de nos yeux et que nous avons entendu dire à d'autres qui sont fidèles. De ces choses, il n'est pas possible de dire toutes les parties, parce qu'en tout, la mesure est agréable à Dieu. Donc maintenant, que l'un de nous produise pour Dieu la miséricorde avec bienveillance, selon la force qu'il a ; qu'un autre produise l'amour de Dieu et la charité du cœur envers ses compagnons ; pour l'un ce sera une ascèse surhumaine, pour un autre des veilles raisonnables, avec mesure et attention ; pour l'un, une prière pure, pour l'autre parole juste ; pour l'un, la pureté de corps et d'âme, pour l'autre l'abstinence et une conscience bonne envers chacun, en ne scandalisant personne de peur que son adoration ne soit souillée.

En un mot que chacun de nous soit préparé à ce que nous venons de dire, afin que notre bienheureux père voie ces bons fruits se multiplier en nous, brillant en notre vie en tout temps, et qu'il prie pour nous celui auprès duquel il se trouve, le Christ, afin que nous soyons réunis à lui dans ces lieux qu'il a obtenus dans le royaume permanent des cieux ; que nous aussi nous obtenions ces lieux avec lui, par la grâce, les miséricordes, l'amour qu'a pour les hommes notre Seigneur et notre Dieu, Jésus le Christ, auquel conviennent toute gloire, tout honneur, toute adoration, ainsi qu'au Père avec lui et au Saint-Esprit vivificateur et consubstantiel à lui, maintenant et en tout temps, et jusqu'aux siècles de tous les siècles. Amen.